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Citations sur Proust et les Signes (12)

Nous passons à côté des plus belles rencontres, nous nous dérobons aux impératifs qui en émanent ; à l'approfondissement des rencontres, nous avons préféré la facilité des recognitions.
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Temps qu’on perd, temps perdu, mais aussi temps qu’on retrouve et temps retrouvé. A chaque espèce de signes correspond sans doute une ligne de temps privilégiée. Les signes mondains impliquent surtout un temps qu’on perd ; les signes amoureux enveloppent particulièrement le temps perdu. Les signes sensibles nous font souvent retrouver le temps, nous le redonnent au sein du temps perdu. Les signes de l’art, enfin, nous donnent un temps retrouvé, temps originel absolu qui comprend tous les autres. Mais si chaque signe a sa dimension temporelle privilégiée, chacun chevauche aussi sur les autres lignes et participe des autres dimensions du temps. Le temps qu’on perd se prolonge dans l’amour et même dans les signes sensibles. Le temps perdu apparaît déjà dans la mondanité, il subsiste encore dans les signes de la sensibilité. Le temps qu’on retrouve réagit à son tour sur le temps qu’on perd et sur le temps perdu. Et c’est dans le temps absolu de l’oeuvre d’art que toutes les autres dimensions s’unissent et trouvent la vérité qui leur correspond. Les mondes de signes, les cercles de la Recherche se déploient donc d’après des lignes de temps, véritables lignes d’apprentissage ; mais sur ces lignes, ils interfèrent les uns avec les autres, réagissent les uns sur les autres.
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Si important que soit son rôle, la mémoire n'intervient que comme le moyen d'un apprentissage qui la dépasse à la fois par ses buts et ses principes. La Recherche est tournée vers le futur, non vers le passé
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La Recherche est rythmée, non pas seulement par les apports ou les sédiments de la mémoire, mais par des séries de déceptions discontinues, et aussi par les moyens mis en oeuvre pour les surmonter dans chaque série.
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L'oeuvre de Proust n'est pas tournée vers le passé et les découvertes de la mémoire, mais vers le futur et les progrès de l'apprentissage. Ce qui est important, c'est que le héros ne savait pas certaines choses au début, les apprend progressivement, et enfin reçoit une révélation dernière.
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Si le temps a grande importance dans la Recherche,
c'est que toute vérité est vérité du temps. Mais la
Recherche est d'abord recherche de la vérité. Par là
se manifeste la portée« philosophique)} de l'œuvre de
Proust : elle rivalise avec la philosophie. Proust dresse
une image de la pensée qui s'oppose à celle de la philosophie. Il s'attaque à ce qui est le plus essentiel dans
une philosophie classique de type rationaliste. Il
s'attaque aux présupposés de cette philosophie. Le
philosophe présuppose volontiers que l'esprit en tant
qu'esprit, le penseur en tant que penseur, veut le vrai,
aime ou désire le vrai, cherche naturellement le vrai.
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Enfin les
signes de l'art nous forcent à penser : ils mobilisent
la pensée pure comme faculté des essences. Ils déclenchent dans la pensée ce qui dépend le moins de sa
bonne volonté: l'acte de penser lui-même. Les signes
mobilisent, contraignent une faculté : intelligence,
mémoire ou imagination. Cette faculté, à son tour,
met elle-même en mouvement la pensée, la force à
penser l'essence. Sous les signes de l'art, nous apprenons ce qu'est la pensée pure comme faculté des
essences, et comment l'intelligence, la mémoire ou
l'imagination la diversifient par rapport aux autres
espèces de signes.
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La création, c'est la genèse de l'acte de penser dans la pensée
elle-même. Or cette genèse implique quelque chose
qui fait violence à la pensée, qui.l'arrache à sa stupeur
naturelle, à ses possibilités seulement abstraites.
Penser, c'est toujours interpréter, expliquer, développer, déchiffrer, traduire un signe.
Traduire, déchiffrer, développer sont la forme de la
création pure. Il n'y a pas plus de significations explicites que d'idées claires. Il n'y a que des sens impliqués dans des signes ; et si la pensée a le pouvoir
d'expliquer le signe, de le développer dans une Idée,
c'est parce que l'Idée déjà là dans le signe, à l'état
enveloppé et enroulé, dans l'état obscur de ce qui force
à penser. Nous ne cherchons la vérité que dans le
temps, contraints et forcés. Le chercheur de vérité,
c'est le jaloux qui surprend un signe mensonger sur le
visage de l'aimé. C'est l'homme sensible, en tant qu'il
rencontre la violence d'une impression. C'est le lecteur, c'est l'auditeur, en tant que l'œuvre d'art émet
des signes qui le forcera peut-être à créer, comme
l'appel du génie à d'autres génies. Les communications de l'amitié bavarde ne sont rien, face aux interprétations silencieuses d'un amant. La philosophie,
avec toute sa méthode et sa bonne volonté, n'est rien
face aux pressions secrètes de l'œuvre d'art. Toujours
la création, comme la genèse de l'acte de penser, part
des signes. L'œuvre d'art naît des signes autant qu'elle
les fait naître ; le créateur est comme le jaloux, divin
interprète qui surveille les signes auxquels la vérité
se trahit.
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Ce qui force à penser, c'est le signe. Le signe est
l'objet d'une rencontre; mais c'est précisément la
contingence de la rencontre qui garantit la nécessité
de ce qu'elle donne à penser. L'acte de penser ne
découle pas d'une simple possibilité naturelle.
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« Les vérités que l'intelligence saisit directement à
claire-voie dans le monde de la pleine lumière ont
quelque chose de moins profond, de moins nécessaire
que celles que la vie nous a malgré nous communiquées
en une impression, matérielle parce qu'elle est entrée
par nos sens, mais dont nous pouvons dégager l'esprit... Il fallait tâcher d'interpréter les sensations
comme les signes d'autant de lois et d'idées, en essayant
de penser, c'est-à-dire de faire sortir de la pénombre
ce que j'avais senti, de le convertir en un équivalent
spirituel. .. Qu'il s'agît de réminiscences dans le genre
du bruit de la fourchette ou du goût de la madeleine,
ou de ces vérités écrites à l'aide de figures dont j'essayais de chercher le sens dans ma tête, où, clochers,
herbes folles, elles composaient un grimoire compliqué
et fleuri, leur premier caractère était que je n'étais pas
libre de les choisir, qu'elles m'étaient données telles
quelles. Et je sentais que ce devait être la griffe de leur authenticité. Je n'avais pas été chercher les deux pavés
de la cour où j'avais buté. Mais justement la façon
fortuite, inévitable dont la sensation avait été rencontrée
contrôlait la vérité d'un passé qu'elle ressuscitait, des
images qu'elle déclenchait, puisque nous sentons son
effort pour remonter vers la lumière, que nous sentons
la joie du réel retrouvé... Le livre intérieur de ces
signes inconnus (de signes en relief, semblait-il, que
mon attention allait chercher, heurtait, contournait,
comme un plongeur qui sonde), pour sa lecture,
personne ne pouvait m'aider d'aucune règle, cette
lecture consistant en un acte de création où nul ne
peut nous suppléer ni même collaborer avec nous ...
Les idées formées par l'intelligence pure n'ont qu'une
vérité logique, une vérité possible, leur élection est
arbitraire. Le livre aux caractères figurés, non tracés
par nous, est notre seul livre. Non que les idées que nous
formons ne puissent être justes logiquement, mais nous
ne savons pas si elles sont vraies. Seule l'impressions
si chétive qu'en semble la matière, si invraisemblable
la trace, est un critérium de vérités et à cause de cela
mérite seule d'être appréhendée par l'esprit, car elle
est seule capable, s'il sait en dégager cette vérité, de
l'amener à une plus grande perfection et de lui donner
une pure joie)}
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