Plusieurs mots me sont venus en tête en faisant cette lecture : respect, humilité, pudeur. Toutes ces qualités que l'auteur possède naturellement et que la vie qu'il a choisie font éclore encore et davantage chez lui.
Un autre mot m'accompagne au fil des pages : c'est révolte ! Ce livre a agi sur moi comme des petites brindilles toutes sèches qu'on jetterait sur un feu latent : elle entretiennent les flammes, les braises d'un foyer qui ne s'éteindra jamais.
Je suis désespérée de voir que l'Homme refuse de comprendre que sa survie est liée au rapport qu'il entretient avec la nature, désespérée que les grandes catastrophes écologiques du XXième et du XXIième siècles, et les grandes épidémies virales qui ravagent la planète ne font pas prendre conscience que nous exerçons un rapport de force sur le monde animal (pour ne parler que de lui) qui va nous tuer, nous méprisons le sauvage pour n'adorer que le consommable, nous prosterner devant l'idée que posséder est le seul plaisir qui vaille la peine.
Geoffroy Delorme, parce qu'il ne se sent pas à l'aise ni dans sa cellule familiale, ni dans les rapports de la société qu'il a côtoyée, décide de s'isoler en forêt et de vivre en harmonie avec le lieu et ses habitants. Son érudition dépasse la seule connaissance du peuple-chevreuil, il montre dans ce livre qu'il a compris les enjeux d'une forêt respectée pour ce qu'elle contient de promesse de vies, d'une flore regardée pour ce qu'elle représente en son intégralité, et d'un monde animal qui essaye tant bien que mal de vivre à la lisère de la société humaine si destructrice.
Le livre ne se raconte pas, il se lit, on s'en imprègne, on vibre avec ces animaux dont il nous parle avec tant d'admiration. Bien sûr, je suis depuis longtemps une convertie qui ne cherche finalement que des témoignages en ce sens, mais celui-là est fabuleux :
Geoffroy Delorme va passer plusieurs années au milieu de la forêt, nouant des rapports que l'on peut nommer d'affection avec les chevreuils. Au delà de ce qu'il nous apprend sur eux, c'est un regard porté sur l'attitude de l'humain face à son environnement.
Je suis toujours triste de voir, dans la bibliothèque du bourg, que les étagères de mise en avant d'ouvrages sont occupées par des auteurs très, très connus dont il n'est finalement pas trop la peine de parler : chacun saura, s'il est intéressé où les trouver dans les rayons.
Pourquoi ne pas mettre en avant des livres tels que celui-ci. Au moins, le regard posé un instant sur eux obligera-t-il les visiteurs à se questionner, revenir sur leurs pas et les lire dans un désir de connaître, d'apprendre, de changer son opinion.
Si davantage de personnes regardent la forêt et ce qu'elle représente en terme de Vie avec le yeux de
Geoffroy Delorme, on peut espérer quitter, quelque peu, cette vie de plaisir facile et se préoccuper de l'avenir de la planète, de la cohabitation réfléchie entre espèces...et dans un plus grand angle de la survie des Hommes.
Geoffroy Delorme fait partie de ces Purs qui apparaissent épisodiquement dans nos civilisations, ils sont les derniers porteurs de messages, les dernières lueurs de lucidité dans une société qui s'écroule, ceux qui peuvent faire revenir en arrière et décider de regarder autrement.
Dans ce monde qui est le nôtre, quelle place allons-nous laisser à ces voix ? Pour ma part, il y a longtemps que c'est la seule que je laisse résonner même si je dois payer comme l'auteur de ce livre, comme tribut, d'être évincée d'une société qui n'est de toute façon pas celle que je veux voir perdurer.
Il est encore temps de changer de vie, de retrouver la signification du mot respect et de décider de vivre en symbiose avec une nature qui nous le rendra au centuple. Quel regard allez-vous poser sur cette nature qui est vôtre ? Serez-vous lucide ou laisserez-vous la cécité vous gagner ?
Mon billet aura servi à quelque chose, s'il vous donne envie de lire le livre de
Geoffroy Delorme et d'adopter son regard pour espérer une autre histoire à écrire pour notre définition d'humanité.
Merci infiniment aux éditions Les Arènes et à Babélio pour m'avoir permis de lire ce merveilleux témoignage.
Mention spéciale pour les magnifiques photos au fil des pages.