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EAN : 9782070139873
192 pages
Gallimard (02/04/2013)
3.78/5   158 notes
Résumé :
Paris, pendant la Révolution.
On y croise Charlotte Corday, dans sa cellule, pendant qu’un élève de David achève son portrait ; Adam Lux, un allemand tombé amoureux d’elle dans des circonstances pour le moins inattendues ; les Girondins, la fameuse nuit de leur dernier banquet à la Conciergerie ; Danton, pendant son ultime voyage jusqu’à la place de la Révolution ; le plus grand esprit français du XVIIIe siècle, qui nous apprend comment mourir avec élégance ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (37) Voir plus Ajouter une critique
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Ce livre est un coup de coeur. Vraiment. Et pourtant, paradoxalement, je ne le noterais que 4/5.
La raison pour laquelle je lui ai, à contre-coeur, enlevé une étoile est la suivante :
Dans la plupart des dix chapitres, dédiés chacun à un éminent personnage de la Révolution Française, l'auteur ne nous dévoile leur identité, dans le meilleur des cas qu'à la moitié du chapitre, si ce n'est à la fin, voire pas du tout comme dans celui consacré à Lavoisier qu'il nomme jusqu'au bout "Le plus grand esprit français du siècle dernier".
Alors, je veux bien admettre que, pour lui, c'était d'une évidence telle qu'il eût été superflu de les nommer précisément, mais, pour moi qui connaissait naturellement tous ces personnages mais pas suffisamment pour les identifier sur la base de quelques indices, j'avoue que tenter à chaque fois de savoir de qui pouvait-il bien parler, a désagréablement entravé la fluidité de ma lecture. D'autant que lors de cette dernière, je n'avais ni encyclopédie ni Internet à portée de main.
Et c'est bien dommage car sans cette perpétuelle question qui envahissait ma petite tête, j'aurais pu apprécier pleinement ses récits pour le moins passionnants.

Il n'empêche... j'ai vraiment aimé ce livre. Et, maintenant que j'en ai identifié tous les personnages, j'envisage de le relire pour le savourer sans retenue.

Ces hommes et ces femmes illustres m'éblouissent tant ! J'ai adoré lire toutes ces petites anecdotes qui en disent si long sur ce qu'ils et elles étaient. Tant de force, de dignité, de classe, les animaient jusqu'à l'ultime instant de leur vie pour trouver le mot juste, la phrase géniale, l'attitude, le geste d'une élégance rare... là où, moi, misérable Iboo sans ambition, je n'aurais eu plus de contenance qu'un vieux chiffon informe.

Bon... allez ! Je lui mets quand même 5/5. J'ai trop aimé ce bouquin !
Mais tu m'as quand même bien perturbée, François-Henri, avec tes préliminaires énigmatiques pour m'amener là ou tu voulais. Là où, toi, tu savais.
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Point commun entre Charlotte Corday, Danton, Marie-Antoinette, André Chénier ou encore Lavoisier?
Ok gagné : tous raccourcis par Louisette. Ont tous perdus en dix secondes environ vingt centimètres (à quelque chose près, on va pas chipoter pour trois cheveux qui dépassent).

1793-94 fut la belle époque pour la bascule à Charlot. du guillotiné en veux-tu en voilà. Et vas-y que je te remplis le panier de la ménagère de ces têtes tranchées à coups de Gillette affûté. La perfection au masculin. Avec un Charles-Henri Sanson, bourreau officiel, élu employé de l'année, top expert en rapetissage de la personne.

Le temps d'une deux-centaines de pages François-Henri Désérable recolle donc les morceaux pour ressusciter quelques illustres condamnés. Seuls l'intéressent les derniers instants de ces hommes et femmes entrés dans L Histoire par des portes plus ou moins grandes. Tous condamnés à poser la tête sur le billot. Dès lors, tous redevenus ordinaires, simples mortels et humains.
La geôle d'attente accueille les confidences, tandis qu'en route vers l'échafaud, chacun reverra ses priorités : trouver le bon mot à glisser à l'oreille de Sanson avant de tirer sa révérence (ce qui inspirera le fameux titre à l'arrière-fillote Véro) ; maintenir cette tête provisoirement en place, relevée, fière et digne ; finir un dernier chapitre avant l'extinction des feux ; ou mouiller le pantalon et envoyer dame dignité ad patres avant l'heure. Gloire, peur, bravoure ou lâcheté se bousculent devant la machine à raccourcir.

Et ô subtilité quand tu nous tiens : lecture sans prise de tête.
Car sans longueur grâce à une structure bien pensée : une succession d'une dizaine de récits courts et indépendants. Chacun dans un style différent (journal, témoignage, lettre, souvenir, etc) et par le biais ou de l'intéressé, ou d'un témoin des dernières heures, ou d'un proche. le tout dans un rythme vivant (le comble), soutenu par des anecdotes historiques qui, comme toujours, ravissent bibi. Et un bibi ravi, ça vaut le détour. Mis au secret de certaines révélations, réelles ou imaginaires bibi s'en fiche car bibi se réjouit, bibi savoure et bibi ne boude pas son plaisir.

Première tentative littéraire pour FHD plutôt concluante. L'auteur ne manque ni d'empathie ni d'humanité. Cocasse parfois, intime souvent, habile toujours.
S'en sort haut la main. Et.. la tête haute. Bibi en redemande.
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Le titre de ce livre, qui reprend en partie la fameuse phase de Danton à l'adresse de son bourreau : « Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine. », résume bien le propos de ce roman.

Dix courts récits
Retour en arrière, au temps de la Révolution française, plus précisément au moment de la Terreur : « Il [le bourreau Sanson] savait exactement le nombre et le nom de ses victimes pendant la période qui s'étend du 21 janvier 1793 au 9 septembre 1795 : deux mille neuf cent dix-huit, dont mille trois cent soixante-seize en l'espace d'un mois et demi, entre le Loi de prairial et le 9 thermidor, pendant ce qu'on appelle aujourd'hui la grande Terreur. »
Sous la forme de dix courts récits, François-Henri Désérable, doctorant en droit et joueur de hockey professionnel, nous fait partager les derniers instants de condamnés à mort célèbres, de Charlotte Corday à Maximilien Robespierre, en passant par Marie-Antoinette, Georges Jacques Danton ou bien encore Antoine Lavoisier (que j'ai bien eu du mal à identifier au début !). Et en ces temps-là, c'était la guillotine et le fameux bourreau Sanson, qui fait d'ailleurs l'objet d'une des nouvelles. Cette structure permet au lecteur d'interrompre facilement sa lecture entre chaque nouvelle.


Le choix des personnages
Pourquoi ces personnages et pas d'autres, comme Olympe de Gouges, Louis-Philippe d'Orléans, Richard Mique, Charles Henri d'Estaing, Georges Couthon par exemple ? Tous les personnages de ce récit ont exprimé des émotions ou fait preuve de courage, de dignité ou de reparties mémorables, bref il s'est passé quelque chose de fort avec eux, ce qui est narrativement très intéressant. Par exemple, avant d'avoir la tête tranchée, Charlotte Corday récita des vers de son ancêtre Corneille, Marie-Antoinette s'excusa d'avoir écrasé le pied du bourreau Sanson, André Chénier déclama des vers d'Andromaque (Racine), Antoine Lavoisier prit soin de mettre un signet à la page de l'ouvrage qu'il était en train de lire, les députés girondins chantèrent jusqu'au bout La Marseillaise… Tous ces personnages historiques redeviennent, sous la plume de l'auteur, de simples humains face à la mort. Certains ont reproché à l'auteur sa trop forte empathie pour ses personnages. Mais comment pourrait-il en être autrement ? N'oublions pas que derrière ces noms illustres il y avait des êtres humains, et ce quels que soient leurs actes, avec leurs souffrances, leurs forces, leurs faiblesses, leurs sentiments.


Une narration variée
Dix courts récits donc, mais rédigés selon des angles d'approche différents. En effet, à chaque nouveau récit, l'auteur se glisse dans la peau d'un observateur différent, ce qui change la forme narrative. Un livre protéiforme, à la fois roman, récit, recueil de nouvelles, œuvre épistolaire, témoignage, journal intime.
Parfois, c'est l'héroïne elle-même qui s'exprime. C'est le cas avec Charlotte Corday qui, posant en prison pour un peintre, lui raconte son histoire et confie les raisons de son geste. Mais, le plus souvent, ce sont des témoins qui se font l'écho des derniers instants des personnages. Ainsi, les ultimes moments de Marie-Antoinette à la Conciergerie sont relatés par un de ses geôliers dans son journal, un gardien raconte le courage des députés girondins qui ont chanté jusqu'au bout La Marseillaise, un condamné évoque la bravoure de Danton, Adam Lux relate l'exécution de Charlotte Corday, le frère d'André Chénier lui écrit une lettre après sa mort pour tenter de se libérer de sa culpabilité. Sans oublier l'agonie de Robespierre, relatée par le gendarme Merda. À part, le récit concernant Sanson, qui retrace l'histoire de sa famille, les différentes exécutions qui l'ont marqué et sa vie (il finira ruiné). Mais aussi le récit concernant le fictif marquis de Lantenac, le héros du roman Quatrevingt-Treize.

Une érudition mâtinée d'anecdotes et un style classique mais accessible
Jonglant habilement entre la fiction et la réalité des faits, l'auteur s'est basé sur des faits historiques pour construire ses différentes nouvelles, mais s'est laissé la liberté de se glisser dans la tête de ses personnages pour imaginer leurs sensations, leurs émotions, leurs pensées, leurs paroles…
Par ailleurs, l'auteur a réussi à donner un cadre historique précis sans nous assommer de détails rébarbatifs. Il a également pris soin de nourrir son texte d'anecdotes jamais futiles, toujours intéressantes.
En guise d'exemple en matière d'érudition, la nouvelle « Lantenac à la Conciergerie » mixe des personnages de Quatrevingt-Treize (Victor Hugo), des Dieux ont soif d'Anatole France, du Comte de Monte-Cristo (Alexandre Dumas) et des Onze (Pierre Michon).
Une érudition servie par un style élégant, subtil et affûté. On sent que l'auteur a finement ciselé ses phrases pour bien rythmer son texte et ne pas créer de longueurs, d'où la pagination relativement peu importante et c'est tant mieux ! L'alternance des points de vue, des formes narratives, des personnages, des descriptions et des dialogues rendent l'ensemble du récit dynamique, alerte et percutant. Et l'on retrouve ou découvre avec plaisir toutes ces phrases mémorables :
– Le savant Louis Lagrange à propos d'André Lavoisier : « Il ne leur a fallu qu'un moment pour faire tomber cette tête. Cent années, peut-être, ne suffiront pas pour en reproduire une semblable ».
– Madame du Barry au bourreau Sanson : « Pas tout de suite, encore un instant, monsieur le bourreau, je vous en prie. »
– Danton au bourreau Sanson : « Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine. »
– Charlotte Corday au bourreau Sanson alors qu'il lui demandait si le trajet en charrette lui semblait long : « Bah ! Nous sommes toujours sûrs d'arriver... »

Un roman facile à lire, idéal pour celles et ceux qui veulent découvrir la Révolution sous un angle original ou qui souhaitent découvrir cette période sans se prendre la tête !
Lien : http://romans-historiques.bl..
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Roman historique ou récit ou bien encore nouvelles chacun y trouvera son compte.
10 portraits de ceux qui en un temps donné, la Révolution ont fait L Histoire . Connus ou inconnus ils ont en commun d'avoir: soit été les gardiens des prisonniers de la conciergerie, soit été guillotinés.

Les destins se croisent ,parfois se suivent dans les geôles de la terreur et chacun narre ses derniers jours ou ceux de celui dont il a la garde.

Je regrette qu'il n'y ai pas de bibliographie pour approfondir cette période historique.
je recommanderais
- Michel Folco avec : " Dieu et nous seuls pouvons " sur la lignée et le travail des bourreaux
- Stefan Zweig avec : "Adam Lux" guillotiné pour avoir écrit un éloge sur Charlotte Corday
Gwenaëlle Robert avec: "le dernier bain" sur l'assassinat de Marat et le destin de Charlotte Corday. (même si certaines critiques de babélio ne le considèrent pas comme roman historique).

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Mon résumé: Imaginez que nous puissions remonter le temps et partager les derniers moments d'hommes et de femmes, ayant ou non existé, en sachant qu'ils vont mourir sous le "rasoir national". Quelles sont leurs pensées? Comment abordent-ils la mort? L'auteur s'inspirant de la Révolution française s'est pris au jeu d'imaginer les derniers instants de diverses personnalités. C'est donc à travers dix nouvelles, dans des styles différents, que nous allons remonter le temps.
Avec C'est la fin qui couronne l'oeuvre, le lecteur approche Charlotte Corday, connue par avoir assassiné Marat, tandis qu'un élève de David peint son portrait. La jeune femme explique son acte prémédité au peintre avant de se voir dégager la nuque et emmener à l'échafaud "La charrette m'attend. On me donne un tabouret mais je sais déjà que je resterai debout. Je veux regarder la foule dans les yeux. On ne meurt qu'une fois. C'est la fin qui couronne l'oeuvre." Ce qu'elle ne saura jamais, c'est qu'Adam Lux, un allemand venu en France en raison de sa foi en la République, va suivre sa charrette et tomber amoureux d'elle, car Elle avait rougi. Pour lui faire honneur il agira selon les souhaits de la défunte; il livre son histoire à sa famille restée à Mayence sous forme de lettre.

Puis viennent les derniers jours de Marie-Antoinette avec La gorge de la Reine, sous la forme d'un journal; Marie-Antoinette a fait le deuil de sa fonction mais certainement pas celui de mère.

Le banquet traite des Girondins où raisonne le chant de la Marseillaise.

On croise aussi le plus grand esprit français du siècle dernier ainsi que l'histoire familiale des frères Chénier avec Caïn de l'an II, où André écrit à feu son frère pour se déculpabiliser de sa mort.

Puis vient le tour de Danton et de ses concitoyens comme Camille Desmoulins: Tu montreras ma tête au peuple est pour moi la nouvelle charnière du livre; c'est après l'avoir lue que j'ai été définitivement conquise par la plume de l'auteur.

J'ai également apprécié Lantenac à la conciergerie, La promesse de nivôse qui retrace l'histoire des Sanson, bourreaux de père en fils. Mon plus grand fait d'armes rapporte les souvenirs d'un gendarme du nom de Merda qui trouva Robespierre en train d'agoniser…

Mes impressions: J'aimerais, si j'en avais l'occasion, dire un grand bravo à l'auteur pour son maniement de la langue française. A travers sa verve, il a réussi à m'embarquer à côté de ces hommes et de ces femmes qui ont construit une partie de l'Histoire de France. Bien sûr, les discours et pensées sont largement fictifs mais on se plaît à suivre l'imagination de l'auteur; les mots sont percutants, les métaphores de la guillotine m'ont fortement rappelée celles utilisées par Dickens, et de ce fait je suis conquise. Bien que la violence de cette période soit omniprésente, seule une description de torture -mais qui a eu lieu avant la Révolution- lue au petit matin dans le métro, m'a remuée les tripes. Les nouvelles se lisent d'une traite et on se délecte des mots dont on s'abreuve à chaque page. L'unique critique que j'émettrais, et qui est valable pour tous romans s'inspirant de l'Histoire, est que le réel du fictif n'est pas démêlé en fin de livre, ce qui est dommage!
Un premier roman qui révèle un véritable talent d'écrivain, dont on sent tout le potentiel. Cet auteur est à suivre.
Lien : http://leslivresdecamille.wo..
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critiques presse (2)
LeFigaro
06 mai 2013
Il y a deux siècles, la France perdait la tête. [...] au sens propre pour plusieurs milliers de ses enfants qui virent leur vie et leur corps pareillement écourtés. Voici leur(s) histoire(s), restituées avec une grâce, une intelligence et une diversité stylistique exceptionnelles par un jeune romancier qui signe une entrée fracassante dans la République des lettres.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Lexpress
26 avril 2013
Usant d'une grande habileté et d'une évidente aisance stylistique, le jeune écrivain jongle ici avec la fiction et la réalité des faits, ce qui l'amène finalement à ce constat: "L'histoire balbutie, tâtonne, et parfois c'est la légende qui finit par l'emporter." C'est-à-dire la littérature.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
Cinq charrettes les attendaient devant la Conciergerie. [...]
Dans la rue Saint-Honoré, à hauteur des Tuileries tous entonnèrent La Marseillaise. Vingt voix fortes qui, à l'unisson, couvrirent le bruit de la foule. Ces hommes qui allaient vers leur mort en chantant la gloire de la Patrie intimaient le respect à ceux qui se trouvèrent sur leur chemin ce jour-là.
Quand ils arrivèrent au pied de l'échafaud, sur cette place dont le nom change au gré des régimes politiques [...] il était onze heures du matin. Le brouillard voilait le soleil ; il pleuvait. Jamais l'hymne composé par Rouget de Lisle n'avait résonné avec auteur de ferveur.
C'est Sillery qui, le premier, arriva sur la plate-forme. Le député de la Somme, doyen des condamnés, salua la foule, à droite, à gauche, tel l'artiste qui s'apprête à quitter la scène de sa vie.
Fauchet, Carre, Lesterpt-Beauvais, Duperret furent les suivants. Le sang giclait, débordait du panier, des caillots se formaient ; l'échafaudage s'imprégnait de la couleur écarlate, de telle sorte qu'il fallut, après que la lame du bourreau se fut abattue sur la nuque de Lacaze, le nettoyer à grand renfort de seaux d'eau.
Le chœur diminuait à mesure que le sacrifice continuait. Boileau, Antiboul, Gardien, Lasource, Brissot, Lehardy, Duprat furent sacrifiés.
Ducos était assis à côté de Fonfrède. Quand ce fut à son tour, il embrassa son ami une dernière fois : 'Mon frère, c'est moi qui t'ai conduit à la mort !" lui dit-il. Et ce frère d'alliance, qui bientôt le rejoindrait dans l'autre monde, tentait de le consoler : "Au moins, nous mourons ensemble !".
Le chant funèbre perdait son intensité, pas sa vigueur. Ils n'étaient plus que six - Gensonné, Mainvielle, Fonfrède, Duchastel, Vergniaud et Vigée. Et les six usaient leurs dernières forces dans les paroles de La Marseillaise, paroles somptueuses desquelles ils puisaient l'énergie d'aller mourir. Gensonné, au moment de monter sur l'échafaud, me chercha du regard. Il ne trouva que mes yeux rougis de larmes.
Bientôt, il n'en resta plus que deux. On a souvent affirmé que Vergniaud eut l'honneur de passer sur la planche en dernier. [...] Et pourtant, ce jour-là, c'est avec Vigée, et non Vergniaud que le sacrifice allait s'achever. Il fut le vingtième à passer sur la planche. Il chantait encore sur la bascule. "Contre nous de la tyrannie, l'étendard sanglant est levé !" Le couteau tomba ; le silence aussi.
[...] C'était le 31 octobre 1793, dixième jour du deuxième mois de l'an II de la République. Il était onze heures et demie. En un demi-tour de cadran, la Révolution avait achevé de dévorer ses propres enfants.
[...] Dix fois j'ai porté les yeux sur l'échafaudage de la guillotine, cent fois j'ai entendu le fracas de la lame libérée par le bourreau, mille fois j'ai humé l'odeur du sang fraîchement versé. Mais jamais plus, Monsieur, jamais plus je n'ai vu des hommes braver la mort avec autant de courage.
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Et s'il fallait recommencer l'exercice pour la mort de celui qui fut incontestablement le plus grand esprit français du siècle dernier - inutile de prononcer son nom, vous savez de qui je parle, c'est le plus grand esprit français du siècle dernier ! - alors, d'emblée, un mot s'impose : Élégance.
Car l'élégance, justement, se passe de mots ; un geste suffit.

[...] Lagrange ne s'y trompa guère, qui plus tard dit à Delambre :
"Il ne leur a fallu qu'un moment pour faire tomber cette tête. Cent années, peut-être, ne suffiront pas pour en reproduire une semblable."

[...] Car depuis qu'on lui avait ôté sa liberté, le plus grand esprit français du siècle dernier passait son temps à lire, et semblait résigné à continuer ainsi jusqu'à ce qu'on lui ôtât enfin la vie.
À l'abbaye de Port-Royal, transformée en maison d'arrêt pendant la Révolution, il lisait. Dans l'hôtel des Fermes, reconverti en prison à l'usage des fermiers généraux, il lisait. Quand on vint le chercher à la Conciergerie, un quinquet fuligineux éclairait à peine la cellule assombrie, et le plus grand esprit français du siècle dernier, tapi dans la pénombre, lisait.
Alors, que croyez-vous qu'il fit sur la sinistre charrette ? Le plus souvent, les condamnés criaient, pleuraient, priaient, haranguaient le peuple ou le maudissaient. Le plus grand esprit français du siècle dernier ? Il lisait.

Étrangement, on ne lui avait pas lié les mains. Ultime faveur concédée par le bourreau ? Peut-être Sanson, fût-ce par respect, pitié ou admiration, s'était-il accommodé d'une entorse au règlement pour permettre à son hôte le plus prestigieux de terminer sa lecture. Il était donc écrit que le plus grand esprit français du siècle dernier, dont la vie avait été entièrement vouée au culte de l'esprit, devait poursuivre sa quête de savoir jusqu'au dernier soupir, jusqu'à l'ultime répit.
Devant l'échafaud, le plus grand esprit français du siècle dernier continua de lire jusqu'à ce que son nom fût appelé. Alors il sortit de sa poche un signet, le plaça à la page où il avait arrêté sa lecture et, sans prononcer une seule parole, posa sa tête sur le billot.

Voilà, Monsieur, comment on meurt avec élégance.
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La justice révolutionnaire était révolutionnaire avant d'être justice. Les audiences étaient de simples formalités, l'accusateur public redoutait que le glaive de la loi ne rouille entre ses mains, les avocats, quand il y en avait, se gardaient de prendre la défense de leurs clients, de peur qu'on ne leur reprochât un manque de zèle républicain, et les jurés eux-mêmes n'étaient là que pour la forme, terrifiés, s'ils faisaient preuve d'indulgence, de comparaître à leur tour sur le banc des accusés. Il n'y avait ni appel en cassation ni recours en grâce, il n'y avait que la guillotine et la terreur. La guillotine qui chaque jour coupait plus de têtes, la terreur qui frappait au hasard.
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Appelez-moi fou, mais le peuple ne veut ni la liberté ni la République. Il veut du pain. Ce n'est pas la lecture du Contrat social ou de L'Esprit des lois qui l'a fait prendre les armes et la Bastille, abolir les privilèges, décapiter le roi. Ce sont les borborygmes du ventre vide, les lèvres sèches qui, la nuit, mastiquent une nourriture n'existant qu'en rêve, le tintement de la fourchette sur l'assiette à peine commencée et déjà terminée. Vient un jour où le vieux paysan, lampant bruyamment chaque cuillerée de sa soupe brûlante, où la mère, les yeux écarquillés sur la faim de ses enfants, où les fils, qui vont faucher à jeun les blés que la taille, la gabelle et le dîme leur prendront, s'unissent pour crier ensemble leur misère. Alors plus rien ne peut leur résister. C'est ainsi, Monsieur, que naissent les révolutions.
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"Comme il tentait de dégrafer les jarretières de sa culotte, un homme l'y aida, et Robespierre, comme si la Révolution se finissait avec lui, le remercia comme en remerciait sous l'Ancien Régime : " Monsieur, je vous remercie ", dit-il. Il n'y avait plus ni tutoiement ni citoyen.
Puis il endura son supplice comme Jésus couronné d'épines, sans qu'un Simon de Cyrène vint l'aider à porter sa croix, sous les railleries d'une foule qu'on n'avait jamais vue si nombreuse, une foule fiévreuse qui regardait les charrettes cahoter, écoutait le grincement des roues sur les pavés, applaudissait à tout rompre. Devant la maison Duplay, où Robespierre, avait passé les dernières années de sa vie, le convoi fut arrêté. Un enfant de dix ans, peut-être douze, trempa un balai dans un seau rempli de sang de bœuf et aspergea la porte du logis. Et Robespierre, déjà pâle, devint blême, ferma les yeux et baissa la tête, pour dérober à la foule des larmes qu'il essayait de contenir." [page 185]
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Vidéo de François-Henri Désérable
"Tous les voyages sont toujours dans un but littéraire, en quelque sorte. Soit j'en tire un récit de voyage, soit un article, ou alors c'est pour me documenter pour un roman, mais c'est rarement pour m'allonger sur le sable, sur une plage."
Amélie le Berre et Félix Ferreira Da Silva sont allés à la rencontre de François-Henri Désérable, auteur de "L'usure d'un monde" (2023) et de "Mon maître et mon vainqueur" (Grand prix du roman de l'Académie française, 2022).
Ce film a été réalisé en partenariat avec le Master Scénario, Réalisation, Production de l'École des Arts de la Sorbonne Université Paris 1.
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