« Parce qu'un monde privé de monstres est un monde privé de poésie…un monde sans rêves et sans évasion. Un monde sans possibles et sans avenir ».
N'étant pas une lectrice de polar, ce fut ma première rencontre avec la célèbre
Sonja Delzongle. Pour la découvrir, je trouvais que ce livre, «
sur l'île noire », pérégrination écossaise, était une excellente approche pour cerner son écriture, sa sensibilité, sa poésie. L'auteure nous amène en effet au coeur des Highlands sur les bords du Loch Ness pour tenter de comprendre le mystère de Nessie, essayer de le cerner, de le sentir, de le ressentir. Tenter d'en faire le tour. Et surtout se comprendre elle-même, tiraillée entre croyance et savoir, entre imagination onirique basée sur la fascination pour Nessie depuis l'enfance et
recueil de preuves.
« Nessie est une religion qui a autant d'adeptes que de détracteurs ou de sceptiques et de non croyants ».
Entre réflexions métaphysiques, errances en pleine nature, points historiques, ce livre est à mi-chemin entre l'enquête, l'analyse, le livre de voyage et le témoignage.
Je dois avouer que je n'ai pas apprécié de manière égale ces différents aspects. Si les références historiques m'ont donné l'impression par moment de lire un précis détaillé sur le Loch Ness et m'ont parfois un peu ennuyée – et pourtant ces références historiques sont une façon différente de cerner le sujet et de l'approcher, je le comprends bien- j'ai aimé en revanche sa vision de la nature, cette nature magnifique au charme irrésistible des Highlands, paysage découpé et tourmenté, en plein automne, fleurant bon la tourbe, senteurs magnifiées par le vent et la brume. Ces descriptions oniriques sont simples et belles, portées par quelques envolées poétiques remarquables. Sonja Delzongue nous embarque totalement dans cette atmosphère humide et pleine de mystères, où le surnaturel prévaut, ce lieu riche d'histoires et de contes.
De même, les descriptions des personnes rencontrées sont riches de poésie et d'empathie.
« Quelques rayons d'un soleil pâlot d'automne écossais plongent dans les yeux du vieil homme dont je n'avais pas encore remarqué la couleur surprenante. le même gris vert froid que celui du Loch Ness, cerclé de bleu indigo. Et dedans, beaucoup de lumière. Une lumière qui vient de l'intérieur. Celle des âmes fraiches et juvéniles. Sûrement un de ces rêveurs d'un autre monde. Nous nous sommes reconnus tout de suite ».
Ses pérégrinations ne se limitent pas au Loch Ness, l'auteure nous embarque dans d'autres endroits proches, telle que l'île aux fées, « rougeoyante, tourmentée, basaltique, désertique, lunaire, volcanique », endroits tous empreints de poésie, de mystère et de légendes.
Les questionnements, poussés, sur le rôle des monstres dans toute société humaine et les raisons qui font de Nessie l'un des monstres le plus célèbre sont intéressants. le façonnage de ce mythe est appréhendé avec subtilité et ses conséquences ancestrales sur les hommes narrées avec étonnement, respect et tendresse.
« Ces histoires de monstres reflètent ce besoin permanent et impérieux de l'humanité de croire, soit au divin, soit au démoniaque ou au surnaturel, dans une réalité qui nous assène implacablement ses lois et ses faits. Celle du Loch Ness n'y échappe pas. Rêver, vibrer, nous est aussi vital que respirer. Et les monstres nous y aident ».
Sonja Delzongle convoque la poésie d'autres auteurs comme
Scott Walter dont les vers de «
La Dame du lac » introduisent certains chapitres (d'ailleurs, l'origine de cette dame blanche nous est narrée et c'est une très belle fable), ou encore, entre autres,
Dino Buzzati et «
le désert des tartares »,
Arthur Conan Doyle et «
le monde perdu ».
Embarquez avec
Sonja Delzongle, qui se fait ici journaliste et poète, scientifique et croyante pour vous faire votre propre idée, pour savoir si, comme le dit Williamson, « dans ce loch, hormis des légendes, il n'y a sans doute rien que des poissons, des algues, et des galets »…