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4,1

sur 2983 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Autant déformé que mis en lumière par son adaptation cinématographique « Blade Runner », Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques est un court roman fabuleux de Philip K. Dick que, paradoxalement, il ne semblait pas apprécier.

Se lisant d'une traite, ce livre repose tout entier sur la question contenue dans le titre : les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? Où se trouve alors la frontière entre les humains et les androïdes ? Quelle capacité avons-nous, ont-ils de rêver, de vivre ? Sur une Terre désertée au fur et à mesure par les humains pouvant la fuir, Rick Deckard va devoir affronter non seulement ses questionnements psychologiques et métaphysiques, mais aussi et surtout les quelques androïdes qui cherchent à se cacher parmi les humains restants. Ces nouveaux Nexus-6 semblent parfaits pour ressembler à leurs « modèles », mais le sont-ils vraiment ? Et surtout, quelles vont être les différences persistantes entre ces deux espèces ? Comme à son habitude, Philip K. Dick formule une intense réflexion sur le sens de la vie, les différences entre humains et androïdes et l'ironie de notre existence. Les questions fusent et les pistes métaphysiques foisonnent, pourtant en peu de mots.

Que l'on s'attache davantage à la course-poursuite entre les personnages ou bien aux aspects plus conceptuels de l'auteur, l'édition proposée par J'ai Lu a l'avantage de contenir des propos du spécialiste dickien, Étienne Barillier, qui aident largement à comprendre l'étendue de l'oeuvre du maître Philip K. Dick.

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Je ne me lasse pas de le lire. J'ai vu le film bien des années avant et j'ai été surprise lorsque je l'ai lu pour la première fois de constater que ce n'était pas tout à fait la même histoire. Je ne comprenais pas non-plus le titre du roman par rapport au film. Et pourtant cette quête pour avoir un véritable animal, pour se sentir humain, réel, naturel d'avoir un véritable animal, vouloir ressentir de l'empathie, comprendre l'empathie, explique bien mieux la motivation de sa quête.... C'est la troisième fois que je le lis et même si j'aime beaucoup le film parce qu'il est visuellement magnifique, c'est à mes yeux deux histoires, proches mais différentes, dont l'une apporte beaucoup plus de richesse de réflexions que l'autre.
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Une fois n'est pas coutume, j'ai découvert l'adaptation cinématographique avant le roman. BLADE RUNNER de Ridley Scott est un film que j'adore : il est dans mon panthéon personnel des meilleurs films du monde. Je l'ai vu et revu je ne sais combien de fois sans me lasser, je le connais par coeur.

C'est pourquoi j'ai mis des années à lire LES ANDROÏDES RÊVENT-ILS DE MOUTONS ÉLECTRIQUES ? de Philipp K. Dick, le roman à l'origine du film car je pensais que je n'aurais pas beaucoup de surprises. Et j'avoue que je craignais que le film ne perde de sa superbe après la lecture du roman comme cela arrive si souvent.

Au final, j'ai été surprise pendant toute ma lecture tant le livre et le film sont différents. Ridley Scott n'a pour ainsi dire gardé que la trame principale et le nom des protagonistes.

Dans le roman, on suit le chasseur de primes Rick Deckard sur une journée qui va changer sa vie à jamais. Il doit retirer de la circulation six androïdes venus de Mars s'il veut toucher ses primes et réaliser son voeu le plus cher (et le plus cher de son épouse) : acheter un véritable animal. En effet depuis la guerre, les animaux se font rares et Rick doit se contenter d'un mouton électrique.

Le roman est court et se lit très vite tant il est bien écrit et passionnant. Philipp K. Dick pose de nombreuses questions d'ordre philosophique. Quelle est la différence entre un Homme et une machine dotée d'intelligence ? Qu'est-ce qui caractérise l'Humanité alors même que les Hommes ne cessent de se faire la guerre, de détruire leur environnement et de se montrer individualiste ? L'Homme est-il capable de faire preuve d'une réelle empathie envers les êtres vivants ?

En peu de mots, l'auteur questionne le lecteur sur le sens de la vie et propose des réponses intelligentes qui font réfléchir. Ce livre m'a remuée car la vision du futur qu'il propose n'est pas ridicule et ça fait froid dans le dos. Et ce qui m'a le plus émue c'est de constater que nous vivons déjà des événements décrits par le roman : mise à l'écart des marginaux, destruction de la planète, désintérêt pour les personnes qui nous entourent, utilisation à outrance de la technologie pour sortir de l'isolement (les réseaux sociaux faisant office de «boîtes à empathie»), etc.

LES ANDROÏDES RÊVENT-ILS DE MOUTONS ÉLECTRIQUES ? est un roman que j'ai beaucoup aimé et que je ne peux que recommander aux amateurs de SF.
Je vous conseille l'édition de «J'ai lu» car elle contient une postface passionnante signée Étienne Barillier qui nous éclaire sur l'oeuvre de Dick.
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Quand j'étais une petite fille, l'idée que je me faisais du 21ème siècle était digne d'un livre de science-fiction. Mais la réalité en est très loin, un peu comme Priss avec ses livres pré-coloniaux qui s'interroge sur la vision passée du futur ^_^. Mais au fond, que ce livre ait-été publié en 1968 ou en 2018 quelle importance ? J'ai été complètement bluffée par cette oeuvre intemporelle.

La Dernière Guerre Mondiale a dévasté la Terre et provoqué un exode massif sur Mars. Rick Deckard lui vit sur Terre. C'est un chasseur de prime, il traque les andros pour les éliminer. Je n'ai toujours pas bien compris pourquoi. Mis à part Priss, ils m'étaient tous plutôt sympathiques, surtout Luba Luft.

Rick Deckard est obsédé par l'idée d'avoir un animal en chair et en os mais c'est hors de prix. Il n'a qu'un mouton électrique. C'est un personnage intéressant oui, mais voilà… j'ai préféré celui de John Isidore, la tête de piaf. Il m'a plus touchée que Deckard. La scène de l'araignée était pour moi la scène la plus intense de tout le roman.

J'ai l'impression d'avoir lu ce livre au ralenti surtout lors du passage qui commence par : « Il vit alors la poussière et la ruine se déployer de toutes parts dans l'appartement... » (chapitre 18) J'étais fascinée.

En conclusion, si j'avais su, j'aurais commencé par celui-là.


Challenge défis de l'imaginaire 2018 – Echauffement
LC/Trolls de Babel
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J'ai aimé beaucoup de nouvelles de Dick, mais chaque fois que j'ai essayé ses romans, j'ai été déçu. Il se disperse dans toutes les directions sans jamais aller au bout d'une seule. Il met en place des univers riches avec des intrigues politiques originales pour finalement ne pas réellement les aborder, leur préférant les enjeux plus interpersonnels. Bref : ce n'est pas trop pour moi mais je persiste à lire parce que c'est l'auteur fétiche de ma copine.

Il y a une exception et c'est Blade Runner/Les Androïdes Rêvent-Ils de Moutons Électrique? J'aurais préféré être original et ne pas aimer que son oeuvre la plus connue, mais que voulez-vous. 🤷

Tout ça pour dire : je ne vous résumerai pas l'oeuvre ici parce que tout le monde la connait. Mais j'aimerais souligner qu'il s'agit d'un des livres de Dick le moins éclaté. Il y a des thèmes, des enjeux philosophiques, une histoire consistante etc.

Je ne comparerai pas le livre au film. Les deux oeuvres sont des titans de la SF qui sont individuellement appréciables pour des raisons différentes.
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Androïde, trop androïde.


> loi Zéro : Un robot ne peut pas porter atteinte à l'humanité, ni, par son inaction, permettre que l'humanité soit exposée au danger ;
> première Loi : Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, restant passif, permettre qu'un être humain soit exposé au danger, sauf contradiction avec la Loi Zéro ;
> deuxième Loi : Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la Première Loi ou la Loi Zéro ;
> troisième Loi : Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n'entre pas en conflit avec la Première ou la Deuxième Loi ou la Loi Zéro.

Tout lecteur de SF connait inévitablement les trois fameuses lois de la robotique - auxquelles il dû ajouter une loi Zéro, après avoir constaté au fur et à mesure de ses expériences et de mises en situation via l'écriture qu'elles étaient insuffisantes - inventées par le romancier et scientifique Isaac Asimov dans les années 50 et qui servent, même encore aujourd'hui, à bien des théoriciens et auteurs, relativement au développement présent ou futur des robots.

Et bien ces lois, aussi essentielles peuvent-elles être, sont totalement mises de côté par cet autre génie de la SF, de la prospective et du questionnement existentiel que fut cet autre monstre sacré, au destin par ailleurs si troublé, qu'était Philip K. Dick. En fait, les androïdes présents de ce livre au (vrai) titre très intrigant, "Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques", vont contrevenir globalement à toutes ces règles définies une quinzaine d'années plus tôt par l'auteur américano-russe. de fait, très vite, Philip K. Dick se désintéresse totalement de ce point de vue théorique pour en aborder un autre, pour ainsi dire en miroir et aussi différent qu'il est absolument crucial : que reste-il de notre humanité, quelle différence fondamentale peut-il y avoir entre nous autres, êtres de chair, de sang, d'esprit et d'émotion dès lors que des machines reproductibles à l'infini nous égalent voire nous dépassent en certains domaines ?

Ainsi, sommes-nous en 1992. La terre a été dévastée par un conflit nucléaire dont nous ne saurons pas grand chose, sinon que les retombées sont terribles et que la majeure partie des survivants de cette apocalypse a fui la planète pour aller coloniser le sol pourtant ingrat de Mars (certains voyages en direction de Proxima ont aussi été tentés). Cette colonisation se fait avec l'aide d'androïdes de plus en plus technologiquement parfaits, à raison d'un par humain.
Mais tous n'ont pas eu cette chance ou cette envie de changer de vie du tout au tout, malgré les dangers inouïs de la vie sur terre. Les personnes trop âgées au moment du cataclysme n'ont pas eu leur billets, de même que certains humains déclassés, suites au dégâts psychologiques et intellectuels causés par les retombées. Ceux-ci sont techniquement qualifiés de personnes "spéciales" mais en réalité tout le monde les surnomme les "têtes de piaf"et sont considérés ni plus ni moins comme des sous-hommes, presque sans droit ni reconnaissance.

L'existence est devenue pour ainsi dire vide de sens mais ce vide ne saurait être laissé en suspens. Ainsi est-il partiellement comblé par l'écoute continue d'un présentateur vedette répondant au nom de "L'ami Buster" et qui, malgré l'accumulation invraisemblable d'heures d'antenne et de radio semble ne jamais se répéter, apportant son lot de fraîcheur, de divertissement et d'enquête à un monde qui manque tant de motif d'être heureux. Par ailleurs, ces survivant en quête d'empathie les uns envers les autres s'adonnent-il à une espèce de religion montante, promue par un certain Mercer, sorte de christ moderne accomplissant sans relâche la montée de son propre Golgotha au cours d'une Passion sans cesse revécue que ses adorateurs peuvent toucher pour ainsi dire physiquement et en continu via un bizarre appareil appelé "boite à empathie".

L'autre moyen de remplir un peu ce vide dans ce monde où il est devenu relativement pénible et dangereux de subsister, est de s'occuper d'un animal. En effet, ceux-ci ont presque entièrement disparus (à commencer par tous les oiseaux et la plupart des animaux sauvages), et ils font l'objet d'une véritable adoration privée, et d'une réelle jalousie entre voisins, selon le prix d'achat (induisant leur rareté) de ces malheureuses bêtes presque autant divinisée que chosifiées, bien que (ou parce que) choyées au-delà de l'imaginable.

D'ailleurs, à propos de jalousie, Rick Deckard, le personnage central et principal du roman, ne s'en cache qu'avec peine devant son voisin, heureux propriétaire d'une belle jument de trait. Lui n'a qu'un malheureux mouton. Comble de l'hypocrisie et de la déchéance, ce mouton est l'un de ces nombreux robots électriques reproduisant très convenablement les originaux pourvu qu'on ne s'en approche pas trop. Rick se le procura en douce après que son précédent mouton, un vrai celui-là, fut atteint d'un tétanos brutal et mortel. Depuis, son existence s'en va à vau l'eau, son couple est en crise, sa femme en dépression, et il désespère de pouvoir faire l'acquisition d'un animal véritable de même standing tant ceux-ci dépassent ses capacités financières dès qu'il consulte le "Sydney", référence mondiale des prix de ces trop rares compagnons encore vivants.

Pourtant, ce rêve n'est pas hors de portée de Rick, son "métier" lui permettant parfois de gagner beaucoup en assez peu de temps. En effet, il est "Blade Runner", c'est à dire chasseur de prime pour le compte de l'état de Californie. Son rôle en tant que tel est assez simple : éliminer - dans sa branche, on dit "retirer" - ces androïdes qui, pour fuir leur condition d'esclaves robotiques et s'échapper de Mars n'ont d'autre moyen que de tuer leur maître humain. Une fois sur terre, ils font leur maximum pour s'intégrer sans se faire reconnaître par la population. Mais ces androïdes, développés par la firme Rosen, sont de plus en plus difficiles à détecter, malgré la mise en place d'un test pourtant très au point appelé Voigt-Kampff et qui s'apparente à nos détecteurs de mensonge à ceci près qu'il détecte le degré d'empathie (ou son absence) chez les personnes interrogées. Car là réside la faille de ces non-humains pourtant de plus en plus sophistiqués : ils n'éprouvent pas cette émotion tellement humaine, ne s'entraident jamais gratuitement, sont incapable de pitié et s'ils sont particulièrement intelligents, probablement plus que la plupart des humains en ce qui concerne le dernier modèle, les «Nexus 6», il n'en demeure pas moins que ce sentiment qui leur est étranger est aussi leur faille, tout n'étant pour eu que conjecture et jeu strictement intellectuel. Ce qui les rend potentiellement aussi dangereux qu'ils sont partiellement dénué d'humanité. La seule faille de ce test : il ne différencie pas les androïdes des psychopathes humains... (L'état de robot très avancé serait-il celui d'un aliéné qui s'ignore...?)

Dans le même temps, nous allons suivre le parcours d'un des ces humains déclassés, déconsidérés, parfois employés mais à des postes toujours subalternes, leur QI étant souvent déclinant et leurs aptitudes physiques et physiologiques s'étiolant peu à peu. Ce «spécial» se nomme John R. Isidore, vit dans un «conept» (un genre d'immeuble) en ruine d'une banlieue lointaine et totalement abandonné de ses anciens locataires (tous morts ou partis pour Mars). Il travaille comme chauffeur d'un pseudo-vétérinaire, qui n'est qu'une couverture à l'une de ces nombreuses petites entreprises de réparation de ces fameux animaux électriques (souvenons-nous que ceux qui les possèdent en ont généralement socialement honte). Par le plus grand des hasards, son destin va croiser celui d'une, puis de deux autres de ces androïdes en fuite, qui se savent traqués, mais déterminés à défendre chèrement leurs... circuits après que cinq de leurs compagnons d'infortune aient déjà été «retirés», trois d'entre eux par le seul Rick Deckard en une même journée, d'ailleurs. Ce qui va d'ailleurs permettre à ce dernier de faire l'acquisition d'une chèvre noire de Nubie, hors de prix, bien entendu.

Bien entendu, ceci n'est que la trame, le déroulement du roman. Rédigé dans un style d'une efficacité exemplaire, il permet en réalité au lecteur à suivre d'une part une succession de rencontres et d'action de la manière aussi limpide possible car, en réalité, ce qui importe - et qui fait de ce texte de Science-Fiction l'un des modèles du genre - c'est toute la réflexion intellectuelle, laquelle progresse au fur et à mesure de l'intrigue, de notre chasseur de prime et, moindrement, celle du «spécial» qui ne cessent de se poser des questions sur leur humanité, mise en abîme par l'entremise de la présence de ces androïdes surdoués qui, s'il manquent absolument d'empathie, ne sont pourtant pas dénués de désirs, d'envies, de sentiments et, c'est la question même posée par le titre de l'ouvrage, de rêves. Or, à partir de ce questionnement sur des êtres fabriqués de toute pièce mais devenus si semblables aux hommes, que d'autres humains (via cette fameuse entreprise commerciale) n'ont de cesse de perfectionner, Philip K. Dick se demande ce qui, à partir d'un tel point de non retour technologique, fonde notre essence ainsi que notre supériorité, devenue fondamentalement relative dès lors qu'une autre espèce d'êtres est à même de nous imiter, de nous égaler, voire de nous dépasser. C'est d'ailleurs l'un des plus importants distinguo d'avec le film qu'en tira Ridley Scott en 1982, qui met le doute quant à la propre humanité du chasseur, mais seulement celle-ci : L'auteur du fameux Ubik met ici l'ensemble de la qualification de la nature humaine en question et s'il n'apporte pas de réponse définitive, il en précise tout de même en partie les bornes éventuelles.

On pourrait aussi longuement épiloguer sur ces rapports très ambigus de ces hommes de demain (du moins, à l'époque de la rédaction du livre), d'un demain volontairement proche - encore une différence d'avec le film qui situait, symboliquement, son action après l'an 2000, en 2019 pour être précis -, un avenir presque tangible même dans les années 60, avec ce qu'il reste de nature encore vivante après qu'ils aient à peu près tout détruit par leur folie, leur irresponsabilité. Bien entendu, notre technologie est bien éloignée d'en être au niveau de ce que Philip K. Dick prévoyait. Pire : dans les années 90, c'est tout juste si l'informatique entrait enfin massivement dans les foyers. Quant à la robotique, elle ressemblait plus à ces bras articulés capables de gestes répétitifs en atmosphère confinée (par exemple) qu'à ces androïdes presque parfait que sont les «Nexus-6», pas même plus à des animaux crédibles, serait-ce de loin. C'est que Philip K. Dick ne s'encombre guère de cette dimension-là de la faisabilité proche de ses inventions (dont on pressent qu'elles sont pourtant sur le point de voir le jour). Car c'est très clairement sur le terrain de l'existentialisme, de l'humanisme et de la métaphysique qu'il situe son oeuvre (et d'ailleurs pas que celle-ci), dans une vision pour le moins inquiète, tragique même, de cet avenir que l'homme est sur le point de se créer sans l'aide de personne d'autre que son irraisonnable goût de la connaissance et de la surpuissance.

N'en sommes-nous d'ailleurs pas rendus à l'idée folle mais pourtant en vogue de la trans-humanité ? Ne nous promettons-nous pas des hommes-machines, réparés ici et là comme ces vulgaires robots de la SF de papa ? Nos "anciens", quasiment mis au rebut dans ces machines à déshumaniser que sont certaines - si bien nommées - maisons de retraite ? le "véganisme", dans ses attentes les plus politiques et parfois extrémistes ne préfigure-t-il pas cet amour parfaitement inconsidéré, gênant, jaloux pour les quelques malheureuses bestioles qui subsistent encore sur cette terre imaginaire, saturée de poussières dangereuses et de pollutions diverses - que l'auteur dénomme d'ailleurs du qualificatif génial de "tropismes" -, de même que nous semblons aujourd'hui, collectivement ou individuellement, éprouver parfois plus de rage, de colère, d'empathie (nous y revenons) pour des animaux maltraités ou supposés tel - quand ils ne sont tout simplement pas destinés à notre consommation - que pour nos semblables miséreux ou lointains, tandis que tous les signes concordent pour dire que nous sommes en train de provoquer, exactement au même moment, l'une des plus grandes disparitions massive d'êtres vivants, que ce soient des végétaux ou des animaux, au point que de plus en plus de chercheurs qualifient cette ère très particulière du nom d'anthropocène ? Il en est encore de même au sujet de la réflexion de K. Dick, prévoyant le regain de la spiritualité, mais un genre de regain kitsch et techno-maniaque à travers de Mercerisme et sa boite à empathie, quoi qu'il ne s'agisse en réalité que de faire une nouvelle marmelade avec de vieilles recettes, en l'occurrence christique, mais cela aurait pu être n'importe quelle autre.

Il ne s'agit pas de faire de cet ouvrage, ni de l'oeuvre de K. Dick, seulement une sorte de grande oeuvre d'anticipation. Si c'est en partie le cas, cela serait par trop réducteur tant il explore une diversité de champs de réflexions sur notre humanité moderne, de celle dont le destin est lié, inexorablement, à celui de la machine et aux conséquences que leur présence implique dans une telle société. Ainsi a-t-on raisonnablement pu estimer que c'est ce romancier américain à l'existence si troublée que l'on doit les premières pierres de ce genre aujourd'hui qualifié de "cuberpunk", mais là encore, c'est une mise en case par trop réductrice à qui souhaite rendre hommage à sa perspicacité et à son intelligence. de la même manière, le cinéma de Ridley Scott, pourtant brillant, ne comprend-il et n'entreprend-il pas toutes les répercussions et conséquences de la réflexion Dickienne, là où une excellente série suédoise contemporaine, intitulée «real-human», en déplie de manière très astucieuse et inquiétante, un pan difficilement exploitable dans un cinéma américain par trop féru d'effets spéciaux et de décors époustouflants pour toujours savoir creuser suffisamment ses sujets. La série suédoise est pour ainsi dire débarrassée de toutes les scories technologiques ce qui, par bien des aspects, en fait une digne héritière de Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques, qui demeurent, plus que jamais, un très grand classique de la littérature de Science Fiction à découvrir et à redécouvrir. Ajoutons, pour tous ceux que ce genre rebute - et il peut s'en trouver d'excellentes raisons, au-delà de seules histoires de goûts - que ce titre est une excellente porte d'entrée à ce genre littéraire, tant le monde qui s'y trouve décrit pourrait passer pour un futur proche en tout point plausible.
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Roman assez sensiblement différent du film (excellent) qu'il a inspiré. Cela dit, le roman est excellent. Sans doute est-il moins travaillé et moins abouti qu'Ubik, ce qui n'empêche que pourtant, pour moi il le supplante comme coup de coeur ! Après avoir envoyé aux oubliettes les lois de la robotique d'Asimov, il met en scène des robots androïdes presque parfaits, les Nexus-6, que des blade runners sont chargés de repérer et de désactiver. Tout cela n'est bien sûr que prétexte à s'interroger sur le propre de l'homme, le sens de la vie, la place et le rôle de l'empathie, …, bref rien que des questions intemporelles, et même plutôt assez d'actualité. C'est un roman peut-être un peu brouillon mais d'une très grande richesse thématique.
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Je suis fan du film de Ridley Scott et je suis fan de Dick et pourtant je n'avais pas encore lu « Blade runner » ou plutôt « les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ». C'est maintenant chose faite et je ressors ravie de cette lecture. J'ai adoré ce roman et il n'enlève en rien l'admiration que j'ai pour le film, et ce, même s'il s'avère très dissemblable. C'est peut-être même pour ça d'ailleurs. le plaisir que l'on prend à l'un et à l'autre est très différent.

Bien sûr, au long de ma lecture, j'ai joué au jeu des comparaisons avec le film. Mais, très vite, les deux oeuvres apparaissent comme totalement différentes. Si le déroulé de l'intrigue est quasiment similaire jusqu'à l'élimination de Zhora / Luba, par la suite les intrigues prennent des chemins très différents. Avant tout, ce qui différencie les deux oeuvres, ce sont leur tonalité et même le registre auquel ils appartiennent. le roman de Dick est à classer dans le registre de la science-fiction métaphysique alors que le film de Scott relève du tech-noir. Ce choix narratif très pertinent permet à Scott D installer une ambiance réussie, visuellement forte. Pour créer cette atmosphère noire futuriste, le film prend le parti de se placer dans un univers dystopique où Los Angeles apparait encore comme une mégalopole grouillante malgré la colonisation d'autres planètes. Au contraire, le roman ressemble plutôt à un post-apo où San-Francisco a des allures de quasi ville-fantôme. Là où « Blade runner » propose une intrigue de film noir teinté d'un certain romantisme pour être avant tout un récit d'ambiance, « les androïdes rêvent-ils… » s'attache à se questionner sur ce qui fait l'humain. Ainsi Deckard sera amené à s'interroger sur l'humanité des protagonistes qu'il rencontre mais aussi sur sa propre humanité. Dès lors, on retrouve ici une variation sur un thème Dickien récurrent : la réalité est-elle réelle. Mais dans « les androïdes rêvent-ils… » l'interrogation ne porte pas sur le monde extérieur mais sur l'essence même des personnages.

Cette richesse thématique est exploitée dans un récit très addictif. le récit est plus linéaire que beaucoup d'autres romans de l'auteur, il fait sans doute partie de ses oeuvres les plus accessibles. du coup, ce n'est pas le plus dickien des romans de Dick. Je préfère ses récits plus vertigineux, plus alambiqués mais « les androïdes rêvent-ils… » est un roman riche et profond qui se lit tout seul, un vrai page-turner.
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J'avoue, avec un peu de honte, que je n'ai pas vu le film culte Blade runner, ni Minority report, ni Total recall, ni d'ailleurs aucun des films tirés de romans ou de nouvelles du génial Philip K. Dick.
Mais, peut-être, en définitive, est-ce ce un avantage, je ne pouvais avoir d'idées à priori sur ce livre.
C'est le deuxième roman que je lis de cet auteur, après le Maître du Haut-Chateau.
Je ne sais si tous ses romans et nouvelles sont de la même trempe, mais, à nouveau, je suis émerveillé par la richesse et la profondeur de ce roman, et par la façon dont l'auteur a de nous mener dans un monde de l'incertitude et de l'énigme.

Alors que le Maître du Haut Château nous interrogeait avec intelligence sur la question de la réalité et de la fiction, plus précisément sur le fait que ce que nous raconte la fiction pourrait être plus vrai que la réalité, ici c'est la question de ce qui constitue l'humanité qui est le thème sous-jacent à toute l'histoire. Et c'est fascinant.

Le récit se déroule un monde « post-apocalyptique », après une guerre nucléaire qui a laissé une Terre dévastée, dont l'atmosphère est envahie de poussière radioactive, dont les effets ont été délétères pour la vie, au point que la majorité de la vie animale a disparu, que les humains rescapés ont émigré sur Mars, ne laissant sur notre planète que ceux qui sont trop déficients ou trop pauvres pour partir. Il y a aussi sur Terre quelques individus chargés de maintenir l'ordre, chargés, au moment où commence le récit, de «retirer » des androïdes de dernière génération, échappés de Mars après avoir tué celles et ceux pour lesquels ils travaillaient.
Parmi ces « justiciers », il y a Rick Deckard, un chasseur de primes, en réalité un tueur professionnel qui espère gagner suffisamment d'argent pour pouvoir s'acheter un vrai animal, alors qu'il ne possède qu'un mouton électrique.
En même temps que de suivre le destin de Rick Deckard, le lecteur suit le parcours d'un « spécial », encore surnommé « tête de piaf », J.R. Isidore, un homme trop atteint par les radiations pour pouvoir se reproduire ou émigrer sur Mars, qui fera la rencontre de quelque uns des androïdes.
Et puis intervient Mercer, une sorte de personnage christique, aux pouvoirs étonnants, auquel les humains humains cherchent à se connecter via une « boîte à empathie ».

Sans entrer dans les détails d'une intrigue qui démarre lentement, puis se dévoile et s'accélère, ce qui m'a beaucoup plu, c'est d'abord le doute et l'incertitude qu'elle installe sur les événements qui se passent, mais surtout les interrogations sur ce qui distingue les androïdes des humains.

Et ce que j'ai trouvé étonnant, et en cela Dick a ce génie qu'ont aussi d'autres auteurs d'anticipation ou de science-fiction (par exemple Jules Verne), c'est l'importance accordée à l'empathie: les humains et les androïdes sont distingués par un test qui permet de définir leur niveau d'empathie; une boîte à empathie permet de fusionner avec le médiateur «divin » Mercer.
Or, nous savons maintenant que l'empathie s'est développée au cours de l'évolution des êtres vivants, considérablement chez les grands primates, et encore plus chez les humains. Et que cette capacité à se mettre à la place de l'autre est liée à l'existence de neurones miroirs, neurones à la base des processus d'imitation, qui s'activent lorsque l'on observe l'autre effectuer une action, comme si on la réalisait soi-même, mais qui aussi, par le biais d'interactions complexes avec d'autres aires de notre cerveau, permettent de ressentir toutes les émotions d'un autre, bref de faire sienne la joie ou la souffrance d'un.e autre.
Mais ici, comme nous sommes dans un roman de Philip K. Dick, un doute apparaît dans la réponse d'une androïde au test d'empathie, et aussi, Rick Deckard se demande s'il n'est pas un androïde auquel on aurait greffé des souvenirs.
Deckard, c'est d'ailleurs l'homme qui doute, qui s'interroge sur sa mission, et qui finira par trouver la paix intérieure, d'accepter sa condition, d'accepter de ne pas tout comprendre, à l'issue d'une expérience quasi mystique. Bref, un anti- héros bien loin des Super-men musclés et invincibles.

Beaucoup d'autres thèmes traversent ce roman, la captation de notre «temps de cerveau disponible » par une télé abrutissante, l'émotion suscitée par l'oeuvre d'art, la question du bien et du mal, et bien d'autres que vous découvrirez en lisant ce beau et subtil récit. J'espère ne vous en avoir pas trop dit.

A noter qu'il y a une postface passionnante d'Etienne Barillier, un spécialiste de l'oeuvre de Philip K. Dick.
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« Le livre culte qui a inspiré les films » dit le bandeau, mais aussi plaisir de lecture dit la critique babeliote!

Nul besoin d'un « orgue d'humeur » pour soigner notre dépression lorsqu'on a de bons livres à sa disposition, mais comme pour les « notes » de l'orgue de Philip K. DIck, on choisit ses livres en fonction des besoins du moment. Après une éprouvante lecture portant sur la vieillesse, j'avais bien besoin d'une évasion dans un monde imaginaire…

Non pas que ce livre soit joyeux, loin de là, dans ce monde post-apocalyptique, les personnages sont aux prises avec leurs tourments intérieurs. Ils s'interrogent sur le bien et du mal, sur l'éthique et l'essence de la vie et de l'humanité (sans compter les androïdes et les moutons électriques…)

Ce qui rassure et apporte un peu de confiance en l'humanité, c'est la capacité d'empathie. Cette qualité qui permet de ressentir un peu ce que ressent l'autre, n'est-ce pas la faculté que nous exerçons en tant que lecteur? Si la magie de la littérature qui nous permet de vivre d'autres vie, n'est-ce pas grâce à une sorte d'empathie?

L'autre qualité humaine essentielle, c'est l'irrationnel, cette capacité de faire des erreurs et de recommencer. Et malgré mes erreurs humaines, je recommencerai demain une nouvelle critique…
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