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Une biographie romancée de Niki de Saint Phalle. Je ne connaissais pas grand chose de la vie et de l'oeuvre de l' artiste. Je ne m'attendais pas du tout à une telle histoire. L'auteure s'est glissée dans la peau de son personnage et nous raconte sa vie, ses amours, ses failles, son art, sa maladie. Comme un trencadis, des éclats de vie selon Niki ou des témoins plus ou moins proches. On commence par ce que Niki révélera très tard dans sa vie, le viol commis par son père. Scène détaillée, état de sidération. Sa vie de femme adulte, mère sans mode d'emploi, artiste pour ne pas sombrer dans la folie pure, est un combat, une guerre. C'est lors d'un séjour à l'hôpital psychiatrique, quand la dysphorie prend le dessus, que Niki apprend à mettre ses sentiments sur des toiles. Les couleurs sont en réalité des tristesses noires, le désespoir passe inaperçu ainsi. Les hommes de sa vie, malgré leur amour, sont infidèles, les amis le sont-ils ? La vision d'une vie en morceaux de violence latente. le combat d'une femme pour survivre, d'une artiste militante.

On est sur le fil de l'équilibre, à tout moment on peut basculer de la normalité à la folie. Une construction littéraire étonnante pour une vie bouleversante.

Selon l'auteur, l'onomastique est un endroit où tout est permis le nom Phalle viendrait de Phallus, Niki, de niquer…ou de Niké, la déesse de la victoire et Saint Phalle, longue lignée de chevaliers.
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Ha que n'ai-je eu ce livre en main pour parcourir l'exposition Niki de Saint Phalle que j'ai eu la chance d'arpenter en 2014 au Grand Palais à Paris ! J'aurais encore plus aimé l'artiste car la comprenant mieux. J'aurais encore plus admiré ses couleurs et ses formes rondes pour se sauver du noir qui encombre sa mémoire. J'aurais embrassé ses Nanas pour lui prouver que la femme est reine. J'aurais couru dans son jardin des Tarots pour retrouver mon âme d'enfant. J'aurais... j'aurais... Mais j'ai la chance maintenant de posséder ce livre et celui de l'expo de 2014 : un accord parfait !

Voici un livre vivant, ludique, bourré d'anecdotes, de citations, de rencontres, de cris, de larmes, de souffrance mais aussi de créations, d'amour et surtout de liberté. Car c'est ça surtout et avant tout : un hymne à la liberté durement et chèrement acquise par Niki de Saint Phalle.

Caroline Deyns a parfaitement réussi à faire revivre son héroïne en donnant corps et âme à sa biographie. Corps, en entrecoupant son récit d'interviews de personnages ayant côtoyé l'artiste, ou de citations révélant une particularité de Niki. Âme, en soulevant les interrogations, les doutes que l'artiste ne manquait pas de se poser sur son parcours et ses choix de vie.
C'est extrêmement bien construit, original, en accord total avec les sentiments en montagnes russes de l'artiste. Une biographie qui ressemble à l'imaginaire même de Niki ! Une très belle réussite !

NB : trencadis, mosaïque d'éclats de céramique et de verre, comme celle que Niki de Saint Phalle a observée au parc Güell à Barcelone.
« Si je comprends bien, le Trencadis est un cheminement bref de la dislocation vers la reconstruction. »

Rentrée littéraire 2020.
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Ce que j'ai ressenti:
Ceci est un bonheur possible. Ce n'est pas du faux, du fake, du toc…C'est une grande artiste qui voit le monde en couleurs, qui se pare de ses plus belles émotions, qui défie la norme et les conventions. Alors bien sûr, il te vient des couleurs à toi aussi, des vagues et des ondulations, des arc-en-ciel au coeur, du Trencadis à l'âme. T'as envie de casser de la vaisselle et de t'essayer à la mosaïque, à un autre art de vie, à la créativité sans limite…Parce que Niki de Saint Phalle est une femme remarquable, rebelle, insoumise, avant-gardiste, marginale, féministe, et surtout admirable: tu te surprends à l'aimer, en dépit de tout. C'est à prendre ou à laisser. Comme le bonheur, un peu-Et j'en ai tout pris: le Vert-rouge-jaune-bleu-violet. Tout ce qui fait la vie, avec ce qu'il faut de Haine-amour-rire-peur-tendresse. J'ai délaissé un temps le noir et le blanc, parce que j'avais mal dedans ces deux couleurs autant qu'elle. Une femme aussi entière, aussi vraie, aussi forte, aussi passionnée dans ses contradictions et ses convictions, c'est tout de même une belle rencontre que je ne suis pas prête d'oublier!

J'y mets du coeur, et de l'ardeur.

Je ne lis que très peu de biographie, mais celle-ci avec cette construction originale et particulière, m'a vraiment captivée. J'ai aimé ce côté fou, déstructuré, émotionnel, fragmentaire. Je ne pensais pas autant m'investir dans l'univers artistique, la chair et le coeur de cette Nana extraordinaire. Caroline Deyns nous offre un portrait de femme passionnant et j'ai hâte maintenant d'aller voir de plus près les oeuvres de cette artiste à fleur de peau. J'aimerai me promener dans ce fameux Jardin des Tarots, histoire de voir de mes yeux, cette sensibilité propre à Niki de Saint Phalle. J'ai été conquise par cette façon d'aimer autant la vie et l'imperfection, les courbes et les couleurs, le rire et la liberté. Une femme inspirée et inspirante. L'Art la sauve des traumatismes et l'emmène vers des hauteurs épanouissantes. C'est un bonheur de lire ce Trencadis, d'aller se frotter à son imaginaire, de découvrir la sphère de son rêve. Je vous recommande cette lecture, de tout mon coeur.❤️

Que comprends-tu de moi mon amour?
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Acquisition septembre 2020- Lecture en plusieurs temps entre 2020 et 2021…

Un ouvrage déniché par hasard dans une nouvelle librairie que je découvrais par hasard

… Lecture aussi baroque et colorée que les oeuvres de Niki de Saint-Phalle, débutée aussitôt, et abandonnée aussi brusquement malencontreusement pour le trop de sollicitations de la rentrée littéraire ! Reprise cette lecture à plusieurs reprises, rien à voir avec la qualité de l'ouvrage, indéniable ; la romancière , Caroline Denys a un grand talent pour rendre très vivante la personnalité complexe et « torturée » de Niki de Saint-Phalle, ses excès, son « monstrueux » talent, venu des ténèbres, des traumatismes insupportables de l'enfance, un père séducteur, coureur de jupons, et pervers… les épisodes de dépression profonde, tentatives de suicide, et le dépassement de l'innommable vécu enfant par l'Art !

Niki est passionnée par Gaudi, le Facteur Cheval….Les artistes qui ont fait oeuvre à partir d'éclats, de brisures, de morceaux cassés, disparates…

« -Trencadis est le mot (catalan) qu'elle retient. Une mosaïque d'éclats de céramique et de verre, lui explique-t-on. de la vieille vaisselle cassée recyclée pour faire simple. Si je comprends bien, le Trencadis est un cheminement bref de la dislocation vers la reconstruction. Concasser l'unique pour épanouir le composite, broyer le figé pour enfanter le mouvement, briser le quotidien pour inventer le féérique, c'est cela ? Elle rit : ça devrait être presque un art de vie, non ? «

Je suis bien ennuyée par ce livre tout à fait étonnant et singulier, qui rend un hommage entier et lucide à cette artiste au cheminement torturé et habité jusqu'au bout par les « traumas « du passé…

Le style est étonnant, percutant, foisonnant… l'auteure fait parler elle-même Niki de Saint-Phalle, avec feu et conviction… et curieusement… l'impression des plus personnelles d'être « écrasée » par un « trop plein »…Un livre flamboyant, à lire à petites doses… car la narration est baroque, surabondante, colorée, déjantée, exponentielle, à l'image du personnage choisi !

Je reconnais simplement que je suis bien incapable de rendre un juste rendu de cette lecture, qui m'a pourtant captivée… Comme on dit très familièrement : « Trop c'est trop »… je ne sais pas par quoi commencer, et tout commentaire me paraît , par avance, totalement terne !!!

Par contre, j'ai souligné cette lecture de façon aussi « surabondante », ce détail, pour dire que cette lecture ne m'a pas laissée indifférente, bien au contraire, mais j'avoue être dans l'incapacité d'en rendre la juste qualité !
Voilà, mes « pauvres lecteurs » vous allez avoir droit à des extraits significatifs et révélateurs du style de l'auteure…

« -Si je devais la définir ? Eh bien je dirais en trois mots : drôle, compliquée, passionnée. Vive , tordue, déterminée. Avant Jean [Tinguely ], je l'ai aimée. Et avant lui, j'ai senti leur attirance inévitable même si, à première vue, on n'aurait pas misé deux sous sur la longévité du duo. Mais moi je les ai vus tels qu'ils étaient réellement, à la fois trop différents et trop semblables: deux morceaux d'assiette brisée qui n'attendaient que leur rencontre pour retrouver la forme originelle « (...) (p. 99)

« Je ne suis plus un être potentiellement dangereux, j'allume des arcs-en-ciel et le monde est ravi. mais le monde ne sait pas comment c'est long d'amadouer les monstres avec des pots de peinture, le temps que ça va me prendre pour les couvrir d'or et de verre... « Je montrerai tout. Mon coeur, mes émotions. Vert - rouge - jaune - bleu - violet. Haine - amour - rire - peur - tendresse. »
“Peut-être que les couleurs de Niki c'est du carnaval aussi ? Un costume qu'elle enfilerait, follement gai, terriblement menteur, pour prétendre qu'elle a envie de faire la fête, chanter et rigoler très fort, même si, en vrai et pareil que maman, elle préférait aller se fourrer au fond du lit en croquant des médicaments pour dormir aussi profond qu'une morte. Il secoue la tête. La maîtresse et les autres ne savent pas. Ne peuvent pas savoir. Que les couleurs sont en réalité des tristesses noires qui se griment en Arlequin pour s'assurer qu'on ne les reconnaisse pas : un désespoir qui voudrait passer incognito. »
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J'avoue je ne connaissais Niki de Saint Phalle que de nom et aussi l'image que j'avais de certaines de ses sculptures et en particulier celles représentant des femmes voluptueuses et colorées et curieusement avec souvent une tête très petite, disproportionnée mais je n'avais jamais cherché à en chercher l'origine. J'aimais la joie qui s'en dégageait, les couleurs qui éclataient mais je ne savais pas ce qu'elles cachaient finalement.

Quelle vie encore pour cette femme au physique fragile qui révéla sur le tard la blessure qu'elle portait en elle depuis l'enfance, qui pris des décisions en tant que mère que d'autres lui reprochèrent et qui vécut une histoire d'amour et de création avec son second mari, Jean Tinguely. Un destin fait de dépressions, d'internements parfois, de ruptures mais aussi une oeuvre foisonnante marquées par différentes étapes : Les Tirs (tirs à la carabine sur des poches de couleurs, la période blanche, les Nanas,  Golem (jeux toboggan) pour enfants et le Jardin des Tarots entre autres, dont on découvre toutes les significations intimes de son auteure.

Une vie faite d'ombres et des créations éclatantes, démesurées, colorées pour parler d'elle, de ses tourments mais aussi qui illustrent et s'expliquent après la lecture de cette biographie.

Caroline Dyns a choisi une construction toute particulière : en effet elle utilise différentes voix pour cerner la personnalité de cette  femme en se glissant à la fois dans son personnage mais surtout en imaginant les témoignages des personnes qui l'ont côtoyée : une boulangère de Soisy où elle habitait, la fille de sa femme de ménage, une oeuvre elle-même, une avorteuse, des visiteurs d'un musée, une journaliste etc..., reprenant la façon de s'exprimer de chacune, les plaçant dans le contexte, donnant un récit vivant et dynamique, sans temps mort mais peut-être un peu déroutant en début de lecture.

Ce roman biographique est également une évocation de ses choix de vie, en tant que femme, ses prises de position sur son rôle de mère, sur le féminisme et comme amoureuse, acceptant de son deuxième mari, Jean Tinguely, ses escapades et même une double vie, mais jamais soumise et formant avec lui un couple haut en couleurs et en voix.

Un parcours de vie étonnant pour une femme qui décida d'être celle qu'elle voulait être, sans tenir compte de ce que l'on attendait d'elle, qui assuma ses choix et décida d'exposer sa vie et ses visions dont tout le sens nous en est donné ici. Une vie de femme à la fois fragile, faite à la fois de silences mais aussi d'explosions et qui puisa sa force dans son travail de création qui lui permit d'exposer ses souffrances.

"(...) En réalité, si malgré cela, elle s'est sentie asphyxiée au point de le quitter pour ne pas en crever, ce n'est pas sa faute mais celle de sa mère, la faute de toutes les épouses dociles du monde, qui ont réussi à instiller dans son esprit cette croyance séculaire, millénaire, que les femmes ont le devoir d'exister petitement pour permettre à l'homme de pousser en hauteur (p156-157)"

Certes la construction du récit peut dérouter certain(e)s mais pour ma part je l'ai trouvée finalement astucieuse car elle permet d'imaginer la relation que chacun pouvait avoir avec elle, d'autres visions ou interprétations des événements, des époques et des ressentis de l'artiste, de son quotidien ou de ses prises de position.

J'aime particulièrement découvrir à travers un roman à la fois la biographie d'artistes mais aussi mieux comprendre leurs oeuvres car elles sont, souvent, le reflet de leurs existences mais encore faut-il en reconnaître les indices, les clés, d'en saisir certaines subtilités. Lire, découvrir et voyager c'est ce que je demande à mes lectures et celle-ci m'a fait découvrir une artiste mais aussi une femme étonnante.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Bon, on ne va pas se mentir, Niki de Saint Phalle, ça n'a jamais été ma tasse de thé. Disons plutôt que je ne savais rien d'elle à part ces statues monumentales et colorées qui me faisaient rire lorsque j'étais gamine. Alors autant dire que ce roman, ou biographie romancée, je l'ai ouvert avec curiosité mais aussi une certaine appréhension. Et en le refermant, je regrette de ne jamais avoir pris le temps de m'intéresser à cette artiste ni, surtout, à cette femme. Parce que ce que nous fait vivre Caroline Deyns va au-delà du récit, c'est une immersion, une véritable expérience qui utilise la forme pour servir son propos. Ce pourrait être gadget, cela se révèle tout simplement génial.

Donc, j'ai tout découvert de Niki de Saint Phalle et je ne regarderai plus jamais ses oeuvres de la même manière. J'aurais pu avoir ces infos sur Wikipedia ou autres... certes. Mais les faits sont des faits, bruts, alors que ce que nous offre l'auteure ce sont des sensations, une sorte de "vis ma vie", le chaos qui préside à la création, la colère, la folie, la passion, la souffrance. Et, au-dessus de tout : la liberté. Rarement un texte m'aura autant surprise, emportée, fait passer d'un sentiment à l'autre et donné envie de tourner les pages, curieuse de ce que j'allais trouver ensuite. Car c'est une sorte de mosaïque que nous avons entre les mains, où alternent les pages de récit, des témoignages, des citations, des déclarations de l'artiste, sous des formes toujours inattendues. le texte est fort, saisissant, à la fois direct et imagé. Plastique. Habité. Au fil des pages l'artiste et la femme ne font qu'une, c'est la faiblesse et aussi la force de Niki de Saint Phalle : franco-américaine, mariée (à Harry Mathews) et mère de famille, internée, fugueuse, artiste, amoureuse, créatrice, chalumeau à la main dans la journée et stilettos le soir, passionnée, souffrant le martyr dans son corps, cassant sans cesse son image, célébrée et moquée... Et libre. Ce que porte ce texte, ce sont tous ces fragments de Niki et cette urgence vitale à créer pour ne pas mourir.

"Toute oeuvre blessée déclenche par ricochet un blasphème, un rire provocateur et défiant. Où l'émotion reste première. Une gesticulation effrénée, spontanée, pour se débarrasser de l'emprise de son monde intérieur comme du monde dans lequel il lui est donné de vivre avec ses guerres à n'en plus finir, froide, nucléaire, du Vietnam ou d'Algérie : Niki reste une instinctive turbinant à l'émoi. Ce n'est qu'une fois l'oeuvre terminée que vient la théorisation, l'intellectualisation du geste".

Il y a bien sûr la blessure initiale, l'enfance volée, l'horreur qu'elle n'aura révélée que tardivement et qui sous-tend son élan créatif. C'est aussi la réussite de ce livre que d'en faire un manifeste féministe autant qu'artistique et de parvenir à faire percevoir à quel point les deux sont inextricables pour approcher le travail de Niki. Que dis-je percevoir ? C'est vivre dont il s'agit. Oui, cette lecture est une expérience inédite et j'espère un jour avoir l'occasion d'écouter Caroline Deyns parler de son travail, de la façon dont elle a conçu ce texte et est parvenue à éviter tous les écueils.

Bien plus qu'une biographie, romancée ou pas, Caroline Deyns a conçu une oeuvre d'art qui s'efface derrière son modèle pour mieux le sublimer ; et jamais elle n'en oublie d'être écrivain. Chapeau l'artiste !
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Après cette lecture, je ne regarderai plus jamais les nanas de Niki de Saint Phalle avec le même regard.
Trencadis n'est pas à proprement parler une biographie ; ce sont des tranches de vie de l'artiste vues par des témoignages, des citations, des pensées, des extraits d'articles…
Que cette vie fut douloureuse, traumatisante, semée de tentatives de suicides, de dépressions, d'abandons.
La construction de ce roman est diablement originale.
Les souffrances, les blessures sont ainsi évoquées bien mieux que par l'exposition des faits bruts ou la description des évènements.
Malgré tout Niki de Saint Phalle s'est battue, est restée une femme libre et Caroline Deyns dans ce roman cru mais tout en pudeur lui rend un formidable hommage.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de Elle
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Ce roman est un enchantement, un bijou, mais tranchant. Parce que la beauté et les effusions de couleurs que répand Nikki de Saint Phalle proviennent de ses blessures.
À travers ce roman, j'ai tout découvert d'elle. Je ne savais rien. Ce récit est une aubaine car il permet de ne pas rester "en surface" d'une artiste si complexe et construite autant sur l'obscurité que sur des rai de lumière. Il ne faut pas résumer Nikki de Saint Phalle à de sympathiques bonne femmes colorées.

Nikki de Saint Phalle est un ressort qui a plié sous le poids de l'infamie mais s'est lentement dépliée dans une résilience salvatrice et créatrice.
Elle porte une douleur qui manque de l'achever, qui la soustrait à sa vie de famille et de mère. Une mère, elle sera trop absente pour en être vraiment une. Elle ne parviendra pas à rester engoncée dans le vêtement étriqué qu'en tant que femme, d'autant plus de la bonne société, on lui réservait.
Mais c'est avant tout la douleur imposée par des parents hautement toxiques qui poussera Nikki à chercher la lumière , pas celle qu'elle pourrait voir porter sur elle, pas celle du succès, non, la lumière qu'elle-même répand et qui en même temps la guide. Cette lumière qui scintille, même faiblement, pour ceux qu'on a piétinés.

Je pourrais bien écrire des pages que je ne pourrai pas traduire avec autant de finesse ce moment de grâce où Nikki, dans un tel état qu'elle dut être hospitalisée en psychiatrie, renaît à elle-même en se raccrochant à la vie par des éléments si infimes, que je reste bouleversée par ce passage :

"Parce que le monde a recommencé à exister petitement. Ce qu'elle peut voir de la lucarne de sa chambre d'hôpital, ce qu'elle rencontre dans le parc attenant. Feuilles, cailloux, brindilles, de minuscules évidences friables sous les doigts, roulant sous la plante des pieds, invisibles à la plupart, miracle pour elle qui revit enfin. le soleil sur sa peau ressemble au bonheur, le banc où elle s'assied à l'endroit auquel elle doit appartenir. Chaque promenade lui amène la certitude d'être de nouveau reliée, réajustée au monde: le grand oeuvre des petites choses. Sa reconnaissance est telle que cela vire à l'obsession : celle de prélever au sol les preuves (?), ingrédients (?), auxiliaires (?) de sa rejointure, puis les rassembler dans un carré de plâtre une fois rentré à l'asile. Herbe, écorce, gravier, ce petit peu qui réussit à ramener l'ici au maintenant et aux vivants."

Le titre "Trencadis" ne pouvait être mieux choisi, il épouse parfaitement la vie de Nikki de Saint Phalle. Là encore, personne mieux que l'auteur ne saurait l'exprimer :

"Trencadis est le mot (catalan) qu'elle retient. Une mosaïque d'éclats de céramique et de verre, lui explique-t-on. de la vieille vaisselle cassée recyclée pour faire simple. Si je comprends bien, le Trencadis est un cheminement bref de la dislocation vers la reconstruction. Concasser l'unique pour épanouir le composite, broyer le figé pour enfanter le mouvement, briser le quotidien pour inventer le féerique, c'est cela ? Elle rit : ça devrait être un art de vie, non?"

J'ai été si touchée par l'écriture de Caroline Deyns, traduisant cette capacité à transformer le vil en beau, que la dernière période du roman m'a paru plus sereine, mais en pente déclinante, un peu essoufflée. Et l'on m'a fait remarquer que, Nikki souffrant de problèmes pulmonaires, cet effet était peut-être recherché par l'auteur.

Ce superbe roman a fait de la créativité son thème central et sert ce sujet par sa structure même, les chapitres étant introduits de façon très originale.
Une magnifique lecture.
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Un Trencadis est le nom catalan de cette technique de mosaïques de céramique ou de verre, utilisée par Gaudi et Niki de Saint Phalle.
J'ai adoré dévorer ce roman biographique sur cette artiste que je ne connaissais pas bien (en dehors de ses célèbres Nanas monumentales et de la Fontaine Stravinsky à Paris).
Ce livre est une véritable mosaïque, rendant hommage à une femme incroyable , aux multiples facettes, féministe avant l'heure, audacieuse, une créatrice iconoclaste.
La construction du livre est singulière, Caroline DEYNS utilise des citations, superposé des points de vue divers, des entretiens fictifs, des extraits d'archives, et l'agrémente d'une typographie étonnante, le tout dans une écriture nerveuse et entraînante.
Original et brillant!
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Dans cette biographie romancée et artistique, Caroline Deyns nous laisse entrer dans l'univers atypique, farfelu et chaotique de Niki de Saint Phalle. de son enfance noire et dorée des années 1930 à son décès en 2002 en passant par ses deux mariages, ses deux enfants abandonnés et ses multiples phases artistiques qui ont fait sa notoriété. Caroline Deyns réussit à mettre en perspective la vie d'une artiste et d'une femme intrigante, en mélangeant les époques, les genres, les styles...

Il s'agit bien d'un livre artistique, même si seuls les mots et les lettres sont utilisées pour exprimer l'art de vie et l'art pictural de Niki de Saint Phalle. C'est une lecture exigeante, qui mêle plusieurs époques et genres (prose et poésie, biographie, faux entretiens, citations, scènes cinématographiques ou théâtrales, échanges épistolaires...) avec une rare aisance ! Différents styles sont adoptés pour s'adapter aux interlocuteurs et interlocutrices, comme aux modes des époques traversées. Tantôt à la troisième personne, tantôt à la première, sans vraiment de transition, avec une maîtrise déroutante !

L'autrice décrit, explicite, décortique la vie de l'artiste, ses processus de création, parallèlement à sa vie de femme et ses défauts d'abandons. Les thèmes abordés sont très variés, éparses sans être brouillons : création, parentalité, féminité et féminisme, explorations des possibilités ouvertes au XXe siècle... Malgré le caractère "romancé" de l'ouvrage, Caroline Deyns ajoute aux analyses artistiques une part de psychologie et de psychanalyse qui m'a aussi beaucoup plu !
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