AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,7

sur 511 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Qui est donc M. Piekielny ?
Vous ne le saurez peut-être pas en lisant l'excellente enquête de François-Henri Désérable. En revanche, vous découvrirez une approche très personnelle de Romain Gary, sa vie, son oeuvre. C'est inattendu tant on a déjà disserté sur le sujet et surtout c'est passionnant, quelques pages m'ont suffi pour être embarquée dans l'aventure.
Les hypothèses sur l'identité de Piekielny se succèdent, ouvrant des brèches dans l'histoire même de Gary, questionnant ses écrits et ses dires. La recherche est solide, le ton enjoué, le propos tour à tour drôle et sérieux.

Suis-je tout à fait objective ?
Probablement pas puisque je suis une fan de Gary depuis longtemps, j'avoue.
Mais au jeu des hypothèses, j'en avancerais bien deux :
-soit vous connaissez déjà « Romain Gary, sa vie, son oeuvre », et vous risquez d'adorer cette enquête originale qui donne un sacré coup de neuf au genre biographique ;
-soit vous n'avez jamais entendu parler du seul détenteur de deux prix Goncourt, ou vous le connaissez mal, et je veux bien parier que la curiosité va vous pousser à découvrir au moins La promesse de l'aube.

Et ça, c'est brillant M. Désirable !
Pardon, Désérable. Faut dire qu'à force d'utiliser des pseudos, de brouiller les pistes, on s'y perd. Et puis, vous finissez par vous rendre désirable aussi, avec votre style rapide, vos apartés, votre ton enlevé, votre humour, sans oublier vos séquences émotion personnelles. Par moments, tiens…on dirait du Gary.
Commenter  J’apprécie          17312
J'ai rencontré François-Henri Désérable à une soirée à la Maison de la poésie à Paris.
Son langage m'a enivré de suite, fasciné quand il a récité des pages entières d'un livre.
Mon intérêt s'est encore accru quand j'ai découvert sa passion pour Romain Gary et son livre La promesse de l'aube.
J'ai beaucoup aimé cette enquête qu'il a mené marchant réellement dans les rues de Vilnius pour découvrir l'histoire et l'identité de ce fascinant M Piekielny , ce modeste homme qui souhaitait seulement que Romain Gary puisse un jour dans sa grandeur acquise évoquer "son petit nom" un peu comme un talisman.
Le livre est émaillé de belles photos en noir et blanc, sépia, de Romain Gary, celle très émouvante avec son regard perçant et si humain sur le plateau d'Apostrophes
Bref, je ne saurai que recommander ce livre à tous ceux qui portent dans un coin de leur cœur le destin tragique et fabuleux de Romain Gary.
Commenter  J’apprécie          1175
Tous ceux qui ont lu « la promesse de l'aube » de Romain Gary se souviennent peut-être du passage où ce personnage, monsieur Piekielny, fait son apparition et demande au jeune Roman qu'il n'oublie jamais de signaler à ces interlocuteurs qu'au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait un certain M. Piekielny. Chose que le jeune Roman et plus tard le célèbre Romain n'oubliera jamais de faire.

Mais qui est ce monsieur Piekielny ? Bien peu de choses à son propos figurent dans le livre. Intrigué par ce personnage, François-Henri Désérable commence alors une enquête. Une enquête où se mêlent autobiographie, biographie de Gary, découverte de la Lituanie et de Vilnius en particulier, lectures diverses, choses rêvées et vérités. Un roman sensible qui retrace l'histoire des Juifs lituaniens, un roman émouvant qui replace l'homme, un homme simple au coeur de la vie et de la mémoire de chacun. Un roman qui essaie de croiser le fil qui relie réalité et littérature. Un bel écheveau aussi de pensées et d'humour que la lectrice que je suis a pris un immense plaisir à découvrir.

Et qui sait, peut-être qu'un jour un autre écrivain partira à la découverte d'un certain monsieur Dziegiel...
Commenter  J’apprécie          1040
C'est la première fois que je lis un roman de François-Henri Désérable, que je ne connaissais pas du tout, mais le hasard fait bien les choses…

J'ai pris le temps de déguster ce livre en me lissant porter par le style de l'auteur et la manière dont il marche sur les traces de ce M. Piekielny dont j'avais fait la connaissance en lisant « La promesse de l'aube », autobiographie de Romain Gary.

A quoi tient une histoire ? le narrateur, hockeyeur bloqué par hasard à Vilnius avant de rejoindre Minsk, rate son train et en profite pour visiter un peu la ville. Il tombe sur une plaque à l'entrée d'un immeuble disant en lituanien et en français que Romain Gary a vécu ici et une phrase lui revient :

« Je restai là, stupéfait, ruisselant, et je récitai cette phrase à voix haute : « Au N° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait un certain M. Piekielny »

L'auteur se lance à sa recherche, épluchant les listes des personnes déportées et exécutées par les nazis, explorant la rue Grande-Pohulanka qui a été débaptisée depuis, pour se pénétrer de l'atmosphère chargée d'histoire. Une fois qu'il s'est bien imprégné des lieux, il apprend que ce n'est pas le bon numéro…

Faut-il avoir lu « La promesse de l'aube », je pense que oui car on a tous imaginé cet homme au museau de souris qui avait été impressionné par la conviction de Mina : « Mon fils sera ambassadeur, un grand écrivain… » ; quoi qu'il en soit l'auteur nous rappelle comment commence ce fameux chapitre 7 du livre, ainsi que la requête de ce mystérieux homme de parler de lui aux grands personnages que Romain rencontrera plus tard, ce qu'il fit.

La question qui se pose est : a-t-il existé réellement ou est-il sorti de l'imagination de Romain Gary, le pied de nez d'un écrivain qui n'était pas à une facétie près pour brouiller les pistes.

Se pourrait-il que ce soit symbolique, pour rendre hommage aux Juifs déportés, massacrés ?

Peu à peu, Romain alias Roman ou Romouchka entre dans la vie de l'auteur, s'immisce dans sa pensée comme on se faufile dans un costume et on le suit avec un plaisir non dissimulé, car il ne lui vole jamais la vedette. On note des ressemblances, la mère de Romain voulait qu'il fasse des études pour assurer ses arrières, celle du narrateur aussi qui le pousse vers le droit.

« Mais revenons à Gary. Est-ce que, parlant de moi, ce n'est pas de lui que je parle ? Je crois savoir ce qu'est l'exigence d'une mère : j'avais une Mina Kacew, moi-aussi, seulement celle-là n'empilait pas en esprit des romans comme un marchepied vers la gloire – une thèse pensait-elle, m'y mènerait plus sûrement – mais, l'une comme l'autre coulait nous voir leur rendre au centuple ce dont la vie les avait injustement spoliées. »

François-Henri Désérable est formidable conteur, il sait tenir le lecteur en haleine, en l'entraînant dans sa quête. de plus, il nous offre des illustrations : la photo de la statue de Romain Kacew, enfant, une rose à la main, à Vilnius, ou une lettre des archives de l'état civil, ou encore le registre des résidents du fameux 16 de la rue… Il évoque aussi les rencontres de Romain : De Gaulle, Druon, Kessel, Aron.

« Gary sort du bureau du Général, et sur qui tombe-t-il ? Pierre Mendès-France et Raymond Aron. Il entre dans une taverne, et qui en sort au même moment ? Maurice Druon. Il s'y attable, et qui vient lui parler ? Joseph Kessel. Y avait-il seulement des anonymes pour peupler la terre en ces temps-là ? » P 112

Sans oublier une scène d'anthologie : le passage de Romain Gary à « Apostrophes » où il craint que soit révélée la mystification : Emile Ajar et lui ne font qu'un et l'auteur nous offre un extrait de la partition de Rachmaninov (générique de l'émission) ainsi qu'une photo prise lors de l'émission.

J'aime bien Romain Gary, l'écrivain comme le personnage, donc ce livre avait déjà beaucoup de chance de me plaire mais aussi éveiller mon esprit critique, je ne me lançais pas dans l'aventure béatement.

J'ai beaucoup aimé ce livre et je remercie vivement Babelio et les éditions Gallimard qui me l'ont offert. J'espère avoir été convaincante car, que vous aimiez ou non Romain Gary, vous apprécierez ce livre car il est très bien écrit et le mystère est entretenu jusqu'à la fin.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          836
"Un certain M. Piekielny" est un magnifique hommage à un roman, "La promesse de l'aube", à un auteur insaisissable et pourtant si émouvant, Romain Gary, à l'un des personnages les plus discrets et pourtant l'un des plus ambitieux de l'oeuvre de Gary, M. Piekielny, habitant au n° 16 de la rue Grande-Pohulenka, à Wilno (Vilnius) dans un immeuble où vivaient aussi le jeune Roman Kacew (qui allait devenir Romain Gary) et sa maman Mina, et finalement à la littérature et son merveilleux pouvoir de dire la vérité à travers des personnages imaginaires, parfois sortis d'authentiques souvenirs. Ce livre est bien à la hauteur de l'enchanteur Gary et il ne peut que ravir les fans de l'écrivain aux deux prix Goncourt.
Commenter  J’apprécie          762
Nous nous trouvons ici en présence d'un « grand livre » et ma critique se gardera bien d'éventer les richesses qu'il recèle.
Sensibilité, gravité, tendresse, dérision s'insinuent tout au long de cette prose directe et parfois poétique jonglant entre réalité, imaginaire, mystification interpellante, grande et petite Histoire mais dont le coeur est la littérature nourrie par une passion documentée.
Faut-il avoir lu auparavant « La Promesse de l'aube » de Romain Gary? La question peut être posée.
Quant à moi, l'ayant lue, je penche pour le oui afin de goûter toutes les subtilités d' « Un certain M. Piekielny ».
François-Henri Désérable nous guide à travers les méandres des possibles et de l'impossible.
Il nous livre -je le paraphrase- un peu d'intime (et non de privé) qui nous permet de ressentir la genèse de cette Recherche : Gary, la Promesse, Pielkelny.
Le « roman » n'est en quelque sorte que le développement de la phrase de Romain Gary : « … au n°16 de la rue Grande Poluhanka, à Wilno, habitait M. Piekielny… » comme si une loupe avait été posée et que ces mots se fussent mis à grandir, grandir et devenir un univers.
L'habileté de l'auteur est de le créer, organique, rien n'est composé, ni agencé, ni rapporté.
La force de ce livre est en cela.
Nous sommes dans un monde clos avec sa propre vie.
Evoquée la barbarie nazie à Vilnius, une page de l'Histoire se dresse et le symbole (si tel est) de Piekielny rend l'existence à ces milliers (millions) de morts parce qu'un homme a eu la grandeur de simplement mentionner au chapitre VII d'un livre l'échange entre un petit garçon et une souris triste.
François-Henri Désérable a d'ailleurs dédié son livre à toutes les souris tristes.
Toutes les digressions illustrent un angle du livre, rien n'est gratuit, tout est ramené au « Centre », comme par évidence.
Ce livre est un grand livre, de la vraie littérature parce qu'au delà des mots surgit l'émotion.
Livre qui devrait marquer la rentrée littéraire 2017.

Merci à Babelio et aux Editions Gallimard pour m'avoir permis cette double découverte : un auteur et un livre.
Commenter  J’apprécie          470
Un certain M. Piekielny est un roman étonnant. Je ne dirai pas que c'est un coup de cœur... Ce n'est pas non plus l'affaire du siècle. Mais ce récit vaut par son air frais que sa prose vient apporter, cela va plus loin qu'un simple exercice de style, c'est drôle, léger, attachant, pétillant, déroutant, émouvant aussi.
Un certain Roman Kacew, qui deviendra plus tard un certain Romain Gary, nous fait connaître ce M. Piekielny au début de son autobiographie romanesque, La Promesse de l'Aube, précisément au chapitre VII.
M. Piekielny vivait dans l'immeuble où Romain Gary vécut durant son enfance avec sa mère à Wilno, ville lituanienne qui devait s'appeler plus tard Vilnius. Il était le seul voisin qui croyait à la gloire que la mère de Romain Gary prédisait à son fils. Au point de faire un jour à l'enfant cette demande : « Quand tu rencontreras de grands personnages, des hommes importants, promets-moi de leur dire... Promets-moi de leur dire : au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny... ».
Et d'ailleurs, c'est ce que fit Romain Gary si l'on en croit son propos dans La Promesse de l'aube, notamment devant un certain Général de Gaulle.
Un certain Francois-Henri Deserable, mais oui cela ne s'invente pas, j'ai bien dit François-Henri de son prénom, a eu l'excellente idée de redonner vie à ce M. Piekielny par cette fantaisie littéraire, par un immense amour voué à La Promesse de l'aube et à son auteur.
Oui ce M. Deserable se joue de la vérité, mais avec un exquis talent, tout comme sans doute Romain Gary qui fit de sa vie une oeuvre romanesque et littéraire.
Il redonne un nom, un corps, une âme à M. Piekielny, ce voisin de palier ordinaire, juif qui connut les camps de concentration et mourut là-bas. Dans La Promesse de l'aube, l'épisode est émouvant et ne s'oublie pas. Francois-Henri Deserable lui redonne vie, une autre perspective, une façon de ne jamais l'oublier, lui et les siens si nombreux. C'est en définitive très touchant.
Mais ce livre est aussi prétexte à entendre la voix d'un certain Romain Gary, sa vie, son œuvre, en quelques pages, brouillant les pistes, le cherchant, le perdant en cours de route. D'ailleurs Romain Gary n'a eu de cesse de perdre en chemin celles et ceux qui tentaient de le suivre, lui qui décrocha par deux fois le Prix Goncourt et la seconde fois en changeant d'identité ou plutôt en créant de toutes pièces le personnage d'un certain Émile Ajar sans jamais en révéler de son vivant l'identité réelle.
C'est un jeu de miroirs, c'est un jeu de double.
Un certain Bernard Pivot l'avait sans doute compris avant d'autres... Il en est question d'ailleurs dans ce récit.
Si Romain Gary était encore vivant, connaissant le talent de supercherie et l'art de brouiller les pistes de ce dernier, j'aurais juré qu'il avait écrit ce livre.
Ici l'auteur se délecte d'inventer, de réinventer, tout comme l'auteur de la Promesse de l'aube dans son roman autobiographique et aussi dans sa vie tout aussi romanesque.
C'est un récit où les mots musardent, cheminent, éveillent, attendrissent, digressent, émeuvent, parfois on dirait une enquête policière, c'est excitant. On se perd un peu parfois dans ce jeu de l'illusion et du mensonge.
On se perd et puis on revient, léger, ému, comme ce que nous attendons de la vie. C'est une sorte de recherche d'un temps perdu, celui d'un quartier de Wilno, celui d'un immeuble là-bas où la vie tendait ses bras par-dessus le quotidien, celui de la barbarie et des voix perdues de ceux qu'on amenait vers les camps de la mort, celui aussi de la promesse d'un enfant à son voisin de palier qui ne revint pas de ces camps et plus tard celle faite à sa mère. C'est donc une œuvre essentielle.
Comme toujours, je fais les choses à l'envers. J'ai lu ce roman avant de lire La Promesse de l'aube. L'idéal est de faire l'inverse, mais cependant je ne regrette pas car, lorsque j'ai lu le chapitre consacré à un certain M. Piekielny, je vous avoue que j'ai traversé ces quelques pages avec une certaine boule au ventre...
Commenter  J’apprécie          460
Tout commence à Vilnius, en Lituanie, où François-Henri Désérable, après diverses péripéties, passe devant le n°18 de la rue Jono Basanavičiaus où Romain Gary a vécu, de 1917 à 1923. Cette maison est évoquée dans La Promesse de l'aube et c'est là qu'une phrase évoque « un certain M. Piekielny. »
À partir de là, François-Henri Désérable, brillant hockeyeur à ses heures, lance sa quête, son enquête qui va lui permettre un superbe hommage à celui qui s'appelait Roman Kacew et dont la vie fut riche et mouvementée.
L'auteur, va, revient, fouille, abandonne, s'acharne, rappelle ou révèle des faits oubliés mais revient toujours à la Shoah, l'extermination des Juifs, abomination perpétrée au siècle dernier qu'il ne faudra jamais oublier.
Piekielny, en polonais, signifie « infernal », et ce voisin réel ou imaginaire aurait fait promettre au jeune Roman de rappeler son nom, ce que ne manquera pas de souligner François-Henri Désérable en affirmant que Romain Gary a parlé de M. Piekielny devant le général De Gaulle, la reine d'Angleterre, JF Kennedy… Tout cela au cours de scènes bien réelles !
La lecture est très agréable, agrémentée de touches personnelles, d'un vécu sur les lieux évoqués. On apprend que 60 000 Juifs vivaient à Vilnius avant la seconde guerre mondiale, qu'ils étaient moins de 2 000 à la fin et qu'ils sont 1 200 aujourd'hui. Il y avait 106 synagogues et une seule de nos jours : « La Jérusalem de Lituanie, elle, avait bel et bien disparu. »
Lorsque l'auteur évoque le violon de M. Piekielny, son imagination fait des merveilles avant de nous entraîner à Nice, en 1928, où la famille Kacew s'installe. Puis, en 1943, à Londres, Roman choisit de s'appeler Gary, « brûle » en russe.
Revenir à Vilnius est nécessaire pour peaufiner sa quête et constater qu'il y a erreur sur la maison. Elle se trouve dix mètres plus loin mais c'est la même cour. Dalija Esptein le guide et lui détaille l'histoire de Juifs de Vilnius, de ses deux ghettos, des pierres tombales utilisées pour paver les rues : « Mon Dieu, dis-je. Mon quoi ? Les nazis ont détruit le peuple juif et les Soviets le patrimoine. »
Aviateur très courageux, amoureux passionné, Romain Gary écrit et n'hésite pas à mentir, à s'inventer un passé, à espérer le Nobel après le Goncourt pour Les racines du ciel, le 3 décembre 1956, alors qu'il est diplomate, ambassadeur de France à La Paz, pour trois mois.
Impossible de passer à côté d'Émile Ajar. Ce pseudonyme permet à Romain Gary de mystifier les critiques comme Matthieu Galey qui démolissait chacun de ses livres et encense Émile AjarAjar, en russe, signifie « braises ».
Après Gros câlin, c'est La vie devant soi qui offre, pour la première fois, en 1975, le Prix Goncourt au même homme, ce qui est interdit, en principe. Mais, à ce moment-là, le secret est bien gardé !

Fiction ou réalité ? La question est magnifiquement traitée dans ce roman si bien écrit par François-Henri Désérable qui rappelle Les Onze, de Pierre Michon, à propos d'un tableau qui n'existe pas.

« Et si c'était un symbole ? Et si ce M. Piekielny incarnait les Juifs de Wilno, massacrés pendant la guerre ? » C'est pourquoi l'auteur salue « le triomphe indubitable, éclatant, de la littérature via la fiction. »


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          441
Comment faire lorsque l'on prévoit d'écrire une biographie sur une personne qui n'existe peut-être pas ?
En effet, tel est le problème qu'a rencontré François-Henri Désérable qui, de passage à Vilnius, en Lituanie, rue Jono Basanavičiaus, tombe par hasard sur la plaque suivante : « L'écrivain et diplomate français ROMAIN GARY (Vilnius, 1914 - Paris, 1980) a vécu de 1917 à 1923 dans cette maison qu'il évoque dans son roman « La promesse de l'aube ». Vous souvenez-vous d'un personnage nommé M. Piekielny dans ce même livre  ? (J'avoue ne pas pouvoir témoigner à ce sujet car je N'AI PAS LU La promesse de l'aube et ce malgré les « harcèlements » quasi quotidiens dont je suis l'infortunée victime… Mon « bourreau » ? (en inclusive, on dit comment ?) Ma collègue de boulot et néanmoins amie - une inconditionnelle de Gary - qui me coince régulièrement et m'interroge sur un ton accusateur : alors, t'en es où de la promesse de l'aube ? Oui oui, reconnais-toi chère D……, dont les agissements sont dorénavant connus sur la place publique.
Alors NON, je n'ai pas lu ce livre et voilà ti pas que le gars Désérable s'amuse à jouer les D……. présentant l'oeuvre comme essentielle, pour ne pas dire vitale, lui qui l'a lue cent mille fois dans tous les lieux et dans toutes les positions. THE perfection. Est-ce un complot ? Je vais finir par le croire et par ne jamais lire ce texte !
Donc, paraît-il que dans ce roman autobiographique et INCONTOURNABLE, je l'ai bien compris, il est question, l'espace de deux trois pages dans le chapitre VII, d'un voisin de palier de la famille Gary (mère et fils) qui a fait promettre audit Gary enfant de dire, plus tard, lorsqu'il serait adulte, aux grands de ce monde (car dans l'esprit de la mère, il ne faisait aucun doute que son génialissime fils adoré fréquenterait les grands de ce monde), de leur dire donc qu'« au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait un certain M. Piekielny. »
Et notre F-H Désérable de se demander qui était ce fameux Piekielny et de se lancer dans une enquête serrée pour savoir ce qu'il a fait de ses derniers jours avant que L Histoire avec sa grande hache ne s'abatte violemment sur lui et sur tant d'autres.
Et l'enquête commence avec des allers-retours à Vilnius, des recherches incessantes sur Internet, des lectures attentives et minutieuses d'archives, de journaux, de romans, de nombreux visionnements d'émissions, des observations à la loupe de photos et moult discussions avec ceux qui ont connu Gary.
Rien.
Absolument RIEN sur « la souris triste », ce petit homme juif si discret.
Rien du tout.
Il n'est nulle part, sur aucun registre.
Aucune trace.
« Jour après jour j'ajournais l'écriture de ce livre, mon enquête patinait, piétinait, elle était au point mort et Piekielny introuvable. »
Bon, c'est bien gentil tout ça mais alors, allez-vous me dire, de quoi parle un livre de 259 pages dont le personnage principal, enfin celui sur lequel on mène l'enquête, est introuvable, ne serait-ce que sous la forme d'un nom qui traînerait sur Google ou ailleurs ?
Alors là, mes amis, croyez-moi, ce n'est pas un problème car notre Désérable a un tas de choses à raconter, des tonnes de digressions, d'apartés, d'anecdotes que l'on croit à côté mais qui sont en réalité au coeur du sujet : sur son bac, sa mère, ses études de droit, son hockey sur glace et sur Gary, un homme qui visiblement le fascine, et là, pour tout vous dire, je me suis RÉGALÉE. Car, disons-le, il a tout pour lui, cet auteur-là (Désérable, Gary, je ne l'ai pas lu, je vous le rappelle) : il est drôle, très drôle, bourré de talent (quelle écriture magnifique!), hyper cultivé. Il te manie la langue comme un vrai dieu, jonglant avec les subjonctifs comme s'il était tombé dedans petit et toi, toi lecteur, je te jure, tu bois DU PETIT LAIT et t'en redemandes !!! Il pourrait me raconter n'importe quoi l'animal, je suis scotchée, j'adhère, je me marre. Il me manipule, je tombe dans tous ses panneaux car je suppose, comme Gary, qu'il a dû m'en raconter des craques, des bobards, des vertes et des pas mûres. Tant pis, je suis dans le grand huit Désérable, lancée dans quelque chose que je ne contrôle pas. Il s'en amuse : tiens, nous dit-il, j'ai lu plein de choses sur la soirée de Gary chez Lipkowski après son Goncourt, je sais tout dans les moindres détails et nous, on bave, on attend et lui de balancer : «...  je pourrais vous y emmener, à ce dîner, mais bon, ces soirées m'ont toujours un peu ennuyé et je suis déjà dans mon lit. » Envie de se ruer sur lui et de l'obliger à écrire sous la torture…
Il te balade, lecteur, pour ton immense plaisir. Il joue de la littérature comme Piekielny jouait (peut-être) du violon. Évidemment, il sait très bien où il va et toi, tu ne vois que du feu. T'as l'impression qu'après son triple salto arrière, il va se vautrer ferme. Il n'en est rien, il retombe parfaitement sur ses pieds. Et c'est grandiose, plein de beauté. Bref, c'est mon premier Désérable et comme vous l'aurez compris, j'ai plus qu'adoré et ce parce qu'au fond, son propos sur les pouvoirs de la littérature m'a beaucoup touchée.
J'ai eu le sentiment que chez lui lire et écrire, ce n'était pas de la rigolade mais une chose sérieuse qui a à voir avec la vie et la mort, une chose un peu magique qui ferait qu'on existerait ou pas, qu'on aurait vécu certaines choses ou pas, qu'on serait mort ou pas.
C'est elle qui décide, qui a le dernier mot, celle qui est capable de « tenir le monde en vingt-six lettres et le faire ployer sous sa loi. »
La littérature vous a rendu immortel, Monsieur Piekielny. Votre voeu est exaucé et nous penserons souvent à vous, même les jours où nous ne passerons pas par le 16 de la rue Grande-Pohulanka…
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
Commenter  J’apprécie          384
Livre marquant de cette rentrée littéraire automne 2017, « Un certain Monsieur Piekielny » de François-Henri DESIRABLE est, à plus d'un titre, un roman étonnant ! L'idée de départ est plaisante, assez originale et en parfaite adéquation avec notre époque qui veut tout comprendre et qui, quand elle ne peut prouver, invente ; le public étant moins frustré d'un mensonge que d'une question sans réponse !
Les thématiques abordées relèvent d'un mécanisme à tiroirs qui donne à croire aux lecteurs que le sujet de l'enquête est celui annoncé alors qu'en fait, le moteur de recherche est ailleurs.
« Quand tu rencontreras de grands personnages, des hommes importants, promets-moi de leur dire : au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilmo, habitait un certain Piekielny … »
Voilà le point zéro de l'enquête dans laquelle F-H DESIRABLE va se lancer. Cette phrase tirée de «La promesse de l'aube» signée Romain Gary est une énigme pour l'auteur. Gary a-t-il vraiment connu cet ‘homme - triste souris ‘ alors qu'il vivait sa vie de gamin sous son vrai nom, Roman Kacew ? Pour le savoir, il doit partir à sa recherche. Mais, si Piekielny a existé, a-t-il vraiment formulé cette demande ? Il faut donc soulever l'épais voile psychologique qui recouvre toute vie. S'il l'a formulée, Romain Gary s'est-il, comme il le dit, acquitté de sa promesse auprès des Kennedy, de Gaule, Churchill et autres grands de ce monde ? La recherche bascule, le sujet n'est plus Piekielny, ni même l'oeuvre de R. GARY, c'est la vie de ce dernier, son époque, les jeux de pouvoirs et de relations qui tressaient alors les commandes de la société en place. Et si oui, R. GARY s'est bien ouvert auprès des grands quant à l'existence de ce Monsieur Piekielny habitant au 16 de la rue …, quel sens faut-il donner à cette demande d'une souris triste et à la promesse tenue par Romain GARY ? L'auteur doit quitter le fait divers et se plonger dans les moteurs fondamentaux qui édictent les conduites universelles à tenir dans nos vies personnelles en recherche d'équilibre.
Sous le prétexte d'une enquête d'identité (Mais qui est donc ce Monsieur Piekielny ?), F-H DESIRABLE mène une véritable enquête littéraire et relit pour nous une part de ‘La promesse de l'aube'. Il revisite, et nous rend accessible, l'oeuvre et la vie de Romain Gary, écrivain, pilote de chasse, diplomate, lauréat du Goncourt et ‘fumiste' pour l'acquisition d'un second prestigieux titre. le lecteur suit, pas à pas, les questions de l'enquêteur, les éléments de réponse qui infirment ou confirment l'existence de ‘l'homme'. L'auteur devient lui-même un de ses personnages, le lecteur se prend à le considérer comme un de ces commissaires qui font le bonheur des polars de notre temps.
Mais, même si son humour, parfois décalé, nous rend le personnage sympathique, le sujet du roman n'est pas là. Pas plus, selon moi, que dans l'évocation de la vie tumultueuse de Romain Gary, de son époque et de son oeuvre littéraire. le sujet serait plutôt, de mon point de vue, l'interrogation à propos des fondements même d'une écriture littéraire, la part de hasard dans ce qui est traité comme sujet et, surtout, la question du droit au mensonge que tout écrivain se donne lorsqu'il prétend relater la vérité.

Avec finesse, puissance de persuasion et puissance égale de perversion, F-H DESIRABLE nous donne de découvrir la vérité, toute la vérité, rien que la vérité … et le doute qui ne peut que l'accompagner !
Renvoyant au lecteur la responsabilité de trancher sur le fond, il propose une forme de ce que peut être une création littéraire, une enveloppe aussi bel écrin qu'écran !

Une joyeuse découverte de cette rentrée littéraire automnale. A lire !
Commenter  J’apprécie          383




Lecteurs (995) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1710 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}