CHALLENGE ATOUT PRIX 2015/2016 (20/20)
Prix Renaudot - Général - 2010
Pardonnez mon manque de culture mais Virginie Despentes, je ne connaissais pas. Parcourant ma PAL monumentale faite souvent de livres troqués ou achetés dans des brocantes, à la recherche d'un prix littéraire pour terminer mon challenge Atout Prix, voilà que je tombe sur ce roman à la couverture jaune fluo et au titre plutôt marrant qui m'évoquait les tribulations d'une mère de famille et de sa progéniture... Ceux qui connaissent comprendront ma méprise. Ma lecture terminée, en me penchant sur sa biographie, je découvre que cette auteure est spécialisée dans le trash et je ne peux désormais que confirmer.
Je suis pourtant entrée très facilement dans l'histoire de Lucie, cette détective privée plutôt banale, chargée par la grand-mère qui la soupçonne de mener une double vie, de suivre Valentine, une adolescente issue d'un milieu bourgeois. Cette dernière ayant échappé à sa vigilance s'est évanouie dans Paris, Lucie se voit donc obligée de partir à sa recherche. Doutant de ses compétences, elle s'adjoint les services de La Hyène, jeune femme aux multiples contacts en tout genre et spécialiste de la traque. La longue descente aux enfers peut commencer car l'adolescente pour oublier sa solitude et le manque d'intérêt de sa famille se réfugie dans le sexe et la drogue et fréquente les milieux les plus sombres.
Virginie Despentes nous dépeint une société moderne dans tout ce qu'elle a de plus laid, où il est très facile pour des jeunes livrés à eux-mêmes de se laisser entrainer dans toutes les dérives. Rien ne trouve grâce aux yeux de l'auteure à part les relations homosexuelles féminines qui occupent une grande partie du roman. Pourtant, malgré la débauche et la violence décrites, j'ai quand même apprécié l'écriture où perce un humour caustique et la finesse de la plume lorsqu'elle n'est pas trempée dans le vitriol. J'ai aimé aussi la construction du roman où les chapitres avec Lucie comme narratrice de son enquête, alternent avec les portraits des différents personnages qui ont côtoyé Valentine.
Ce roman très dense est à la fois un polar d'une noirceur parfois insoutenable et une satire sociale sans concession où l'on s'aperçoit que la richesse ne comble pas le désespoir du cœur chez les adolescents. Évidemment, il faut aller au bout de la lecture pour comprendre le titre. Une lecture assez particulière à laquelle j'accorde un 13/20.
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Despentes met son enquêtrice préférée, La Hyène, motarde cloutée, homo inconditionnelle, à la fois nounou cynique et semeuse de trouble bienveillante, sur les traces d'une ado rebelle, Valentine - et surtout paumée- qui est tellement à l'ouest qu'elle devient un danger potentiel pour elle...et pour les autres: cette petite-là, entre de mauvaises mains, c'est de la dynamite...
Comme à son habitude, V.D. émaille son enquête de portraits pleins de chair et de relief, focalisant son récit sur une pléiade de personnages auxquels on s'attache, chemin faisant, et qui sont autant de minis voyages dans le grand périple de l'enquête elle-même, - son récit...ou plutôt celui de son avatar, la timide Lucie, narratrice et "privée" à la gomme qui a bien besoin d'un coup de main, voire d'un coup, tout court, un bon, si possible, pour sortir de sa léthargie de gourdasse hétéro...Heureusement, il y a Barcelone, La Hyène attentive et ses amazones secourables...La gourdasse va être très vite initiée à une autre vie...
Sautera, sautera pas? Entre Valentine et Lucie, le lecteur a du grain à moudre...même si la fin est un peu...téléphonée, si je puis me permettre d' utiliser cette expression..
Au passage V.D. sème à tout vent et à tout va des petits bouts de son existence à elle dans des existences étrangères : celle d' un écrivain "sans réseaux", celle d'une hétéro sans éclat qui soudain a la révélation du saphisme, comme Claudel celle du Christ, derrière son 13ème pilier, celle encore d' une ado sans amour qui voudrait tant qu'on fasse attention à elle qu'elle se perd dans les drogues, le sexe, s'abîme dans le viol, la prostitution et pire encore, au risque de ne se retrouver jamais..
Tout n'est pas rose, tant s'en faut, dans cette odyssée policière, dans cette autobiographie déguisée, mais il y a toujours l'humour grinçant, le parler trash, les formules à l'emporte-pièce de V.D. pour faire rire ou sourire même aux heures les plus noires.
Il y a quelques longueurs, quelques redites aussi, quand le récit change de focale et qu'on reprend la trame en rétropédalage inversé, comme si on ne pouvait comprendre les ellipses sans remettre pesamment les points sur les "i"......
Dans un genre assez proche, j'ai préféré Subutex 3, roman choral lui aussi, mais plus rapide, plus rythmé , plus abouti- et lui aussi une ode noire et sans garde-fou aux sombres temps des Assassins dont nous avons franchi les portes d'airain en janvier 2015..
Prémonitoire, mais encore un peu trop "apocalyptique" pour y croire, Apocalyse Bébé est encore quelques coudées en-dessous.
Subutex 3 a, lui, le redoutable privilège d'avoir été écrit après l'apocalypse, la vraie, celle de janvier 2015 et celle du 13 novembre.Apocalypse Bébé ne faisait que la pressentir, d'où son irréalité apparente...
Le pire est toujours difficile à prévoir, même dans un roman.
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Une plume incisive et crue que celle de Despentes... et j'adore ça !!! Pas de détours, pas de demi-mots, pas flafla... ça va droit au but, et j'adore ça. Cela peut heurter quelques sensibilités, mais bon, quand on sait qui est Despentes et ce qu'elle a fait, on joue le jeu et on s'y attends... Un rythme soutenu, des images fortes, une intrigue plus que captivante, un personnage principal qu'on aime.... Bref, super moment que j'ai passé.... et puis, ça se lit très rapidement !!
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