Montmartre, 1909. Masseïda, une jeune femme noire, erre dans les ruelles de la Butte. Seule et désorientée, on lui conseille de trouver le peintre
Théophile Alexandre Steinlen. le vieil homme au milieu de chats, devenus les muses uniques de son inspiration, bienveillant, acceptera de loger Masseaïda chez lui faisant fi de ses réticences… Dans ces années d'avant-guerre, où les difficultés financières s'installent dans le pays, cette colocation gratuite met peu à peu en péril le succinct confort matériel dans lequel se complaisent Masseïda et Théophile. Consciente du potentiel du talent de son logeur et de son idée, l'africaine se propose comme modèle du peintre… et c'est le renouveau pour eux…Mais la Belle Époque s'achève. La guerre assombrit l'horizon…
MON AVIS
Je découvre cet auteur avec ce roman exposé par l'association lecture plurielles mis à l'honneur en 2014 à Chambéry lors du festival du premier roman pour «
Géorgia ».
Julien Delmaire nous bascule, au gré des pas de son héroïne si particulière dans ce contexte, dans le quartier si pittoresque de Montmartre en 1909. L'ambiance nocturne et festive dépeinte par Toulouse-Lautrec nous envahit ; le lecteur déjà familiarisé avec les personnages de renom évoqués au fil des lignes glissera vite dans cette époque. L'auteur a évité l'écueil des anachronismes si désopilants, mieux, il a réussi à nous transporter avec une certaine poésie :
- le vocabulaire suranné et seyant réhausse cette idée et donne une touche de poésie à l'ensemble. A titre d'exemple, en voici quelques échantillons de ces mots ont la définition précise m'échappait et qui en 2017 ont des synonymes moins chantants : « gourgandine », « ribaude », « estafilade », « cibiste », « grognard », « caboulot » et « croquignolets ». Si vous les connaissez sans avoir à manipuler un dictionnaire, je vous félicite et vous invite à vous signaler dans les commentaires.
- En insérant dans son récits des artistes et autres acteurs contemporains de cette époque, je défie le lecteur un peu curieux de se retenir de fureter sur Notre toile du Net les oeuvres pour les découvrir, se les remémorer ou mieux les connaître : Aristide Bruant, Toulouse-Lautrec, La goulue, Jouy… .
Julien Delmaire a su redonner vie sous sa plume au pinceau de Steinlein. Quel bel hommage à cet artiste dont le talent ne se cantonnait pas à « griffonner » des chats car il dessinait avant tout des caricatures pour des revues satyriques comme "le rire" par exemple.
- Ce livre nous dresse un tableau social en sépia, et offre ce mélange hétéroclite de populations d'origine diverses qui s'entendent cordialement avec respect : le juif côtoie l'Italien, qui vend sa viande au Suisse, le Savoyard jouxte le provincial. Toutes ces individus s'entendent pour y trouver leur compte. Au milieu d'eux, l'intruse, cette femme noire qui arrive de son Afrique natale ne passera pas inaperçue, idée logique dans ce contexte. Convoitée par des proxénètes sans scrupules, sa bravoure nous touche autant que sa sincérité. Dans cette société confrontée aux vicissitudes, où chacun s'y résigne à sa façon et où les drogues comme l'absinthe y est reine.
- J'ai apprécié aussi le projecteur mis sur ces métiers désuets, ou disparus. Avec une légère nostalgie, un des neufs allumeurs de réverbères qui subsiste sous l'impulsion de César van Hove, font sourire. Et avec un peu de réalisme, l'auteur a pu contraindre un notable comme le préfet côtoyé une populace moins respectable dans ce cabaret « le Lapin Agile ».
De roman, à mes yeux, presque roman social ou historique car j'ai été tenté d'approfondir le récit pour mieux connaître la vie de Steinlein, d'Aristide Bruant, et du Préfet Justin Germain Casimir de Selves qui a réellement co-existé avec E. Poubelle pour lui succédé à la préfecture de la Seine. Il a même été dessiné dans chroniques satyriques !
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