Rick Deckard est-il un réplicant ? Ça fait sujet de philo pour geek, mais sans mentir, c'est une question qui a animé pas mal de soirées de discussion du temps de ma jeunesse estudiantine (ainsi que les questions suivantes : Y'a-t-il des marées sur la Lune ? Qui c'est le plus fort, l'hippopotame ou l'éléphant ? Un anneau de régénération permet-il à un personnage féminin de redevenir vierge ?...) J'ai tout entendu et son contraire : rêve symbolique de la licorne, le fait que l'on annonce dès le départ qu'il y a six Nexus-6 qui se sont échappés (en fait, c'est une erreur de script car ils ont annulé une séquence avec le 6ème réplicant sans penser à changer le texte)... Des arguties, j'en conviens, mais Blade Runner le valait bien. Car ça reste pour ma petite personne une étape importante dans ma culture cinématographique.
Or, je n'avais jamais lu l'ouvrage initial, plus par fainéantise que par manque d'opportunité. 250 pages plus tard, le mal est réparé.
La révélation ultime que j'ai eu en lisant ce roman, c'est que les scénaristes du film ont eu un flair immense pour voir dans ce truc brut qu'est ce roman un potentiel diamant qui brillera de mille feux une fois taillé. Car si le livre possède bien évidemment les thématiques de base de Blade Runner et fixe le cadre de ce qui deviendra le film, il faut avouer qu'à la lecture on est loin d'être dans l'univers visuel de Ridley Scott. le héros geignard est à l'opposé du personnage d'
Harrison Ford, l'alternance du récit avec un personnage légèrement débile qui vient régulièrement briser le rythme de la narration, aucune description du monde qui entoure les personnages... Ce n'est pas la première fois que je suis déçu par l'écriture de
Philip K. Dick, mais ma déconvenue a été aussi grande que mon admiration pour l'oeuvre filmée. C'est comme tomber en amour avec un film de Hulk, sortir du cinéma la bave aux lèvres pour se jeter sur la BD d'origine et se rendre compte que c'est Benoit Brisefer. Ça fesse.
La relation de Deckard avec sa femme n'ajoute rien (au contraire, le célibat rend le personnage du film encore plus soupçonnable), l'histoire de fusion religieuse est peu et mal utilisée, l'enquête n'est est absolument pas une, l'absence de motivation des réplicants... On est à des années-lumière de tout ce qui fait le charme du film, avec son décor urbain qui pue le béton et le néon, ses répliquants bien plus humains que leur chasseur, sa quête des origines... La seule chose que le livre possède par rapport au film, c'est cette obsession des animaux, qui est effleurée par Ridley Scott alors que
Philip K. Dick en fait un moteur de la psychologie humaines.
Bref, comme la magie disparait quand on sait comment le prestidigitateur opère son tour de magie, il est parfois très décevant d'aller se nourrir à la source d'un film que l'on adule.
Et au final, je n'ai toujours aucune certitude sur la nature de Rick Deckard. Et c'est tant mieux.
Lien :
http://hu-mu.blogspot.com/20..