Quelle belle surprise que ce roman ! de
Delfino, j'avais déjà apprécié
Assassins et, si je ne doutais pas, au regard de sa belle écriture, que
Guyanes allait me procurer de bons moments de lecture, la découverte fut savoureuse et passionnante !
J'ai dévoré cette saga flamboyante qui mêle la grande histoire aux histoires intimes de trois personnages et apprécié la manière dont
Delfino raconte la destinée de chacun d'eux, tout d'abord de manière individuelle jusqu'à les réunir par une construction narrative très judicieuse et romanesque.
Empruntant les ressorts des romans feuilletons du 19 ème siècle et leurs personnages bien typés et représentatifs de leurs microcosmes respectifs,
Delfino insufle à son roman suspens et rebondissements.
Il y a Clara, une gamine de 15 ans,
parisienne des faubourgs pauvres, digne héroïne de
Zola. Avec son amoureux, elle a rejoint les combattants de
la Commune. La voici maintenant enchaînée comme un animal, en route pour la Guyane, condamnée à huit longues années d'enfer au bagne, elle qui avait vécu cette révolution avant tout par amour, dans la joie, l'allégresse, sans aucune conscience politique.
Il y a Mané, jeune métis, esclave au Brésil. Toute la journée, il sue sang et eau dans les champs de coton. Il a combattu pour son pays contre le Paraguay. Malgré cela, la liberté qu'on lui avait promis à son retour était un leurre. Lui aussi, il est en route vers La Guyane ou, plus exactement, il fuit vers cette terre où l'esclavage a été aboli.
Il y a Alphonse, jeune homme issu d'une famille de parvenus. Digne personnage
De Balzac, il a l'ambition de Rastignac sans le talent et se rapprocherait plutôt d'un Victorien d'Esprignon sans le prestige. Veule et intéressé, il fuit
Paris, sa femme et sa belle-famille qu'il a ruinées à cause de son vice, le jeu.
Arrivés en Guyane après un long périple, ces trois personnages vont voir leurs destinées se télescoper par d'habiles péripéties. Des histoires d'amour lumineuses, douloureuses, des amitiés, des trahisons, des espoirs, des déceptions, il y a tout cela dans ce roman.
Le fil romanesque tissé par
Delfino constitue une trame solide et passionnante. Outre son don de conteur,
Delfino, en fin connaisseur du Brésil, et plus généralement de l'histoire du colonialisme et de l'asservissement des peuples les plus pauvres par les peuples les plus riches, raconte par le prisme du destin de Clara, Mané et Alphonse, la triste et sombre histoire de la Guyane, longtemps lieu de déportation des opposants politiques, petits délinquants, prostituées, et tout simplements des pauvres gens dont la Métropole voulait se débarrasser.
La misère, la crasse, la corruption, la violence qui régnaient dans ces geôles sont très bien décrites par
Delfino. Rappelons que ces déportations n'ont pris fin qu'après la seconde guerre mondiale lors de la fermeture du bagne et, qu'aujourd'hui, la Guyane est le plus pauvre des départements français ou du moins il fait partie de ceux qui sont le plus en difficulté.