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Le 26 janvier 1886, une foule de mineurs se met en marche. Neuf kilomètres à pied en plein hiver pour rejoindre Decazeville et porter des revendications salariales à la compagnie houillère qui les emploie. 2000 hommes et femmes en colère. le sous-directeur, Jules Watrin, est frappé puis meurt défenestré.

Pascal Dessaint s'empare avec force et conviction de cet épisode oublié de l'Histoire qui a débouché sur la plus longue grève du XIXème siècle, un drame qui a secoué la classe politique française et traumatisé l'Aveyron.

L'auteur construit son récit en trois temps bien marqués : le premier acte décrit rapidement la scène de crime en elle-même; le deuxième acte déroule le temps de la grève ( six mois ) avec son impact politique, les postures de chacun, les rapports de force et le déferlement médiatique qui l'accompagne ; le troisième acte raconte le spectaculaire procès ( dix accusés pour meurtre, cent témoins à la barre ) jusqu'au verdict.

Pascal Dessaint sait collecter les faits, les interpréter pour mener une enquête rigoureuse. On devine l'énorme travail bibliographique derrière chaque page mais sans jamais que cela écrase le lecteur par un étalage d'informations. Au contraire, l'auteur a trouvé un style extrêmement vivant et enlevé, privilégiant les dialogues pour recréer une époque dans toute sa complexité tout en éloignant la caméra pour des panoramas très réussis. Les scènes du procès sont ainsi remarquables de lisibilité : tout ce qu'on ne savait pas au départ est décortiqué au-delà de ce que laissait entrevoir l'immédiateté de la violence, on comprend ce qui s'est joué à chaque moment du crime initial. Ça se lit comme un roman.

Un petit glossaire des noms propres n'aurait pas été de trop pour faciliter la lecture. Il y a énormément de personnages à mettre en scène aux plusieurs temps du récit, certains transversaux d'autres pas. Ils sont tous très bien campés grâce à des zooms qui renforcent leur incarnation. Je retiens tout particulièrement la figure du maire républicain de Decazeville, Jules Cayrade, victime d'accusations virulentes pour avoir refusé que l'armée intervienne, hanté par les quatorze ouvriers grévistes tombés sous les balles des soldats à Aubin en 1869. Très affecté par les répercussions du drame, il meurt prématurément en juillet 1886 à seulement 46 ans.

Très pertinemment, Pascal Dessaint ouvre et clôt son récit sur des images fortes de 2015 : deux cadres DRH d'Air France agressés, chemise déchirée, dans le cadre d'une restructuration prévoyant la suppression de près de 3000 emplois. Certes, ces dernières années n'ont rien à voir avec les années 1880, la IIIème République y est encore bien jeune, réellement enracinée qu'à partir de 1879, la fraîche répression de la Commune encore dans les esprits.

Et pourtant, tout dans la tragédie de Decazeville résonne avec notre époque : la construction des luttes ouvrières et l'immixtion de la violence dans un mouvement social, le contexte de capitalisme éhontée et de violence institutionnelle qui maltraitent le petit peuple. Ou encore les débats et déchirements au sein de la gauche, comme ceux entre un jeune Jean Jaurès dénonçant toute forme de violence et l'ardent député Emile Basly, ancien mineur, proche de l'anarcho-syndicalisme qui défend la « légitime défense » des meurtriers de Jules Watrin : « Quand toute une population indignée, révoltée, écrase celui qui l'a torturée et affamée, n'a-t-on pas le droit de lui dire : Laissez passer la justice populaire ? »

Un excellent récit entre essai et roman qui questionne intelligemment le lecteur d'aujourd'hui.
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Époque incertaine, République fragile ...
Peut-on d'une époque à l'autre transposer des événements, faire des comparaisons et retrouver des similitudes ?
La violence est-elle inhérente à l'instabilité politique, à la crispation sur de vieux intérêts acquis, au maintien d'un vieux monde qui sert les intérêts de quelques individus au détriment du plus grand nombre ?
C'est ce petit aggloméré de questions qui, provoqué par la lecture de sa quatrième de couverture, m'a fait saisir ce livre dans une des meilleures librairie de cette belle ville De Nantes, la librairie Coiffard pour ne pas la nommer.
"1886 - l'affaire Watrin" est un roman historico-policier-judiciaire inpiré à son auteur, Pascal Dessaint, par un véritable drame.
Jules Watrin, pour certains, était un excellent employé, le sous-directeur exemplaire de la Compagnie des Houillères et Fonderies de l'Aveyron.
Pour les autres, il était un homme dur à la peine, un de ceux que l'on hait.
Pour certains, il était le malheureux, pour les autres l'ignoble.
Jules Watrin a été saisi, escorté, poussé dehors, défenestré, puis a été finalement lamentablement massacré.
Au bout d'une trentaine de pages, Pascal Dessaint nous évoque le portrait de l'homme, un dessin réalisé d'après photographie, mais sans avoir pourtant, et c'est bien dommage, ressenti le besoin de venir en illustrer son récit.
C'eût été le moins de pouvoir saisir le visage, envisager la silhouette du tragique personnage principal de ce roman.
Ce livre de Pascal Dessaint est le récit d'une tragédie de la violence qu'a engendré la lutte des classes à l'entre-deux siècles.
Emile Zola, lui-même, a été montré du doigt lors du procès.
N'avait-il pas, un an plus tôt, encouragé cette violence avec la parution de son dernier opus "Germinal ?
Mais "1886 - l'affaire Jules Watrin" abandonne son lecteur au seuil d'une réflexion qu'il semblait avoir promis sur sa quatrième de couverture en se risquant à un hasardeux parallèle avec cette tragi-comique affaire de chemises arrachées en 2015.
Il ne manquait pourtant pas aujourd'hui de vrais événements où, qu'elle soit institutionnelle ou protestataire, la violence a fait authentiquement gronder la rue.
Et il a manqué à ce roman historique le souffle nécessaire pour en faire un captivant et poignant récit.
La lecture s'y trouve ralentie par quelques longueurs.
De plus, elle est gênée, à mon sens, par la réflexion qu'elle impose et qui fait perdre assez rapidement le fil du récit qui peine à passionner, qui s'étire assez longuement, sans rythme, ni véritables rebondissements ...










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En janvier 1886, des mineurs en colère de Decazeville (Aveyron) séquestrent un cadre de la compagnie minière et finissent par le défenestrer. Cet acte de désespoir va générer la plus longue grève du XIX e siècle et jeter toute une population ouvrière dans un long conflit social.
Coincés entre une compagnie minière qui ne tient pas ses engagements et joue le pourrissement de la situation, un gouvernement sans pouvoir, des actionnaires intransigeants, une gauche hésitante, une bourgeoisie provinciale réactionnaire et des députés englués dans la politique politicienne, les grévistes comptent sur le soutien des journaux amis (Le Cri du Peuple et l'Intransigeant) et de quelques personnalités engagées pour mener leur combat à terme et supporter un douloureux procès.
Historien de formation, Pascal Dessaint a mené une vraie enquête sociologique à partir d'éléments authentiques et nous livre ce passionnant docu-roman noir qui décrypte les tenants et aboutissants d'un conflit social dont le point départ rappelle un fait divers récent (deux cadres d'Air France pris à parti).
Mais on peut également y voir quelques liens avec la manière de traiter certains problèmes sociétaux actuels qui cumule la faiblesse politique, le poids des conservatismes, le déploiement policier démesuré et provocateur et le pourrissement de la situation.

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Bien des grèves dans le passé furent réprimées dans le sang par la police ou l'armée . Peut-être plus particulièrement celles des mineurs ( Dombass , Kosovo , Asturies etc ... )
Celle dont il est question ici eut lieu en Aveyron et se traduisit par " L'assassinat " d'un ingénieur . Les mines du bassin de Decazeville avaient déjà connu des révoltes de geules noires et à force de réductions de salaire et de mépris , la colère est devenue mauvaise conseillère . les rapports sociaux de l'époque sont bien retranscrits et pour ceux qui connaissent la région on retrouve au fil du livre des noms bien connus des decazevillois ( Cayrade , Lescure , Carrié , Cayla etc ... )



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Janvier 1896, les mineurs de Decazeville dans l'Aveyron sont en grève pour demander une hausse des salaires. Parmi leurs revendications, il y a aussi la démission de Jules Watrin, le sous-directeur de la mine. Il se dit que Watrin serait payé sur les diminutions de salaires qu'il impose aux travailleurs. La foule s'emballe, Watrin est défenestré et piétiné. Il meurt de ses blessures. La grève va durer 108 jours.

L'affaire Watrin devient nationale, Decazeville est le centre de la France. On compte plus de soldats que de grévistes.
Le débat va jusqu'à la chambre des députés, réactionnaires contre républicains, et la presse se divise.
Pour le cri du Peuple, c'est la revanche de la Maheude. Pour le Gaulois, c'est la faute à Zola. Il faut dire que Germinal est paru il y a seulement un an.

Alors, Watrin, victime ou bourreau ? Où se situe le crime ? Est-ce que les criminels sont ceux qui tuent ou ceux qui maltraitent les ouvriers pour remplir les poches des actionnaires ? Les mineurs ou les seigneurs de la houille ?

Dans ce récit, on croise tous les grands républicains de l'époque, venus à l'aide des mineurs qui vont être jugés. Il y a Jules Guesde, Louise Michel, Millerand et tant d'autres dont Émile Basly, mineur, syndicaliste puis député. Celui qui aurait inspiré Zola pour le personnage d'Etienne Lantier. On découvre aussi Jules Cayrade, premier maire républicain de Decazeville.

Pascal Dessaint, met sa casquette d'historien et nous raconte une histoire de lutte sociale tellement d'actualité que ça fout les chocottes (les arrestations arbitraires sont revenues à la mode cette année) et fait un parallèle avec le mouvement social de 2015 lors duquel deux cadres d'Air France finiront la chemise arrachée.

Pour le côté historique, pour le côté politique, pour le côté social, pour le lien avec Zola, l'affaire Watrin m'a passionnée.
Et si Dessaint n'a pas écrit un polar, longtemps son genre de prédilection, il a encore écrit du noir.

#pascaldessaintpresident
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Le 26 janvier 1886, des ouvriers de la Compagnie des Houillères et Fonderies de l'Aveyron marchent sur Decazeville où ils retrouvent 200 mineurs. Ils veulent rencontrer Jules Watrin, sous directeur qui reste sourd à leurs revendications. le ton monte, Watrin est blessé puis défenestré.
Pascal Dessaint qui a vu l'image de cette défenestration dans un vieux numéro de l'Illustration fait le parallèle avec le mouvement social à Air France en 2015 . On se souvient bien des deux cadres s'enfuyant d'une réunion la chemise en lambeaux.
Ce roman noir est très original dans la forme. L'écriture est rapide et précise, les chapitres sont souvent très courts , parfois purement factuels ce qui donne une impression de légèreté contrastant avec le coté très sombre de cette affaire. J'ai été particulièrement séduite par l'alternance entre les éléments documentaires et la partie romancée. J'ai ainsi échappé à l'ennui d'un roman purement social.
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La victoire des Républicains aux élections de 1879 a fait naître l'espoir pour les ouvriers. le monde minier entre en lutte. Janvier 1886, les mineurs de Dacazeville sont en grève, les salaires ont été baissés. La colère est immense, aucun dialogue pour l'apaiser. Les mineurs marchent sur Decazeville, occupent les bureaux de la Compagnie des Houillères & Fonderies de l'Aveyron. le sous-directeur Jules Watrin est molesté puis frappé avant d'être défenestré. le 26 janvier 1886 Jules Watrin a été tué.

C'est le point de départ du récit de Pascal Dessaint. Il a exploité des documents d'époque, notamment L'Illustration dont est extrait l'image de la couverture de son roman. Il a accompli un travail d'historien. Jour après jour il détaille les conséquences de la violence qui a tué Watrin. A l'origine il y avait une grève, elle se termine dans la confusion. de vagues promesses sont faites, le gouvernement est décidé à faire pression sur la Compagnie mais tarde à agir. Jules Watrin a été tué, il y a des arrestations. Des troupes sont envoyées à Decazeville, l'armée veille au calme. le versement de la paie de février relance la lutte, le 25 février une nouvelle grève commence.

Pascal Dessaint ne laisse pas de place au doute, il est avec les mineurs. Mais il explique pourquoi. Il approfondit pour savoir comment on en est arrivé là. Il appuie son propos d'extraits de discours, il cite des courriers, des dépêches télégraphiques, des comptes-rendus. C'est cela raconter l'Histoire. A l'époque les grévistes ont le soutien de Louise Michel. Celui de Clémenceau et Jaurès est beaucoup plus nuancé. Dans ce débat, j'ai découvert le député Basly qui soutient les revendications des mineurs en insistant sur le mépris dont ils font l'objet de la part de la Compagnie qui se réfugie derrière la crise, l'absence de versements de dividendes mais « elle se serait ruinée pour le bien être des ouvriers » déclare Gustave Petitjean, administrateur délégué. La presse se fait l'écho des débats, l'auteur cite le Cri du peuple et la réponse du Gaulois. L'Aveyron républicain publie Germinal en feuilleton. La censure sévit, le gouvernement menace mais la Compagnie reste inflexible. A Decazeville, c'est la grève générale. Plus de charbon, les hauts-fourneaux sont à l'arrêt. Deux milles soldats font face à mille cinq cents grévistes.

Pour relancer son récit historique Pascal Dessaint pose des questions. L'intérêt du lecteur est sans cesse relancé. Les réponses fusent, toujours puisées dans l'actualité de l'époque et toujours référencées par des documents pour exposer des faits. C'est cela raconter l'Histoire. L'auteur a choisi un style journalistique. C'est efficace et instructif.

Ce roman noir et social a un épilogue, la reprise du travail le 14 juin après cent huit jours de grève. Les familles avaient faim. le lendemain s'ouvre le procès de ceux qui sont accusés d'avoir tué Watrin. Pascal Dessaint entame un nouveau récit, six jours d'audiences. C'est une partie du roman très vivante avec beaucoup de dialogues pour bien faire ressortir l'âpreté des débats. La retranscription de télégrammes annonce le verdict. C'est un récit historique et journalistique. J'ai trouvé qu'il manquait un peu d'émotion, peut-être un personnage fictif qui aurait aimé et détesté, qui se serait trompé, aurait douté avant de repartir de l'avant. Ceci étant j'ai aimé ce roman fait de révélations et qui retranscrit très bien le contexte social et politique de la fin du XIXème siècle et où l'auteur ne manque pas de trouver quelques similitudes avec le présent. Je ne résiste pas à l'envi de rappeler le portrait du député Basly, personnalité humaniste et visionnaire en ce qui concerne l'action syndicale.

Pascal DESSAINT1886 L'affaire Jules Watrin . Parution mai 2023, Éditions Payot & Rivages, collection Littérature Rivages . ISBN 978-2-7436-5911-0 .
Lien : http://mille-et-une-feuilles..
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