Lucie Toledo, la quarantaine, travaille pour un détective privé. Alors que de plus en plus de parents engagent un détective pour espionner leurs enfants, Lucie est cantonnée à ces affaires de filature d'adolescents. Jusqu'au jour où Valentine, quinze ans, fait une fugue pendant qu'elle était censée la suivre. Lucie se voit alors confier la mission de retrouver l'adolescente, mais ne sachant par où commencer son enquête, elle fait appel à la Hyène, une privée en free-lance spécialisée dans la recherche des disparus. Et c'est le début d'un « road book » qui va conduire les deux enquêtrices de Paris à Barcelone…
Le duo de choc que forment Lucie et la Hyène, personnages extrêmement contrastés, rappelle les plus classiques des romans policiers. Mais le personnage de la Hyène, particulièrement violente et à l'homosexualité tapageuse, apporte quelques scènes trash à un roman par ailleurs beaucoup moins sulfureux qu'on aurait pu le penser. Ce nouveau roman de
Virginie Despentes m'a étonnée par la richesse des thèmes qu'il aborde. Des thèmes sociaux d'abord, comme Internet, la téléphonie mobile et la surveillance qu'ils permettent, la crise économique, ou plus généralement la vie d'aujourd'hui vue à travers différents milieux sociaux, de la bourgeoisie parisienne cultivée aux cités de banlieue. Mais aussi les thèmes plus intimistes de l'homosexualité, du couple, de la maternité et son pendant : la non-maternité. Enfin je retiendrai également le thème plus inattendu du temps qui passe, de la petite nostalgie qui vous saisit à la quarantaine.
Apocalypse bébé est donc un roman tantôt social, tantôt intimiste, parfois cruel ou du moins rageur, souvent pessimiste et désabusé, mais qui sait aussi parfois se faire plus tendre, et finalement se montrer dans l'épilogue étonnamment sentimental.
Chaque personnage du roman est fouillé, son parcours restitué, à tel point qu'on est admiratif de la manière dont
Virginie Despentes parvient à s'insinuer dans les pensées, les sentiments secrets de chacun d'eux. Plusieurs de ces personnages ont d'ailleurs un chapitre qui leur est consacré, occasion pour le lecteur d'envisager l'histoire sous des points de vue différents. Cerise sur le gâteau : le père de la disparue est romancier, un romancier d'un autre âge, qui n'a plus grand succès, un personnage qui permet à
Virginie Despentes d'ironiser sur la figure de l'écrivain contemporain et l'industrie du livre, ce qui donne lieu à des passages assez savoureux. Mais les personnages sont trop typés socialement. On a un peu l'impression que
Virginie Despentes a voulu passer en revue un certain nombre de milieux sociaux, donnant à son roman un petit côté catalogue légèrement agaçant. Sans compter qu'aucun des personnages n'est surprenant par rapport à son origine social, comme s'ils se conformaient tous à des clichés jusqu'à former ensemble un monde totalement irréel. Pourtant sur le moment
Apocalypse bébé est un roman qui m'a impressionnée. Je l'ai vraiment adoré jusqu'aux deux tiers. Ensuite, l'entrée en scène de la bonne soeur et la fin de l'aventure de Valentine m'ont fait un peu décrocher. La fin ne m'a pas paru à la hauteur du reste, et c'est là que mon esprit critique en a profité pour reprendre le dessus, me laissant finalement plus mitigée que je ne l'aurais cru en cours de lecture.