Une succession de hasards conduit
François-Henri Désérable à Vilnius en Lituanie où il tombe sur une plaque commémorative au 18 de la rue Grande-Pohulanka où
Romain Gary a vécu de 1921 à 1925, Vilnius s'appelait Wilno à l'époque et
Romain Gary s'appelait encore Roman Kacew.
François-Henri Désérable a lu et relu "
La promesse de l'aube" de
Romain Gary à dix-sept ans, ce texte était au programme de son bac de français, une phrase rejaillit de sa mémoire concernant un certain Mr Piekielny, un homme mis en lumière le temps d'un chapitre de ce roman.
La mère de
Romain Gary était convaincue du grand avenir qui attendait son fils qu'elle élevait seule, elle lui assignait un destin de grand écrivain et le disait à tous leurs voisins. L'un d'entre eux, Monsieur Piekielny fait promettre au jeune Gary de dire à tous les gens importants qu'il rencontrera dans sa vie "au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait Mr Piekielny ".
François-Henri Désérable décide de partir à la recherche de cet homme, il veut découvrir ce qu'il est devenu et se rend plusieurs fois en Lituanie. Les seuls éléments fournis par
Romain Gary indiquent qu'il ressemblait à une souris triste avec une barbiche roussie par le tabac. L'écrivain sait simplement qu'il est mort assassiné par les nazis.
Dans un premier temps j'ai pensé que cette recherche de Mr Piekielny n'était qu'un prétexte pour l'auteur pour nous relater la vie de
Romain Gary qu'il vénère. Une vie très riche puisqu'il a été, tour à tour, aviateur pendant la guerre, diplomate et un célèbre écrivain qui a accompli l'exploit de recevoir deux fois le prix Goncourt, la première fois sous son vrai nom, la seconde fois sous le nom d'Emile Ajar, célèbre mystification de
Romain Gary qui adorait travestir la vérité.
François-Henri Désérable reprend des épisodes de la vie de Gary en imaginant les situations où il aurait pu tenir la promesse faite à Mr Piekielny, il imagine des dialogues qu'il aurait eu avec Kennedy,
De Gaulle et
Bernard Pivot lors de l'émission Apostrophes, autant de situations où
Romain Gary aurait réussi à glisser la fameuse phrase... On suit ainsi la vie de
Romain Gary, habilement entrelacée avec la vie que l'auteur imagine pour Mr Piekielny et les persécutions qu'il aurait subi en tant que juif. Les recherches de l'auteur nous entraînent dans le ghetto où des milliers de juifs ont été massacrés avec la complicité de la population en 1941, où beaucoup finissaient d'une balle dans la nuque au bord d'une fosse. Mais Mr Piekielny a-t-il vraiment existé?
Romain Gary ne l'a-t-il pas simplement inventé? " S'il n'était que d'encre et de papier, voilà qui signait le triomphe indubitable, éclatant, de la littérature via la fiction"
Mais ce roman ne se limite pas à l'évocation de
Romain Gary loin de là. En effet
François-Henri Désérable multiplie les digressions sur lui-même mais aussi sur les auteurs qui l'ont marqué.
Pennac le mène à
Gogol évoqué par Gary, c'est l'inventeur du cliffhanger, procédé qui consiste à terminer un chapitre en créant une attente du lecteur. Il parle de sa découverte des livres, de ses débuts d'écrivain, de sa mère qui se désespère de le voir écrire au lieu d'avoir un métier plus assuré, "Désolé pour tes rêves évanouis, je n'ai que mes livres et je les dépose à tes pieds", "Il fallait que le front de son fils fût ceint de lauriers pour qu'elle pût enfin s'en coiffer à son tour. Mais là où
Romain Gary s'était mis à écrire pour la sienne, c'est à la fois grâce à la mienne et contre elle que je suis devenu écrivain : ce qui aujourd'hui m'emporte et m'exalte et me tient lieu de vie, c'est à elle, sans doute, que je le dois"
Contrairement à d'autres je n'ai pas été gênée par le fait que
François-Henri Désérable parle régulièrement de lui, je n'ai à aucun moment trouvé qu'il faisait preuve de suffisance, toutes ses digressions personnelles ont un sens par rapport à
Romain Gary, par rapport à la littérature. Lorsqu'il évoque sa mère, c'est pour la comparer à celle de
Romain Gary. Je ne l'ai jamais trouvé indécent "Si j'ai dévoilé une part de l'intime, c'est pour mieux dissimuler le privé", au contraire j'ai aimé l'autodérision et l'humour dont il fait preuve.
François-Henri Désérable nous offre un récit vivant aux multiples facettes dans lequel il passe sans cesse du grave au léger.
Parallèlement à l'évocation de
Romain Gary, ce roman est un très bel éloge de la littérature, l'auteur y souligne les liens entre fiction et réalité et montre l'importance donnée aux personnages de fiction en hommage à un auteur qui a su si bien mêler fiction et réalité.
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