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3,7

sur 511 notes
Qui est donc M. Piekielny ?
Vous ne le saurez peut-être pas en lisant l'excellente enquête de François-Henri Désérable. En revanche, vous découvrirez une approche très personnelle de Romain Gary, sa vie, son oeuvre. C'est inattendu tant on a déjà disserté sur le sujet et surtout c'est passionnant, quelques pages m'ont suffi pour être embarquée dans l'aventure.
Les hypothèses sur l'identité de Piekielny se succèdent, ouvrant des brèches dans l'histoire même de Gary, questionnant ses écrits et ses dires. La recherche est solide, le ton enjoué, le propos tour à tour drôle et sérieux.

Suis-je tout à fait objective ?
Probablement pas puisque je suis une fan de Gary depuis longtemps, j'avoue.
Mais au jeu des hypothèses, j'en avancerais bien deux :
-soit vous connaissez déjà « Romain Gary, sa vie, son oeuvre », et vous risquez d'adorer cette enquête originale qui donne un sacré coup de neuf au genre biographique ;
-soit vous n'avez jamais entendu parler du seul détenteur de deux prix Goncourt, ou vous le connaissez mal, et je veux bien parier que la curiosité va vous pousser à découvrir au moins La promesse de l'aube.

Et ça, c'est brillant M. Désirable !
Pardon, Désérable. Faut dire qu'à force d'utiliser des pseudos, de brouiller les pistes, on s'y perd. Et puis, vous finissez par vous rendre désirable aussi, avec votre style rapide, vos apartés, votre ton enlevé, votre humour, sans oublier vos séquences émotion personnelles. Par moments, tiens…on dirait du Gary.
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J'ai rencontré François-Henri Désérable à une soirée à la Maison de la poésie à Paris.
Son langage m'a enivré de suite, fasciné quand il a récité des pages entières d'un livre.
Mon intérêt s'est encore accru quand j'ai découvert sa passion pour Romain Gary et son livre La promesse de l'aube.
J'ai beaucoup aimé cette enquête qu'il a mené marchant réellement dans les rues de Vilnius pour découvrir l'histoire et l'identité de ce fascinant M Piekielny , ce modeste homme qui souhaitait seulement que Romain Gary puisse un jour dans sa grandeur acquise évoquer "son petit nom" un peu comme un talisman.
Le livre est émaillé de belles photos en noir et blanc, sépia, de Romain Gary, celle très émouvante avec son regard perçant et si humain sur le plateau d'Apostrophes
Bref, je ne saurai que recommander ce livre à tous ceux qui portent dans un coin de leur cœur le destin tragique et fabuleux de Romain Gary.
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Tous ceux qui ont lu « la promesse de l'aube » de Romain Gary se souviennent peut-être du passage où ce personnage, monsieur Piekielny, fait son apparition et demande au jeune Roman qu'il n'oublie jamais de signaler à ces interlocuteurs qu'au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait un certain M. Piekielny. Chose que le jeune Roman et plus tard le célèbre Romain n'oubliera jamais de faire.

Mais qui est ce monsieur Piekielny ? Bien peu de choses à son propos figurent dans le livre. Intrigué par ce personnage, François-Henri Désérable commence alors une enquête. Une enquête où se mêlent autobiographie, biographie de Gary, découverte de la Lituanie et de Vilnius en particulier, lectures diverses, choses rêvées et vérités. Un roman sensible qui retrace l'histoire des Juifs lituaniens, un roman émouvant qui replace l'homme, un homme simple au coeur de la vie et de la mémoire de chacun. Un roman qui essaie de croiser le fil qui relie réalité et littérature. Un bel écheveau aussi de pensées et d'humour que la lectrice que je suis a pris un immense plaisir à découvrir.

Et qui sait, peut-être qu'un jour un autre écrivain partira à la découverte d'un certain monsieur Dziegiel...
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Traquer la vie d'un Lituanien anodin du siècle dernier sans avoir de lien tangible avec lui, sur simple évocation de sa personne dans un roman (les promesses de l'aube de Gary), et dont on n'est pas seulement sûr qu'il ait vraiment existé, voilà une inaccessible étoile. Désérable le dit lui même : "... c'est peut-être cela et rien de plus, être écrivain : fermer les yeux pour les garder grands ouverts, n'avoir ni dieu ni maître et nulle autre servitude que la page à écrire, se soustraire au monde pour lui imposer sa propre illusion".
Cette impossible quête est touchante quand on sait pourquoi Gary en a lui-même parlé, de ce petit bonhomme juif à la redingote grise, souvent comparé à une souris, à l'existence si banale et si difficile à retracer. Un (in)certain Piekielny était donc voisin d'enfance à Vilnius du petit Roman Kacew (futur Romain Gary). Il désirait que Roman se souvienne de lui quand il serait célèbre, en évoquant son existence devant les grands de ce monde qu'il ne manquerait pas de rencontrer, sa mère (à Roman) en était certaine. Ça, c'est ce qui est raconté dans les promesses. Un peu mince, non, pour se lancer dans l'écriture d'un récit sur Piekielny ?
Cela donne pourtant un roman riche, qui tourne (surtout) autour :
- d'un fantôme (Piekielny), et Désérable imagine, extrapole ou suppute plus qu'il n'en sait réellement à son sujet
- un écrivain célèbre, Romain Gary, dont les frasques, les excentricités, la bio et les citations assurent la voûte du récit
- un autre écrivain, François-Henry Désérable, noyé sous les piles de livres de Gary ou Gogol entre autres, perdu dans les errements labyrinthiques de son enquête, écartelé dans la recherche de vérité des écrits de Gary, ce caméléon aux identités multiples
- des digressions, des anecdotes aléatoires, de l'humour, une narration débridée et un doux parfum de littérature

J'ai beaucoup aimé.
Voilà un roman qui touche au coeur de l'existence, sa fragilité et son évanescence, surtout si on s'appelle Piekielny, étendard de la tragédie juive en Lituanie.
Mais ce qui est peut-être le plus beau, c'est qu'un siècle plus tard on continue à en entendre parler de ce petit bonhomme gris, dans un monde noyé d'indifférence. Son voeu, qu'il soit fictif ou réel, est finalement exaucé, et pourrait même l'être au-delà de toute espérance si Désérable décroche la timbale (comme son mentor).
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C'est la première fois que je lis un roman de François-Henri Désérable, que je ne connaissais pas du tout, mais le hasard fait bien les choses…

J'ai pris le temps de déguster ce livre en me lissant porter par le style de l'auteur et la manière dont il marche sur les traces de ce M. Piekielny dont j'avais fait la connaissance en lisant « La promesse de l'aube », autobiographie de Romain Gary.

A quoi tient une histoire ? le narrateur, hockeyeur bloqué par hasard à Vilnius avant de rejoindre Minsk, rate son train et en profite pour visiter un peu la ville. Il tombe sur une plaque à l'entrée d'un immeuble disant en lituanien et en français que Romain Gary a vécu ici et une phrase lui revient :

« Je restai là, stupéfait, ruisselant, et je récitai cette phrase à voix haute : « Au N° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait un certain M. Piekielny »

L'auteur se lance à sa recherche, épluchant les listes des personnes déportées et exécutées par les nazis, explorant la rue Grande-Pohulanka qui a été débaptisée depuis, pour se pénétrer de l'atmosphère chargée d'histoire. Une fois qu'il s'est bien imprégné des lieux, il apprend que ce n'est pas le bon numéro…

Faut-il avoir lu « La promesse de l'aube », je pense que oui car on a tous imaginé cet homme au museau de souris qui avait été impressionné par la conviction de Mina : « Mon fils sera ambassadeur, un grand écrivain… » ; quoi qu'il en soit l'auteur nous rappelle comment commence ce fameux chapitre 7 du livre, ainsi que la requête de ce mystérieux homme de parler de lui aux grands personnages que Romain rencontrera plus tard, ce qu'il fit.

La question qui se pose est : a-t-il existé réellement ou est-il sorti de l'imagination de Romain Gary, le pied de nez d'un écrivain qui n'était pas à une facétie près pour brouiller les pistes.

Se pourrait-il que ce soit symbolique, pour rendre hommage aux Juifs déportés, massacrés ?

Peu à peu, Romain alias Roman ou Romouchka entre dans la vie de l'auteur, s'immisce dans sa pensée comme on se faufile dans un costume et on le suit avec un plaisir non dissimulé, car il ne lui vole jamais la vedette. On note des ressemblances, la mère de Romain voulait qu'il fasse des études pour assurer ses arrières, celle du narrateur aussi qui le pousse vers le droit.

« Mais revenons à Gary. Est-ce que, parlant de moi, ce n'est pas de lui que je parle ? Je crois savoir ce qu'est l'exigence d'une mère : j'avais une Mina Kacew, moi-aussi, seulement celle-là n'empilait pas en esprit des romans comme un marchepied vers la gloire – une thèse pensait-elle, m'y mènerait plus sûrement – mais, l'une comme l'autre coulait nous voir leur rendre au centuple ce dont la vie les avait injustement spoliées. »

François-Henri Désérable est formidable conteur, il sait tenir le lecteur en haleine, en l'entraînant dans sa quête. de plus, il nous offre des illustrations : la photo de la statue de Romain Kacew, enfant, une rose à la main, à Vilnius, ou une lettre des archives de l'état civil, ou encore le registre des résidents du fameux 16 de la rue… Il évoque aussi les rencontres de Romain : De Gaulle, Druon, Kessel, Aron.

« Gary sort du bureau du Général, et sur qui tombe-t-il ? Pierre Mendès-France et Raymond Aron. Il entre dans une taverne, et qui en sort au même moment ? Maurice Druon. Il s'y attable, et qui vient lui parler ? Joseph Kessel. Y avait-il seulement des anonymes pour peupler la terre en ces temps-là ? » P 112

Sans oublier une scène d'anthologie : le passage de Romain Gary à « Apostrophes » où il craint que soit révélée la mystification : Emile Ajar et lui ne font qu'un et l'auteur nous offre un extrait de la partition de Rachmaninov (générique de l'émission) ainsi qu'une photo prise lors de l'émission.

J'aime bien Romain Gary, l'écrivain comme le personnage, donc ce livre avait déjà beaucoup de chance de me plaire mais aussi éveiller mon esprit critique, je ne me lançais pas dans l'aventure béatement.

J'ai beaucoup aimé ce livre et je remercie vivement Babelio et les éditions Gallimard qui me l'ont offert. J'espère avoir été convaincante car, que vous aimiez ou non Romain Gary, vous apprécierez ce livre car il est très bien écrit et le mystère est entretenu jusqu'à la fin.
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"Un certain M. Piekielny" est un magnifique hommage à un roman, "La promesse de l'aube", à un auteur insaisissable et pourtant si émouvant, Romain Gary, à l'un des personnages les plus discrets et pourtant l'un des plus ambitieux de l'oeuvre de Gary, M. Piekielny, habitant au n° 16 de la rue Grande-Pohulenka, à Wilno (Vilnius) dans un immeuble où vivaient aussi le jeune Roman Kacew (qui allait devenir Romain Gary) et sa maman Mina, et finalement à la littérature et son merveilleux pouvoir de dire la vérité à travers des personnages imaginaires, parfois sortis d'authentiques souvenirs. Ce livre est bien à la hauteur de l'enchanteur Gary et il ne peut que ravir les fans de l'écrivain aux deux prix Goncourt.
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Qui est M. Piekielny ?

Un personnage qui apparaît dans la biographie romancée de Romain Gary au Chapitre VII de la Promesse.

Un jour, les circonstances amènent l'auteur F.-H. Désérable sur les traces de Gary, à Vilnius, devant l'appartement où il a passé son enfance. Son voisin, M. Pielielny, à priori insignifiant, va pourtant grandir à travers la promesse de Gary enfant. Lorsqu'il sera célèbre, il prononcera son nom devant les plus grands hommes du monde.

« Au 16è de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny... »

Ce personnage a-t-il réellement existé, peut-on imaginer sa vie son métier, ses passions, sa mort.

Son nom ne sert-il qu'à désigner tous les Juifs de Lituanie ?

M. Piekielny donnerait alors le pouvoir de la parole à ceux qui ont subi la barbarie, dans le ghetto de Vilnius en 1941.

Quelle est la part de fiction dans la Promesse de l'aube ?

Gary a-t-il été marqué par ses lectures de Gogol, tout comme F.-H. Désérable l'a été par celles de Gary ?

Comment un auteur trouve-t-il le sujet de son roman ?

Roman sur le travail de l'écrivain, sur les pas qui le mènent vers l'inspiration, roman sur Gary et son M. Piekielny. Ceux qui ont lu Romain Gary s'y retrouveront sans doute mieux. Sinon, Un certain M. Piekielny les invitera à le découvrir.

J'aimerais un jour que J.-H. nous raconte l'histoire romancée de ce personnage à peine dessiné dans la Promesse de l'aube, et dont l'auteur nous offre ici quelques pistes, pour lui donner toutes les couleurs qu'il mérite. L'homme au violon silencieux m'a plu.

Je remercie Babelio et les Éditions Gallimard de m'avoir permis de lire ce roman en avant-première.
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La promesse de l'aube, découvert sur le tard, m'avait enthousiasmé et donné envie de plonger plus profondément dans l'oeuvre de son auteur, Romain Gary, en attendant que l'adaptation cinématographique achevée et diffusée me fournisse l'occasion de revivre cette belle parenthèse en confrontant mon imaginaire à l'incarnation des personnages, voulue et dirigée par le réalisateur. Quand Un certain M. Piekielny de François-Henri Désérable a atterri sur ma pile à lire, je me suis réjoui du moment où il arriverait en haut, parce que le saisir signifierait peut-être une nouvelle promesse, la poursuite du chemin entamé en compagnie de Romain Gary, la rencontre d'un écrivain, qui m'était inconnu jusque-là et que sa biographie situe à l'aube de sa carrière littéraire. Ma préhension fut ferme, goulue, j'ai croqué à pleines dents les premières lignes de ce livre comme dans une pomme bien verte, espérant de son jus qu'il contienne les saveurs et l'émotion du chef-d'oeuvre, que la prise d'importance de ce personnage secondaire, qui s'échappait des quelques pages de la promesse de l'aube révélerait le mystère qui le fit côtoyer les grands de ce monde, en fidèle et intangible compagnon de Romain Gary. J'apprécie rarement les séries dérivées, qui cherchent à capitaliser sur le succès d'un opus original et qui trop souvent n'apportent rien d'autre que de la rentabilité au producteur. En littérature, le roman-feuilleton du 19e fut en quelque sorte le précurseur du genre, l'exploitation grandiose qu'en fit Balzac dans La Comédie Humaine demeure à ce jour inégalée sans que cela décourage les auteurs contemporains de renoncer au procédé. Dans sa catégorie, JK Rowling a gratifié les fans de sa saga Harry Potter d'un essaimage d'animaux fantastiques qui tient en 54 pages, mais accouche d'une trilogie sur grand écran ; la poule aux oeufs d'or participe sûrement de cette ménagerie chimérique…
Ce roman ne m'a pas déçu ! Cette recherche d'un temps perdu, celui de Vilnius quand la ville lituanienne s'appelait encore Wilno et que Romain Gary vivait au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka m'a procuré énormément de plaisir. L'amateur d'Histoire guidé par la plume de François-Henri Désérable, souvent brillante même si elle s'égare parfois, formant des hypothèses supputant de la destinée de M. Piekielny après le départ de Roman Kacew de l'immeuble a enrichi ses connaissances des ravages de la peste brune, puis rouge qui réduisirent "la Jérusalem de Lituanie" à des ghettos, des traces sur les murs, des sépultures et des souvenirs de survivants ou de descendants. Ces évènements tragiques du passé lituanien, les exécutions massives d'une balle derrière la nuque et les horreurs qui se déroulèrent en ces lieux ne subsistaient que de manière parcellaire dans un recoin de mon cerveau, et, tandis que les bras se tendent à nouveau dans certaines parties de la planète, l'évocation de cette noirceur oubliée a agi comme un aiguillon rappelant l'importance du devoir de mémoire.
Mais, ce que j'ai le plus apprécié, c'est qu'en embarquant dans sa quête, François-Henri Désérable emmène en réalité le lecteur sur les traces de Romain Gary, de son oeuvre, de sa vie, de ses amours, de sa carrière de diplomate, des rencontres avec les personnages qui forgèrent le destin de l'après-guerre, de ses interventions publiques fameuses, de tous ces moments durant lesquels il s'acquitta de la promesse faite à un être humain, notre voisin de palier, un monsieur tout le monde s'élevant de sa condition ordinaire pour atteindre une dimension spirituelle et frôler l'éternité grâce à une seule phrase : au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka à Wilno habitait un certain M. Piekielny.
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Nous nous trouvons ici en présence d'un « grand livre » et ma critique se gardera bien d'éventer les richesses qu'il recèle.
Sensibilité, gravité, tendresse, dérision s'insinuent tout au long de cette prose directe et parfois poétique jonglant entre réalité, imaginaire, mystification interpellante, grande et petite Histoire mais dont le coeur est la littérature nourrie par une passion documentée.
Faut-il avoir lu auparavant « La Promesse de l'aube » de Romain Gary? La question peut être posée.
Quant à moi, l'ayant lue, je penche pour le oui afin de goûter toutes les subtilités d' « Un certain M. Piekielny ».
François-Henri Désérable nous guide à travers les méandres des possibles et de l'impossible.
Il nous livre -je le paraphrase- un peu d'intime (et non de privé) qui nous permet de ressentir la genèse de cette Recherche : Gary, la Promesse, Pielkelny.
Le « roman » n'est en quelque sorte que le développement de la phrase de Romain Gary : « … au n°16 de la rue Grande Poluhanka, à Wilno, habitait M. Piekielny… » comme si une loupe avait été posée et que ces mots se fussent mis à grandir, grandir et devenir un univers.
L'habileté de l'auteur est de le créer, organique, rien n'est composé, ni agencé, ni rapporté.
La force de ce livre est en cela.
Nous sommes dans un monde clos avec sa propre vie.
Evoquée la barbarie nazie à Vilnius, une page de l'Histoire se dresse et le symbole (si tel est) de Piekielny rend l'existence à ces milliers (millions) de morts parce qu'un homme a eu la grandeur de simplement mentionner au chapitre VII d'un livre l'échange entre un petit garçon et une souris triste.
François-Henri Désérable a d'ailleurs dédié son livre à toutes les souris tristes.
Toutes les digressions illustrent un angle du livre, rien n'est gratuit, tout est ramené au « Centre », comme par évidence.
Ce livre est un grand livre, de la vraie littérature parce qu'au delà des mots surgit l'émotion.
Livre qui devrait marquer la rentrée littéraire 2017.

Merci à Babelio et aux Editions Gallimard pour m'avoir permis cette double découverte : un auteur et un livre.
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Un certain M. Piekielny est un roman étonnant. Je ne dirai pas que c'est un coup de cœur... Ce n'est pas non plus l'affaire du siècle. Mais ce récit vaut par son air frais que sa prose vient apporter, cela va plus loin qu'un simple exercice de style, c'est drôle, léger, attachant, pétillant, déroutant, émouvant aussi.
Un certain Roman Kacew, qui deviendra plus tard un certain Romain Gary, nous fait connaître ce M. Piekielny au début de son autobiographie romanesque, La Promesse de l'Aube, précisément au chapitre VII.
M. Piekielny vivait dans l'immeuble où Romain Gary vécut durant son enfance avec sa mère à Wilno, ville lituanienne qui devait s'appeler plus tard Vilnius. Il était le seul voisin qui croyait à la gloire que la mère de Romain Gary prédisait à son fils. Au point de faire un jour à l'enfant cette demande : « Quand tu rencontreras de grands personnages, des hommes importants, promets-moi de leur dire... Promets-moi de leur dire : au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny... ».
Et d'ailleurs, c'est ce que fit Romain Gary si l'on en croit son propos dans La Promesse de l'aube, notamment devant un certain Général de Gaulle.
Un certain Francois-Henri Deserable, mais oui cela ne s'invente pas, j'ai bien dit François-Henri de son prénom, a eu l'excellente idée de redonner vie à ce M. Piekielny par cette fantaisie littéraire, par un immense amour voué à La Promesse de l'aube et à son auteur.
Oui ce M. Deserable se joue de la vérité, mais avec un exquis talent, tout comme sans doute Romain Gary qui fit de sa vie une oeuvre romanesque et littéraire.
Il redonne un nom, un corps, une âme à M. Piekielny, ce voisin de palier ordinaire, juif qui connut les camps de concentration et mourut là-bas. Dans La Promesse de l'aube, l'épisode est émouvant et ne s'oublie pas. Francois-Henri Deserable lui redonne vie, une autre perspective, une façon de ne jamais l'oublier, lui et les siens si nombreux. C'est en définitive très touchant.
Mais ce livre est aussi prétexte à entendre la voix d'un certain Romain Gary, sa vie, son œuvre, en quelques pages, brouillant les pistes, le cherchant, le perdant en cours de route. D'ailleurs Romain Gary n'a eu de cesse de perdre en chemin celles et ceux qui tentaient de le suivre, lui qui décrocha par deux fois le Prix Goncourt et la seconde fois en changeant d'identité ou plutôt en créant de toutes pièces le personnage d'un certain Émile Ajar sans jamais en révéler de son vivant l'identité réelle.
C'est un jeu de miroirs, c'est un jeu de double.
Un certain Bernard Pivot l'avait sans doute compris avant d'autres... Il en est question d'ailleurs dans ce récit.
Si Romain Gary était encore vivant, connaissant le talent de supercherie et l'art de brouiller les pistes de ce dernier, j'aurais juré qu'il avait écrit ce livre.
Ici l'auteur se délecte d'inventer, de réinventer, tout comme l'auteur de la Promesse de l'aube dans son roman autobiographique et aussi dans sa vie tout aussi romanesque.
C'est un récit où les mots musardent, cheminent, éveillent, attendrissent, digressent, émeuvent, parfois on dirait une enquête policière, c'est excitant. On se perd un peu parfois dans ce jeu de l'illusion et du mensonge.
On se perd et puis on revient, léger, ému, comme ce que nous attendons de la vie. C'est une sorte de recherche d'un temps perdu, celui d'un quartier de Wilno, celui d'un immeuble là-bas où la vie tendait ses bras par-dessus le quotidien, celui de la barbarie et des voix perdues de ceux qu'on amenait vers les camps de la mort, celui aussi de la promesse d'un enfant à son voisin de palier qui ne revint pas de ces camps et plus tard celle faite à sa mère. C'est donc une œuvre essentielle.
Comme toujours, je fais les choses à l'envers. J'ai lu ce roman avant de lire La Promesse de l'aube. L'idéal est de faire l'inverse, mais cependant je ne regrette pas car, lorsque j'ai lu le chapitre consacré à un certain M. Piekielny, je vous avoue que j'ai traversé ces quelques pages avec une certaine boule au ventre...
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