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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
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Une famille pauvre et nombreuse de la campagne italienne va "donner" un bébé à une cousine qui n'a pas d'enfant .
Les parents adoptifs offrent à la petite fille une vie aisée, plaisante et elle se sent aimée jusqu'au jour où, à 13 ans , son père la ramène dans sa famille biologique .
Le choc est immense . D'abord , la différence de milieu est extrême . Etrangère dans cette famille , elle se raccroche comme elle peut à cette nouvelle vie , à cette fratrie .
L'ambiguïté des sentiments la bouleverse . Mais surtout , on la laisse dans l'ignorance absolue : elle croit sa mère adoptive , sa maman , très malade et cherche à la revoir .

Le roman est écrit à la première personne . Il offre une analyse fine et fouillée des divers sentiments qui assaillent la jeune fille . Elle n'a pas de prénom ; on l'appelle " La revenue " .
Ecartelée , souvent très éprouvée par les abandons successifs , son instinct de survie nourri par son intelligence va développer des mécanismes de défenses salutaires au prix d'un combat quotidien .
Une héroïne touchante , émouvante et charismatique .

Le récit est jalonné de flashforwards , des sauts en avant qui donnent la parole à la narratrice adulte .
C'est un roman qui interroge sur la nature et la force des liens du sang et des liens du coeur .
Il évoque aussi les droits de l'enfant bafoués et l'absence totale de considération .
Sans jugement aucun , on comprend par ce récit le poids des traditions :
ce procédé a toujours cours ici et là dans le monde mais dans le roman , c'est surtout la brutalité , la veulerie ou l'ignorance qui rendent cet acte si abject et l'absence totale de psychologie élémentaire laisse pantois .

La narration est belle , claire et juste , tout empreinte de délicatesse .
Voilà une auteure que je découvre par son premier roman et que je suivrai . Je remercie chaleureusement notre amie lectrice Bookycooky pour ce bon conseil de lecture .

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A treize ans, la narratrice doit démarrer une nouvelle vie et tout oublier de son passé. Ceux qu'elle prenait pour ses parents ne le sont pas, et elle doit retourner vivre dans sa vraie famille qu'elle ne connaît pas.
Enfant unique jusque-là, adorée par "ses parents adoptifs", elle a été élevée dans un station balnéaire à une cinquantaine de kilomètres de là. Elle qui fréquentait un cours de danse, le club de natation de la ville et la plage, doit se rendre à l'évidence. Sa véritable famille est pauvre. le père n'a pas de travail. Personne n'attendait son retour. Elle est une étrangère dans sa propre famille.
Tous les habitants au village la surnomment, "La Revenue".
Naïve, ne sachant rien de la vie parce qu'elle a été super protégée, ne connaissant pas non plus le système D, elle va devoir tout accepter : le partage du lit avec sa jeune soeur Adriana, les repas sans rien à manger, la mère mutique et la vie avec trois frères dont un bébé attardé et un autre, Sergio, empli de rancoeur et de jalousie.
Il va lui falloir survivre au cruel manque d'amour et à l'éloignement de Patrizia, sa meilleure amie de toujours...
Ne sachant plus qui elle est, la narratrice est envahie par l'angoisse, croyant que sa mère adoptive est gravement malade et va mourir.
Seul l'amour d'Adriana, sa soeur cadette et de Vincenzo son frère aîné, mettra un peu de baume dans son coeur d'adolescente meurtrie. Sa réussite scolaire et le soutien de son institutrice seront aussi d'un grand secours...
Elle va chercher à trouver sa place avec beaucoup de courage et de détermination, et tentera en parallèle d'en savoir plus sur les raisons de son éloignement, espérant toujours que ceux avec qui elle a vécu tant d'années de bonheur, vont venir la récupérer. Mais elle cherchera aussi à comprendre pourquoi ses propres parents l'ont abandonné à la naissance.
Elle se reconstruira peu à peu en tentant de juxtaposer ces (ses) deux vies, ces (ses) deux familles, ces deux modèles...
Car finalement à qui appartient-elle ?
Comment se fait-il que tout le monde semble au courant de ce qu'elle ignore ?
Arrivera-t-elle à savoir pourquoi ses parents adoptifs l'ont abandonnée ?
Le mystère est d'autant plus insoutenable qu'Adalgisa, sa mère adoptive veille de loin et aide discrètement la famille financièrement tout en restant parfaitement invisible et silencieuse...

J'ai découvert avec ce roman une écriture d'une grande finesse et une fresque sociale poignante qui nous permet de pénétrer dans l'histoire des années 70, en Italie.
L'auteur que je ne connaissais pas, dépeint avec beaucoup de réalisme mais beaucoup de délicatesse, le fossé creusé entre les classes sociales, tant au point de vue de la vie quotidienne que de la vie culturelle, des croyances ou des usages, de l'emploi ou pas du dialecte local ou de l'italien. Les différences entre la vie à la ville et à la campagne apparaissent encore plus clivantes.
En dressant ce portrait d'une jeune fille totalement déracinée, hypersensible et intelligente qui va découvrir grâce à sa jeune soeur un autre monde, fait de bruit, de faim, de manque d'hygiène et de violence, c'est la pauvreté qu'elle nous dépeint et les injustices qui s'y rattachent...
Ce roman est largement autobiographique car, au coeur de l'histoire, des années après, la narratrice nous raconte comment elle a survécu à cette année-là qu'elle considère comme la plus longue de sa vie.
Les chapitres sont courts et faciles à lire. L'écriture fluide et le ton très réaliste. Les mots sont précis et les silences en disent long...c'est ce qui rend ce roman si touchant et si authentique, car l'auteur ne tombe jamais dans la caricature et ne cherche pas à attirer la pitié du lecteur.
La pauvreté y reste digne et modeste. Et l'indifférence aux maux des enfants est la seule façon pour les parents d'avancer dans leur vie misérable.
L'auteur dit elle-même avoir été inspirée par des souvenirs de son enfance. Elle entendait dire que certains parents qui ne pouvaient pas avoir d'enfants, allaient en adopter dans des familles pauvres, ayant du mal à nourrir les leurs.
J'ai lu ce roman avec un grand intérêt et je dois dire qu'il a su me toucher...
Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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Voilà un magnifique roman italien qui me poursuit depuis que je l'ai lu.
Le livre commence ainsi « A treize ans, je ne connaissais plus mon autre mère ».

Née dans le sud de l'Italie au sein d'une famille nombreuse pauvre, la narratrice est arrachée à celle-ci en très bas âge pour vivre chez des cousins aisés sans enfant qui l'élèvent comme leur propre fille. Mais un jour, la mère adoptive tombe malade et, sans réelle explication, la jeune héroïne de treize ans change brutalement de cadre de vie et retrouve sa famille d'origine avec laquelle elle avait perdu tout lien.

« La revenue », comme l'appellent les villageois, est accueillie sans chaleur par ses parents, elle semble juste une bouche de plus à nourrir. La mère est sèche, frustre, laborieuse, le père taiseux, souvent absent. Les deux frères ainés sont différents : Sergio, mauvais garçon, se montre hostile mais l'autre frère Vincenzo, beau et bon garçon qui rêve de partir avec ses amis gitans, ne reste pas longtemps indifférent à cette nouvelle soeur. le plus jeune frère n'est encore qu'un bébé attendrissant mais attardé.

Mais surtout, et heureusement , il y a la petite Adriana, qui engage dès le premier instant de leur rencontre une relation intense avec cette soeur tombée du ciel, si différente et si proche à la fois.

Le livre montre bien toute la tristesse de l'héroïne coupé brutalement de son ancien cadre de vie, sans explication plausible. Elle se plie à sa nouvelle vie rude et campagnarde mais repense sans cesse à sa vie d'avant, en ville, beaucoup plus douce, à sa meilleure amie perdue, à son lycée où elle était fort bonne élève. Elle ne cesse d'être assaillie par des bribes de souvenirs très imagés et colorés.

A juste titre, elle ne comprend pas pourquoi ses parents adoptifs ne lui donnent aucune nouvelle tout en continuant de subvenir à ses besoins et lui payer ses études. Retournée en ville pour une journée, elle découvre que son ancienne maison semble abandonnée, sa mère est-elle morte, emportée par sa maladie ?

Les questions sans réponses taraudent la jeune héroïne qui finit tout de même par prendre sa place au sein de sa nouvelle famille qui vit dans une misère et une promiscuité auxquelles elle n'est pas accoutumée. Des relations se nouent peu à peu avec la mère, les frères et surtout Adrianna. Les sentiments entre l'héroïne et son frère Vincenzo deviennent de plus en plus ambigües. Puis un drame terrible survient qui change tout dans cette famille déjà à la peine.

Parallèlement, la vérité sur le père et la mère adoptifs finit par se faire jour. Cette vérité que nul n'ignorait sauf la principale intéressée.

J'ai adoré ce livre qui raconte dans un style littéraire et poétique une belle histoire et dresse de très beaux portraits de femmes.

D'abord, il y l'héroïne, jeune fille intelligente et sensible, déchirée entre ses deux mères, se sentant longtemps comme un paquet que l'on ballotte de l'une à l'autre, victime d'un double abandon.
Quant aux deux mères, elles sont à l'exact opposé, l'une riche, coquette et instruite tandis que l'autre est pauvre et inculte. Mais le portrait de ces deux femmes n'est ni manichéen ni caricatural ; au contraire, ces deux figures maternelles sont décrites tout en nuances. Toutes deux imparfaites, elles ont leurs failles et leurs blessures. Leur attachement à cette fille qu'elles se partagent est réel bien qu'empêché par le destin. Cet attachement contrarié donne lieu à des scènes très émouvantes.
Et puis surtout il y a Adriana, belle petite personne pleine d'amour, lucide, audacieuse et si dégourdie. Ce personnage est si beau, si vrai et intense que l'on du mal à l'oublier. Pour moi, c'est d'ailleurs un des plus beaux personnages de roman que j'ai eu à découvrir depuis très longtemps.

Le lien extraordinaire qui lie les deux soeurs est au coeur de ce roman qui évoque aussi la maternité, le lien mère-fille. Ce livre décrit aussi le contraste entre l'Italie rurale et urbaine dans les années 70, les conditions de vie misérables d'une partie de la population dont les enfants sont les premières victimes.

En conclusion, « la revenue » est un magnifique roman, sensible et intelligent, d'une beauté sobre, très émouvant et prenant. J'ai appris qu'il avait une suite, j'ai hâte de la lire dès qu'elle sera traduite.
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L'Arminuta, « celle qui est revenue » en dialecte des Abruzzes, raconte son déracinement et le choc de sa transplantation à treize ans dans une famille pauvre qu'elle ne connaît pas et qui est pourtant...la sienne. Celui qu'elle a cru son père la conduit dans un village de montagne et la dépose au sein d'un foyer inconnu où elle est accueillie par une fillette mal peignée, sa soeur Adriana, jusqu'ici ignorée.
C'est le drame d'une adolescente élevée dans le confort et l'aisance, choyée par un couple aimant, qui brutalement doit renoncer à son milieu, à ses amies, à ses loisirs, et découvrir la pauvreté de sa vraie famille, qui l'avait confiée, encore nourrisson, à des cousins éloignés en mal d'enfant.
Plus que l'apprentissage de la vie matériellement difficile d'une famille nombreuse ouvrière, c'est l'abandon de celle qu'elle a toujours appelée « maman » qui la torture. du jour au lendemain, plus aucun signe de vie, si ce n'est quelques cadeaux postaux pour améliorer le confort matériel. Elle imagine le pire, s'angoisse pour cette femme apparemment malade et jusqu'ici si proche.
Mais elle découvre l'affection exclusive d'Adriana, sa soeur cadette, l'amour pour le dernier-né de la tribu, le petit Giuseppe, et aussi les sentiments troubles et mêlés pour l'aîné des garçons, le voyou Vincenzo. Hors de ce cercle, elle est en butte à la dureté des parents, aux sarcasmes et railleries des autres élèves et s'adapte tant bien que mal à cette vie si différente, trouvant son salut dans l'école.
Elle comprendra plus tard la raison de cet abandon brutal et sans explication ni transition, partagée pour toujours entre ses deux mères, entre des hauts et des bas affectifs, que compensera seulement la fidélité fraternelle d'Adriana, unique point fixe auquel se raccrocher dans ce chaos existentiel.
Douloureuse interrogation sur le rapport à la mère – mais laquelle ? - choc, incompréhension, incertitude sur son identité familiale et sociale, ces doutes seront inscrits à vie dans la psyché de la narratrice, qui passant avec aisance du dialecte à l'italien policé, excelle à évoquer le contraste entre milieux sociaux et ses réactions de révolte et de souffrance devant l'injustice subie.

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La narratrice dont on ne connait pas le prénom revient dans sa famille d'origine à l'âge de 13 ans. Jusque là, elle vivait au bord de mer dans une famille aisée où elle était choyée, éduquée à l'instar d'autres enfants de cette classe sociale où l'on parle l'Italien. du jour au lendemain, elle se retrouve sans explication dans sa famille d'origine à la campagne. Jusque là elle ignorait l'existence de cette famille biologique. C'est une famille nombreuse, pauvre où l'on utilise que le dialecte. Elle doit désormais vivre dans une situation beaucoup plus précaire : manque d'hygiène, promiscuité, nourriture de piètre qualité, indifférence voire violence, rivalité entre frères et soeurs. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive. Pourquoi ses parents qui l'ont élevée jusque là, l'ont-ils ainsi abandonnée ? Quelle faute a-t-elle commise ? On suit cette jeune fille durant une année dans sa quête de savoir. Elle va s'adapter petit à petit à ces gens et va s'attacher à Vincenzo, son frère aîné qui la protège des autres ; à Adriana, la soeur avec qui elle partage sa couche et dont elle devient la complice et à Giuseppe, le dernier né, anormal auquel elle va vouer un attachement quasi maternel.
L'écriture est simple, sans fioriture, incisive, poignante. Les chapitres sont courts et on entre directement dans la vie de l'héroïne. On ressent sa détresse, sa colère mais aussi sa furieuse envie de comprendre les raisons de ce grand bouleversement. Beaucoup d'émotions !
J'avoue que ce livre m'a prise "aux tripes" et je l'ai lu en 2 soirées. Il fait partie de ces livres que l'on termine avec regrets tant il nous interpelle. J'aimerais qu'il y ait une suite : savoir ce qu'est devenue cette jeune fille une fois adulte. Mais , d'un autre côté, on peut imaginer, grâce à quelques insinuations dans le texte que tout s'est bien terminé pour elle.
Merci Babelio, merci les Editions du Seuil pour cette belle découverte.
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L'Arminuta
Traduction : Nathalie Bauer

ISBN : 9782021380026

Nous remercions les Editions du Seuil qui, par l'intermédiaire de l'une des Opérations "Masse Critique" organisées par le site Babelio, nous a expédié un exemplaire de cet ouvrage à titre gracieux.


En ces temps frappés de folie - folie dont l'Italie fut et reste l'une des premières victimes actuelles, le résultat des dernières élections dans ce pays vient encore de le prouver avec éclat à ceux qui refusaient de le reconnaître - "La Revenue" fera peut-être réfléchir les personnes qui considèrent l'enfant comme un jouet sans âme qu'on peut échanger, manipuler physiquement comme émotionnellement, transbahuter d'un monde à un autre, tout cela, bien sûr, en lui mentant à longueur de journées, de minutes, de secondes et en ayant, malgré tout, la certitude d'être un bon, voire un excellent parent. Et peut-être renonceront-elles à tendre l'oreille aux sirènes de la GPA et autres trucs-en-A du même sinistre acabit, qu'une mondialisation intégralement économique, qui ne repose sur aucune base sociale et ne profite qu'à un petit cercle bien délimité leur garantit comme prêts à leur offrir des enfants sur mesure - au QI de génie, cela va de soi.

Je vous rassure : "La Revenue" ne parle ni de mondialisation, ni d'enfants "commandés", voire "programmés" avec tel ou tel gène. Mais, irrésistiblement, le drame qu'y dépeint l'auteur ne peut manquer de faire songer le lecteur à cette actualité aussi tapageuse que marquée par la tentative d'incarnation du Big Brother d'Orwell à laquelle nous assistons. En même temps, je signale tout de suite qu'il est très difficile d'évoquer ce roman, qui émeut par son authenticité, sans révéler quelques morceaux de son intrigue. Nous essaierons cependant d'en dévoiler le minimum.

Tout tourne autour d'une fillette, la narratrice qui, à l'âge de treize ans, se voit réexpédiée par ceux que, jusque là et depuis le berceau - ce n'est pas une image - elle a tenus pour ses parents biologiques, chez sa "vraie" mère, Adalgisa, une paysanne de l'intérieur du pays, laquelle vit depuis toujours dans une très modeste (et très miteuse) maison, auprès d'un mari maçon (le père de la narratrice) et entourée d'un nombre impressionnant de rejetons dont l'aîné, le beau et charmeur Vincenzo, bien qu'indéniablement courageux, lui cause bien des soucis.

C'est pourtant avec cet aîné âgé de dix-huit ans et avec Adriana, sa soeur un peu plus jeune, malicieuse et pleine de bon sens, que la "Revenue" noue ses seuls liens fraternels. Encore cette relation se révèle-t-elle assez ambiguë avec Vincenzo, et aurait-elle presque certainement tourné à l'inceste s'il n'était mort en pleine jeunesse, dans un stupide accident de moto. Signalons aussi qu'elle finit par se lier avec le dernier membre de cette famille attachée à la misère comme les tiques le sont au chien, le petit Giuseppe, qu'elle aperçoit pour la première fois bébé entre les bras d'Adalgisa et que, bien plus tard, car la pauvreté et une nourriture carencée, sans compter les grossesses trop rapprochées de la mère, auront fait de lui un enfant, puis un adulte "différent", elle aidera à trouver sa place dans la société, même s'il ne s'agit que d'un centre spécialisé mais de très bonne réputation.

Avec une délicatesse incroyable et une netteté sans défaut, qui mieux est sans aucun apitoiement empestant le pathos, Donatella di Pietrantonio nous brosse un double portrait : celui de l'Italie urbaine, relativement aisée, à laquelle appartient d'abord sa jeune narratrice, à qui ceux dont elle n'a aucune raison de douter qu'ils sont bel et bien ses parents paient les meilleures écoles, les meilleurs cours de natation, de piano et, de façon générale, sans en faire une enfant gâtée, tout ce qu'elle désire dans la limite du raisonnable ; et, à l'opposé de ce monde insouciant (quoique les années de Plomb soient clairement mentionnées par l'écrivain pour faciliter l'identification du lecteur et souligner l'effarante différence qui existe encore à cette époque entre la ville et la campagne italiennes), la maison poussiéreuse, arthrosée, dont les planchers craquent à chaque pas et où les enfants, garçons et filles, dorment tous dans la même chambre, qui s'élève dans les boues de l'Italie rurale, plus souvent sous une pluie maussade que sous l'éclat d'un soleil caressant les moissons.

De même, la narratrice, si jeune qu'elle soit et à un âge où, justement, l'on recherche son identité véritable, se sent comme dédoublée. Est-elle réellement la fille d'Adalgisa, cette femme sèche et épuisée, qui n'a jamais pour elle que des paroles banales et même dures, mais qui sombrera dans la dépression à la mort de Vincenzo ? Et celle qui l'a élevée jusque là, si loin désormais, en ville, n'est-elle que sa tante, laquelle a proposé à une soeur accablée par les soucis matériels de nourrir pour elle la nouvelle petite bouche qui était née treize ans auparavant, à la condition cependant qu'Adalgisa acceptât qu'elle se fît passer pour la véritable mère de l'enfant ?

Et pourquoi cette séparation si soudaine, quasiment du jour au lendemain ? Sa mère "adoptive" semblait malade, c'est vrai, la dernière fois qu'elle a pu la voir. Est-elle morte ? Sinon, pourquoi l'a-t-elle abandonnée, comme cela, sans aucune explication, sans aucun regard en arrière - avec cette lâcheté terrible dont les adultes peuvent faire preuve envers les enfants et les animaux ?

Pourquoi, surtout, ne jamais lui avoir parlé de ses origines véritables, ne pas l'avoir habituée à cette idée qu'elle n'était pas sa vraie mère ? Pourquoi avoir délégué "le sale boulot" à cette Adalgisa qu'elle voulait soi-disant soulager ?

Peu à peu, la Revenue s'adapte. Mais elle va sur ses quatorze ans et comprend déjà que cette enfance faussée qu'elle a vécue, même si elle y a connu le luxe, ne fut pas SA véritable enfance. C'est maintenant, dans cette campagne indifférente dont elle est issue, qu'elle recueille les miettes de ce qui aurait dû être, des miettes souvent aigres et rassises, et quelquefois, grâce à Vincenzo et Adriana, et même, en deux occasions, à Adalgisa, savoureuses et presque moëlleuses parce qu'elles ont le goût de la Vérité et d'une étrange tendresse.

On lui a volé son enfance, on lui a volé certaines forces pour lui en conférer d'autres, c'est certain. Mais le pire, comme elle l'apprend à la fin du roman, c'est que ce n'était pas par amour pour elle, considérée, du début jusqu'à la fin, comme une espèce de talisman nécessaire, une sorte de prière silencieuse adressée à quelque saint mystérieux pour obtenir ce que l'on désirait tant - un peu comme si sa "mère" de la ville avait passé un marché avec Dieu ("J'élèverai et aimerai cette enfant comme ma fille si seulement Vous ...") ou, plus vraisemblable avec le Diable car, nul ne l'ignore, on ne passe jamais de marché avec Dieu.

La consolation du lecteur est de constater que la narratrice, enfant particulièrement douée sur le plan intellectuel, s'est brillamment sortie de ce bourbier imposé par le Destin. Mais l'amertume de cette enfance gâchée et plus encore l'horreur de voir, si délicatement, si simplement, si naturellement décrite, la tendance de certaines personnes à ne considérer les enfants qu'ils font ou qu'on met à leur disposition, que comme des objets sans âme ni sentiments, demeurent et vous donnent la nausée.

L'héroïne de cette histoire mélancolique portait en elle suffisamment de force et d'intelligence pour se recréer par le biais de l'écriture. Sinon, sans doute eût-elle basculé. Peut-être dans la simple marginalité, peut-être dans bien pire ... Et c'est à ce moment précis qu'on se dit que, finalement, Vincenzo a eu bien de la chance de mourir dans la gloire de sa jeunesse et de son indépendance toute neuve.

"La Revenue" : un roman à lire. Donatella di Pietrantonio : un nom à retenir. ;o)
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Histoire dune gamine qui se retrouve dans un milieu complètement différent de celui où elle a été élevée, passant d'une famille bourgeoise à une famille très pauvre sans aucune explication. Elle découvre ses vraies origines et doit s'y adapter contrainte et forcée.
Quel beau livre. C'est bouleversant, plein d'émotions, et l'histoire très touchante. L'intrigue est bien menée et la narration parfaite. Lu avec beaucoup de plaisir et malheureusement fini trop vite.
J'ai été touché par ce livre, ma meilleure lecture ces derniers mois.
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Avant toute chose, La revenue est un roman émouvant, tout en finesse, une histoire qui fait froid dans le dos et qui donne à réfléchir - pas étonnant que ce roman ait été récompensé par un prix.
La revenue est le surnom donné à la narratrice, jeune adolescente de treize ans, lorsque sa tante Adalgisa et son oncle la ramènent dans sa famille biologique. Tout oppose les deux foyers : la jeune fille, qui a vécu dans une famille où elle ne manquait de rien et était au centre de l'attention des adultes, se retrouve dans une famille pauvre, où ses frères et soeurs ont vite fait de recevoir des claques, et où chacun doit aider les parents : les grands frères se débrouillent tant bien que mal pour rapporter de la nourriture et leur jeune soeur Adriana s'occupe aussi bien des tâches ménagères que du petit frère attardé, Giuseppe. Inutile de dire qu'il n'y a aucun confort dans la maison et qu'on est loin des conversations dont la jeune fille avait l'habitude avec ses parents adoptifs. Elle peine à comprendre le dialecte de ce petit village, ne comprend pas pourquoi ceux qu'elle a toujours considéré comme ses parents l'ont ramenée dans cette famille qu'elle ne connaît pas. Peu à peu, elle s'attachera à Adriana et au bébé. Ce qui la sauve, c'est d'être une élève extrêmement douée, et d'obtenir le soutien de son enseignante qui veille à ce qu'elle poursuive ses études. Ne plus voir ceux qu'elle a toujours considéré comme "ses parents" du jour au lendemain sera un véritable traumatisme et elle mettra du temps à découvrir ce que tout le monde sait sur les raisons de cet abandon.
Cette peinture très fine des différences culturelles d'une famille à l'autre ne peut laisser le lecteur indifférent face à la souffrance de la jeune fille qui perd tous ses repères d'un seul coup. Elle fera tout pour comprendre ce qui a fait basculer sa vie du jour au lendemain, et pour retrouver sa mère adoptive, qui s'est volatilisée, tout en continuant à lui assurer un certain confort matériel et à payer pour ses études. Un roman bouleversant et marquant.
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Un petit chef d'oeuvre! Il nous ramène à notre propre enfance, à la difficulté qu'à un enfant, avec les armes qu'il possède, de démêler la vérité, et de faire entendre sa voix, quand il se fait ballotter par les choix des adultes.
Séparation des parents, mort d'un proche, déménagement, guerre, migration, de nombreux événements peuvent bousculer l'ordinnaire d'un enfant vivant dans un univers sécurisé qui lui semblait immuable. Ce livre s'attachant à cette capacité d'adaptation est universel, et traite le sujet, ainsi que celui du secret de famille, avec beaucoup de talent et de sensibilité.

C'est avec raison que ce livre a été un succès en Italie. Ce pays fait émerger beaucoup de voix singulières, s'intéressant au sort des enfants. On pense à Elena Ferrante, l'autrice de la trilogie de « l'ami prodigieuse ». Des histoires de résilience, où les sensibilités des enfants sont exacerbés par les épreuves. Ceux qui parviennent à s'en sortir écriront plus tard ces récits lumineux.

Plus loin dans le temps, Elsa Morante avait écrit « la storia », un livre saisissant sur l'enfance d'un petit garçon et de sa mère, avec pour décor, l'histoire de l'Italie fasciste, prise dans les tourments de la guerre.
Un livre qui a marqué toute une génération. Ce n'est pas pour rien que Donatella di Petrantonio a préfacé son livre d'un phrase d'Elsa Morante. « Aujourd'hui encore, en un certain sens, je suis restée arrêtée à cet été de mon enfance autour duquel, tel qu'un insecte autour d'une lampe aveuglante, mon âme a continué de tourner et contre lequel elle se coupe sans trêve. »

« La storia » nous montrait déjà que la violence est endémique, et que notre histoire au sein de la grande, n'est pas la même selon l'endroit où l'on né. « On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille. On choisit pas non plus les trottoirs de Manille .De Paris ou d'Alger pour apprendre à marcher.
Dans « être né quelque part », Maxime le Forestier abordait cette dimension liée à à la chance. L'éducation, l'amour, la sécurité, structurent l'enfant, et conditionneront l'adulte. Ces années déterminantes sont le terreau de notre vie.

L'histoire commence par un tremblement de terre, au figuré. La narratrice, une fillette de 13 ans, apprend qu'elle a une autre famille biologique, et que son retour dans celle ci est décidée.
Voilà le thème de « La revenue », qui ne sait même pas qu'elle était venue d'ailleurs. Comme dans « Rebecca », le roman de Daphné du Maurier, nous ne saurons jamais le prénom de la narratrice, qui raconte l'histoire à la première personne, et qui restera finalement une étrangère, quel que soit les efforts qu'elle fera.
Cette nouvelle famille, pauvre et acculturée, dans laquelle est se retrouve est bien loin de ces repères habituels.

Comment auriez vous réagi, si un jour, à 13 ans avec pour toute explication, que vous aviez une autre mère biologique, on vous larguait dans une famille pauvre et acculturée des Abruzzes, bien loin des références bourgeoises, qui avaient été les vôtres jusqu'ici ? La fillette n'est pas attendue. Fini le confort de l'ancienne maison bourgeoise, et les moeurs éduqués. le lit qu'on lui indique est celui de cette jeune soeur, qui en dépit des différences culturelles entre elles vont devenir de plus en plus proches. Mais ce soir là, et ceux qui suivront, la seule promiscuité est celle des corps, et non des visage, car le lit trop petit n'offre qu'une solution : Coucher tête bêche avec sa soeur, qui malheureusement urine au lit.
C'est une livre formidable sur la résilience, la force de la jeunesse, ses qualités d'adaptation. Un hommage aussi à toutes les formes d'intelligence, car ce sont elles qui permettent à ceux qu'on nomme le petit peuple, de résister et de développer des stratégies de survie, comme la jeune fille va s'en apercevoir, au contact de cette nouvelle famille, qui va devenir la moitié d'elle même. L'écriture est belle et limpide. Longtemps les personnages vous hantent, quand vous avez fermé ce beau livre.
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C'est l'histoire d'un double abandon, historiquement un cas fréquent dans les années 70 en Italie : don d'un bébé à un couple stérile, mais plus riche, de la famille.

Ce récit est censé être rédigé plus de vingt ans après les faits narrés.

La narratrice, une jeune fille de 13 ans dont on ne sauta pas le prénom, découvre que ceux qui l'élevaient ne sont pas ses parents, mais un oncle et une tante. le récit commence le jour où ils la renvoient chez ses parents biologiques, sans explication claire de leur rejet.

Une vie très différente de celle qu'elle connaissait l'attend : quatre frères et une soeur, alors qu'elle était fille unique ; utilisation du dialecte par la famille, au lieu d'un italien châtié ; nourriture peu variée et de mauvaise qualité ; une seule chambre pour les cinq aînés, âgés de 18 à 10 ans ; hygiène plus que sommaire ; niveau scolaire faible des enfants, quand elle est une élève brillante ; la superstition et la violence physique, etc. Les gamins du village la surnomment la "revenue".

Elle s'accoutume peu à peu à cette vie simple et frustre, qui offre parfois quelques compensations (les manèges à sensation de la fête foraine, que sa tante lui interdisait parce que dangereux), mais espère toujours être reprise par son ancienne famille.



Ce roman est direct, cruel et touchant.
Deux thématiques :
- le rapport à la mère (la mère adoptante est d'abord nommée "maman", puis Adalgisa ; la mère biologique est "la mère"
- le refus.
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