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3,7

sur 515 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Bizarre, ce livre un peu patchwork qui mélange différentes biographies : celle du Mr Piekielny (a-t-il existé) , celle romancée de Romain Gary et celle de l'auteur.
L'idée est originale : broder une petite histoire à partir d'événements réels.
C'est fluide, bien écrit et on s'y laisse prendre à ce dernier roman de FH Désérable. Un talent certain
On attend avec impatience un vrai grand roman ...
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Une succession de hasards conduit François-Henri Désérable à Vilnius en Lituanie où il tombe sur une plaque commémorative au 18 de la rue Grande-Pohulanka où Romain Gary a vécu de 1921 à 1925, Vilnius s'appelait Wilno à l'époque et Romain Gary s'appelait encore Roman Kacew.
François-Henri Désérable a lu et relu "La promesse de l'aube" de Romain Gary à dix-sept ans, ce texte était au programme de son bac de français, une phrase rejaillit de sa mémoire concernant un certain Mr Piekielny, un homme mis en lumière le temps d'un chapitre de ce roman.
La mère de Romain Gary était convaincue du grand avenir qui attendait son fils qu'elle élevait seule, elle lui assignait un destin de grand écrivain et le disait à tous leurs voisins. L'un d'entre eux, Monsieur Piekielny fait promettre au jeune Gary de dire à tous les gens importants qu'il rencontrera dans sa vie "au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait Mr Piekielny ".

François-Henri Désérable décide de partir à la recherche de cet homme, il veut découvrir ce qu'il est devenu et se rend plusieurs fois en Lituanie. Les seuls éléments fournis par Romain Gary indiquent qu'il ressemblait à une souris triste avec une barbiche roussie par le tabac. L'écrivain sait simplement qu'il est mort assassiné par les nazis.

Dans un premier temps j'ai pensé que cette recherche de Mr Piekielny n'était qu'un prétexte pour l'auteur pour nous relater la vie de Romain Gary qu'il vénère. Une vie très riche puisqu'il a été, tour à tour, aviateur pendant la guerre, diplomate et un célèbre écrivain qui a accompli l'exploit de recevoir deux fois le prix Goncourt, la première fois sous son vrai nom, la seconde fois sous le nom d'Emile Ajar, célèbre mystification de Romain Gary qui adorait travestir la vérité.

François-Henri Désérable reprend des épisodes de la vie de Gary en imaginant les situations où il aurait pu tenir la promesse faite à Mr Piekielny, il imagine des dialogues qu'il aurait eu avec Kennedy, De Gaulle et Bernard Pivot lors de l'émission Apostrophes, autant de situations où Romain Gary aurait réussi à glisser la fameuse phrase... On suit ainsi la vie de Romain Gary, habilement entrelacée avec la vie que l'auteur imagine pour Mr Piekielny et les persécutions qu'il aurait subi en tant que juif. Les recherches de l'auteur nous entraînent dans le ghetto où des milliers de juifs ont été massacrés avec la complicité de la population en 1941, où beaucoup finissaient d'une balle dans la nuque au bord d'une fosse. Mais Mr Piekielny a-t-il vraiment existé? Romain Gary ne l'a-t-il pas simplement inventé? " S'il n'était que d'encre et de papier, voilà qui signait le triomphe indubitable, éclatant, de la littérature via la fiction"

Mais ce roman ne se limite pas à l'évocation de Romain Gary loin de là. En effet François-Henri Désérable multiplie les digressions sur lui-même mais aussi sur les auteurs qui l'ont marqué. Pennac le mène à Gogol évoqué par Gary, c'est l'inventeur du cliffhanger, procédé qui consiste à terminer un chapitre en créant une attente du lecteur. Il parle de sa découverte des livres, de ses débuts d'écrivain, de sa mère qui se désespère de le voir écrire au lieu d'avoir un métier plus assuré, "Désolé pour tes rêves évanouis, je n'ai que mes livres et je les dépose à tes pieds", "Il fallait que le front de son fils fût ceint de lauriers pour qu'elle pût enfin s'en coiffer à son tour. Mais là où Romain Gary s'était mis à écrire pour la sienne, c'est à la fois grâce à la mienne et contre elle que je suis devenu écrivain : ce qui aujourd'hui m'emporte et m'exalte et me tient lieu de vie, c'est à elle, sans doute, que je le dois"

Contrairement à d'autres je n'ai pas été gênée par le fait que François-Henri Désérable parle régulièrement de lui, je n'ai à aucun moment trouvé qu'il faisait preuve de suffisance, toutes ses digressions personnelles ont un sens par rapport à Romain Gary, par rapport à la littérature. Lorsqu'il évoque sa mère, c'est pour la comparer à celle de Romain Gary. Je ne l'ai jamais trouvé indécent "Si j'ai dévoilé une part de l'intime, c'est pour mieux dissimuler le privé", au contraire j'ai aimé l'autodérision et l'humour dont il fait preuve.
François-Henri Désérable nous offre un récit vivant aux multiples facettes dans lequel il passe sans cesse du grave au léger.
Parallèlement à l'évocation de Romain Gary, ce roman est un très bel éloge de la littérature, l'auteur y souligne les liens entre fiction et réalité et montre l'importance donnée aux personnages de fiction en hommage à un auteur qui a su si bien mêler fiction et réalité.
Lien : http://leslivresdejoelle.blo..
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Une oeuvre qui donne envie de se (re)plonger dans l'oeuvre de Gary, une (re)découverte de la vie de ce dernier, mise en parallèle avec celle de l'auteur.

Malgré quelques passages personnels desservant peut-être son dernier roman, FHD nous livre un roman au style vif et personnel. Rien d'étonnant à voir « Un certain M. Piekielny » dans la première sélection des prix Goncourt et Renaudot 2017. A lire, et à suivre !


Nous accompagnons l'auteur dans sa quête de l'identité et de l'histoire de M. Piekielny, souris triste au nom imprononçable, sujet intrigant de la promesse de Gary.

Nous voilà transportés à Vilnius, sur les traces invisibles de cet homme, dont on ne sait à peu près rien sinon que son nom signifie infernal, et qu'il a habité au n°16 de la rue Grande-Phulankan, dans le même immeuble que Romain Gary. Nous parcourons ces rues, et apprenons l'histoire de cette ville, de ses habitants, Juifs pour la plupart, dont il ne reste à peu près rien sinon l'absence.

Cette recherche nous mène tout naturellement vers l'écrivain aux deux Goncourt, « né d'une mère juive et d'un père russe, élevé en Russie, élève à Nice, aviateur, résistant, écrivain » que nous (re)découvrons au fil du voyage.

Nous suivons François-Henri Désérable lors de ses pérégrinations Pikielniennes, se métamorphosant peu à peu une recherche du Graal, contées en miroir avec sa propre histoire. Un va-et-vient Gary/Désérable – Désérable/Gary dont cet étrange et mystérieux M. Piekielny, homme sûrement discrètement élégant, affublé d'une traditionnelle redingote, constitue le fil rouge.


Qui est M. Piekielny ? A-t-il jamais existé réellement, ou a-t-il justement existé puisqu'il a été imaginé? FHD vous invite à vous poser toutes ces questions et à le suivre tel son acolyte dans son périple. L'envie m'a été donnée plus d'une fois de quitter momentanément « Un certain M. Piekielny » pour aller moi-même mener l'enquête. Relire « La promesse de l'aube », lire tout Gary, à l'affût du moindre indice, afin de venir en aide à mon partenaire.

Je l'ai cependant laissé explorer seul, et me raconter sa propre histoire en écho à celle de Gary. La relation avec sa mère qui considère que l'on n'est pas sérieux quand on est écrivain, mère qui l'obligerait presque à s'inscrire en droit -« ce qu'on fait, le plus souvent, quand à dix-huit ans, on ignore ce qu'on veut faire de sa vie » – où FDH nous répète avec (fausse) modestie qu'il est docteur, alors que le lecteur est tout à fait capable de reconnaître à la lecture de locutions latines telles que hic et nunc et fraus omnia corrumpit la trace marquée au fer rouge des années écumées sur les bancs de la fac de droit (ou dans les syllabus(i ?) juridiques, ce qui revient à peu près au même). Je ne l'ai donc pas vraiment suivi dans tous les passages personnels, certains d'entre eux me semblant constituer un exercice de style alourdissant inutilement le récit.

Heureusement, ces passages restent sporadiques et n'enlèvent en rien le plaisir que cette lecture m'a procuré.

Exceptées ces quelques incartades, j'ai beaucoup apprécié les incises de l'auteur (« Et puis il a filé au Dorchester –où il s'est enfilé trois sandwiches au concombre, -avant de retrouver une amie dans une chambre d'hôtel – où il a défendu l'honneur de la France-, et il a fini par se rendre, à la nuit tombée, au Petit Club français de Saint-James, un sous-sol enfumé, blanchi à la chaux, que j'imagine comme ma taverne à Vilnius – moins la serveuse au chemisier blanc largement échancré-, avec aux murs un drapeau tricolore, un portrait du Général et des photos en noir et blanc de Paris. »), ainsi que son humour (« Et treize ans plus tard, ils (ndlr : Gary et sa femme) passent Noël ensemble au Mexique. Au milieu des cactus donc, où dans mon esprit de gringo tout imprégné de clichés des hommes qui s'appellent indifféremment Carlos ou Pedro portent des santiags assez fines, une moustache épaisse, un sombrero plutôt large, sont assis contre un mur où ils s'enfilent des tequilas déjà tièdes, roupillent et parfois, entre deux roupillons, grattent la guitare, et aïe caramba ! C'est donc au Mexique, où, comme on le voit, je n'ai jamais mis les pieds qu'ils ont fêté Noël, en 1958. ») et la présence de photos illustrant le récit, comme par exemple la reproduction du registre des résidents du n°16 de la rue Grande-Pohulanka.

La première sélection pour les prix Renaudot et Goncourt ne m'étonne pas.
Lien : http://cetaitpourlire.be/ind..
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Traquer la vie d'un Lituanien anodin du siècle dernier sans avoir de lien tangible avec lui, sur simple évocation de sa personne dans un roman (les promesses de l'aube de Gary), et dont on n'est pas seulement sûr qu'il ait vraiment existé, voilà une inaccessible étoile. Désérable le dit lui même : "... c'est peut-être cela et rien de plus, être écrivain : fermer les yeux pour les garder grands ouverts, n'avoir ni dieu ni maître et nulle autre servitude que la page à écrire, se soustraire au monde pour lui imposer sa propre illusion".
Cette impossible quête est touchante quand on sait pourquoi Gary en a lui-même parlé, de ce petit bonhomme juif à la redingote grise, souvent comparé à une souris, à l'existence si banale et si difficile à retracer. Un (in)certain Piekielny était donc voisin d'enfance à Vilnius du petit Roman Kacew (futur Romain Gary). Il désirait que Roman se souvienne de lui quand il serait célèbre, en évoquant son existence devant les grands de ce monde qu'il ne manquerait pas de rencontrer, sa mère (à Roman) en était certaine. Ça, c'est ce qui est raconté dans les promesses. Un peu mince, non, pour se lancer dans l'écriture d'un récit sur Piekielny ?
Cela donne pourtant un roman riche, qui tourne (surtout) autour :
- d'un fantôme (Piekielny), et Désérable imagine, extrapole ou suppute plus qu'il n'en sait réellement à son sujet
- un écrivain célèbre, Romain Gary, dont les frasques, les excentricités, la bio et les citations assurent la voûte du récit
- un autre écrivain, François-Henry Désérable, noyé sous les piles de livres de Gary ou Gogol entre autres, perdu dans les errements labyrinthiques de son enquête, écartelé dans la recherche de vérité des écrits de Gary, ce caméléon aux identités multiples
- des digressions, des anecdotes aléatoires, de l'humour, une narration débridée et un doux parfum de littérature

J'ai beaucoup aimé.
Voilà un roman qui touche au coeur de l'existence, sa fragilité et son évanescence, surtout si on s'appelle Piekielny, étendard de la tragédie juive en Lituanie.
Mais ce qui est peut-être le plus beau, c'est qu'un siècle plus tard on continue à en entendre parler de ce petit bonhomme gris, dans un monde noyé d'indifférence. Son voeu, qu'il soit fictif ou réel, est finalement exaucé, et pourrait même l'être au-delà de toute espérance si Désérable décroche la timbale (comme son mentor).
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Je ne connaissais pas François-Henri Désérable. Je l'ai découvert sur le site de Babelio et j'ai beaucoup aimé!
Quelle idée originale! Mettre les pas du lecteur dans les pas de Romain Gary, revivre ces grands moments inoubliables de "La Promesse de l'Aube"!
Le prétexte : vérifier l'authenticité de l'existence de Monsieur PIEKIELNY qui deviendra le fil rouge de toute la narration : existence réelle ou chimérique? A mes yeux pas grande importance. Je retiendrai que la petite souris de Wilno représente le symbole de tous ces pauvres juifs qui voulurent vivre en paix mais furent tous exterminés même si parfois, la caricature n'est pas très loin mais FHD n'a que trente ans (le violon, les liasses de zlotys sous l'édredon).

A l'occasion du mariage d'un ami à Minsk, FHD va se trouver bloqué à Vilnius sans argent suite au vol de son portefeuille. Il va ainsi se retrouver dans l'impossibilité de prendre sa correspondance pour Minsk. Dans l'attente d'un virement de ses parents, il va errer dans la ville et tomber rue Jono-Basanavicius (ex rue Grande-Pohulanka"), devant la plaque commérant le domicile de Roman Kacew. C'est alors que va lui revenir en mémoire la phrase de la Promesse de l'Aube "au 16, de la rue Grande-Pohulanka à Wilno habitait un certain Monsieur PIEKIELNY".

J'ai aimé ces aller-retours entre passé, présent, jalonnés d'humour, d'enthousiasme mais aussi de grands moments d'émotion. La façon dont FHD dénoue tous les artifices que Romain Gary a créés pour aussitôt replonger le lecteur dans ses propres fantasmes, sa propre vision de la façon dont il envisage la scène comme celle qui met en présence Romain Gary et JFK.
Ce garçon, passionné par son mentor, a effectué un travail sérieux de recherches sur le passé de Romain Gary; il m'a bluffée!

Je ne sais dans quelle famille est né FHD, si la transmission de la Shoah n'a été qu'intellectuelle, mais j'ai ressenti ce que ce garçon de 30 ans avait pu réaliser, confronté aux lieux où les atrocités, les massacres s'étaient produits : - l'effroi lorsqu'il se rend compte qu'il marche sur des pierres tombales juives qui ont servi à paver les rues ou - la révolte lorsqu'il écrit pour parler du père de Romain Gary "Son père est mort en 1943 dans la forêt de Ponar (ou Poneriai) à dix kilomètres de Wilno, des mains d'un petit fonctionnaire de la Shoah préposé aux balles dans la nuque au bord d'une fosse, serviteur zélé de ces escadrons qui dans la langue des nazis - celle de Schiller et de Goethe et des Lieder et de la Neuvième Symphonie - endossaient le nom dont l'écho inlassablement nous écorche la gueule et nous arrache le coeur : Einsatzgruppen" (page 164).

Je vous ai livré ma vision de ce roman qui reste un roman. Il faut se laisser promener, lâcher prise, alors naîtra le besoin impérieux de relire "La Promesse de l'Aube".

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Pour avoir suivi F.H.Deserable depuis ses débuts en littérature , en avoir apprécié l'humour , l'impertinence et une certaine désinvolture (la vie revue et corrigée d'Evariste Gallois , le mathématicien vaut le détour!) je me doutais, j'en avais l'espoir, que celui ci serait de la même veine: je ne suis pas déçue .
Et c'est le sourire aux lèvres que j'ai apprécié cette lecture.
Je crois en la grande culture de ce jeune homme, et même s'il n'était qu'un imposteur, après tout ce n'est que de la littérature, et même dans ce cas ce n'est qu'un roman.
Admettons que F.H.D soit fasciné par Romain Gary, qu'il ait voulu faire vivre un personnage fictif, en y mélangeant et la vie de Gary et la sienne propre, voilà une belle manière d'aborder une partie de l'Histoire de la Lituanie. Pas facile d' être juif dans un pays coincé au XX siècle entre les Allemands, les Russes qui ne pensent qu'à vous détruire.
Voyager sur les traces de Gary , enfant, expliquer comment s'est construit cet homme tant admiré par sa mère , avec un oeil sur une fenêtre à Vilnius où aurait bien pu vivre (s'il existait) un certain M.Piekielny, quelle belle entreprise qui fera de nouveau le bonheur des libraires, et c'est tant mieux : »la promesse de l'aube » a encore de beaux jours devant elle .
Bien sur, les mots d'esprit fusent, parfois en clin d' oeil à la littérature , pour le plaisir d'un bon mot , souvent avec finesse mais aussi avec un esprit potache un peu lourd parfois ; péché de jeunesse.
Mais ce livre est avant tout un hommage à la littérature « l'irruption de la fiction dans le réel » ; « Cette scène est vraie puisque je l'ai inventée ! »
Bref un bon moment , en attendant le prochain dans 2 ans donc !
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Livre reçu en lecture grâce à Babelio. Un grand merci parce qu'en plus le livre m'a beaucoup plu.
L'auteur enquête sur M Piekielny qui est évoqué en quelques lignes dans la promesse de l'aube de Romain Gary. Il n'hésite pas à se rendre en Lituanie, à consulter les archives etc et à avoir bien du mal à retrouver la trace de ce "Monsieur infernal". Par la même occasion l'auteur évoque Romain Gary, sa vie, son oeuvre mais également lui même (sa thèse, son grand père : super intéréssant! j'en dis pas plus).
Et du coup je connaissais la vie de Gary pour avoir lu un découvertes gallimard qui lui est consacré ainsi que le livre de Lesley Blanch mais là j'apprends encore des épisodes, par exemple son passage à "Apostrophe", son repas avec J F Kennedy...
Bref j'ai beaucoup aimé ce livre et cette fois-ci, c'est sûr, je vais relire la promesse de l'aube.
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Si La Promesse de l'aube a fasciné des générations de lecteurs, émus par l'autobiographie romancée de cet écrivain à la mère aussi attachante qu'étouffante, bien peu, sans doute, se souviennent de M. Piekielny, ce petit homme effacé qui semble le seul à croire Mina Kacew lorsqu'elle annonce que son fils sera l'un des plus grands écrivains du siècle, et auquel Gary lui-même ne consacre que quelques lignes dans son ouvrage. François-Henri Désérable, lui, s'en souvient, ou du moins fait semblant de s'en souvenir, et décide de mener son enquête par tous les moyens pour reconstituer l'existence de cet énigmatique personnage secondaire, quitte, parfois, à broder lorsqu'il n'a pas suffisamment de matière.

le moins que l'on puisse dire, c'est que Désérable a du talent. À seulement trente ans, il possède une écriture bien affirmée (cela dit, on s'en doutait, pour être publié chez Gallimard, et dans la "Blanche", qui plus est), dynamique, un peu cuistre parfois, défaut compensé par une belle part d'humour qui donne lieu à des passages d'anthologie et des éclats de rire pour le moins inattendus (le repas chez les Kennedy en est un exemple savoureux).

Son enquête sur le "fameux" Piekielny n'est peut-être pas toujours des plus fascinantes, d'autant qu'il tend parfois à tomber dans les clichés faciles, mais l'auteur parvient tout de même, au fil de ses recherches, à nous entraîner aisément dans la biographie moitié réelle, moitié fantasmée, de ce petit homme.

Et surtout, il nous plonge avec délices dans la biographie d'un autre homme, un grand homme celui-là, Romain Gary, dont il connaît l'oeuvre et la vie en détail, et qu'il parvient à restituer sous sa plume d'une manière passionnée et passionnante, nous donnant envie, plus d'une fois, de relire les oeuvres de Gary / Ajar. Car c'est finalement peut-être lui, le véritable héros du livre, ce Roman Kacew devenu Romain Gary, et à qui Désérable redonne si bien vie.

Alors certes, Désérable se perd un peu dans son roman, nous perd aussi un peu parfois dans ses trop nombreuses digressions, et se complaît sans doute un peu trop à parler de lui, de sa vie et de son oeuvre, mais ce léger narcissisme ne gâche pas pour autant le plaisir du lecteur à suivre cette enquête chaotique, farfelue et, finalement, fort plaisante.

Ouvrage reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique. Merci à Babelio et aux éditions Gallimard.

Retrouvez cette critique plus détaillée en cliquant sur le lien ci-dessous.
Lien : http://ars-legendi.over-blog..
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En mai 2014, l'auteur est en Lituanie, il a quelques heures à tuer dans les rues de Vilnius. Il passe devant une maison dans laquelle a vécu Roman Kacew, de 1917 à 1923, bien avant qu'il ne devienne Roman Gary. Une plaque commémorative lui rappelle cet épisode, il se remémore alors cette phrase gravée dans sa mémoire et titrée du chapitre VII de la Promesse de l'aube, le roman édité par Gallimard en 1960, phrase attribuée à son voisin, cette triste souris grise : « Promets-moi de leur dire : au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny… «
François-Henri Désérable est un fan absolu de ce roman qu'il a lu et relu un grand nombre de fois, la promesse de l'aube, et de cet auteur, et à partir de cet instant, il n'aura de cesse de retrouver des traces de cet homme, le voisin, la souris triste. Prétexte donc à nous parler d'avantage du romancier que de M. Piekielny, l'auteur nous entraine à la suite de Romain Gary. Il va le suivre, le chercher, tenter de le découvrir. Avec un style bien particulier dans lequel l'auteur se met également en scène, il nous dévoile quelques parts d'ombre de celui qui a réussi ce dont sa mère avait toujours rêvé : qu'il devienne ambassadeur et écrivain, diplomate. Il va le suivre de Vilnius à Nice, pendant la guerre et lors de ses succès, vivre intensément avec ses personnages, et regretter amèrement comme tant d'autres la mort de l'écrivain qui a préféré tirer sa révérence un jour de 1980.
Voilà une très intéressante approche, qui évoque la possibilité pour Romain Gary d'avoir utilisé sa souris triste pour donner corps à tous ceux qui ont vécu la barbarie nazie au coeur du ghetto de Vilnius. M. Piekielny devient symbole de vie, immortel à sa façon, puisque Romain Gary en parle dans le monde entier, à tous les grands qu'il rencontre en particulier lorsqu'il sera ambassadeur.
J'aime cette écriture étonnante, très singulière. L'auteur nous fait découvrir des biographies et des personnages historiques sous des airs de romans et d'échange, en y mettant beaucoup de son propre personnage, vécu ou romancé, et là, qu'importe !
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Qui est M. Piekielny ?

Un personnage qui apparaît dans la biographie romancée de Romain Gary au Chapitre VII de la Promesse.

Un jour, les circonstances amènent l'auteur F.-H. Désérable sur les traces de Gary, à Vilnius, devant l'appartement où il a passé son enfance. Son voisin, M. Pielielny, à priori insignifiant, va pourtant grandir à travers la promesse de Gary enfant. Lorsqu'il sera célèbre, il prononcera son nom devant les plus grands hommes du monde.

« Au 16è de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny... »

Ce personnage a-t-il réellement existé, peut-on imaginer sa vie son métier, ses passions, sa mort.

Son nom ne sert-il qu'à désigner tous les Juifs de Lituanie ?

M. Piekielny donnerait alors le pouvoir de la parole à ceux qui ont subi la barbarie, dans le ghetto de Vilnius en 1941.

Quelle est la part de fiction dans la Promesse de l'aube ?

Gary a-t-il été marqué par ses lectures de Gogol, tout comme F.-H. Désérable l'a été par celles de Gary ?

Comment un auteur trouve-t-il le sujet de son roman ?

Roman sur le travail de l'écrivain, sur les pas qui le mènent vers l'inspiration, roman sur Gary et son M. Piekielny. Ceux qui ont lu Romain Gary s'y retrouveront sans doute mieux. Sinon, Un certain M. Piekielny les invitera à le découvrir.

J'aimerais un jour que J.-H. nous raconte l'histoire romancée de ce personnage à peine dessiné dans la Promesse de l'aube, et dont l'auteur nous offre ici quelques pistes, pour lui donner toutes les couleurs qu'il mérite. L'homme au violon silencieux m'a plu.

Je remercie Babelio et les Éditions Gallimard de m'avoir permis de lire ce roman en avant-première.
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