Le maintien de nos privilèges est un songe que nous couvons, mais un songe n’est pas comme un œuf, il n’éclot pas à force d’être couvé.
Libérée du contrôle des hommes, la terre exsudait toute sa force végétale, anarchique et superbe.
Il n’est pas de plus beau spectacle au monde qu’un champ de coton blanc, sous le soleil, quand c’est l’homme auquel on a donné son âme qui l’a fait éclore !
Ce qui s’est passé autrefois entre deux inconnus ne peut plus être évoqué que comme une légende. Une de ces belles légendes du Sud…
Tandis que le Sud lutte pour sa survie… Les femmes ne pensent qu’à se procurer des crinolines pour singer les belles de la cour de Napoléon III.
L’esclavage ne sera pas rétabli. Il faut nous préparer à une autre existence. Nous allons devoir faire un grand pas dans le temps pour nous rapprocher de cette société que nous avons méprisée. L’aristocratie terrienne a cessé de faire la loi.
La liberté est un aliment de bon suc, mais de digestion difficile. Il faut donc y préparer longuement les hommes, avant que de la leur donner.
Devenu libre, il reste noir et, comme tel, marqué du sceau de la servilité. Avec le temps et l’éducation, les nègres seront appréciés en tant que travailleurs et citoyens, non plus en raison de la couleur de leur peau et de leurs ascendances.
Le respect, l’adulation même, dont on entourait ces princesses du coton, choyées depuis leur naissance, comme des fleurs précieuses, par des nounous noires, prévenant tous leurs désirs et régnant, pour le service de leur maîtresse, sur une nuée d’esclaves subalternes, expliquait l’incapacité de ces demoiselles à organiser leur survie matérielle.
La Louisiane paraissait figée dans l’attitude reconnaissante d’une demoiselle qu’on a ramassée dans le ruisseau et qui, devenue robuste paysanne, ne saurait refuser au vieux tuteur libidineux ses rustiques faveurs.