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Critique de Antyryia



Les logiciels utilisés par la police sont de plus en plus performants.
Tous les lecteurs de romans policiers ont déjà croisé lors de leurs lectures le Vicap ( VIolent Criminal Apprehension Program ) qui permet notamment de relier des crimes ayant eu lieu dans différents états américains.
Son homologue français est le Salvac : Système d'Analyse des Liens de la Violence Associée aux Crimes, une base de données où chaque personne soupçonnée d'avoir commis un crime ou un délit grave est ainsi répertoriée pendant quarante ans.

Imaginez maintenant un programme informatique tellement performant qu'il rendrait ces logiciels complètement obsolètes.
"Cette découverte va révolutionner les enquêtes criminelles."
Ce programme, c'est Nostradamus.
Relié à toutes les banques de données imaginables, capable de traîter des milliers d'informations en une fraction de seconde, son algorythme permet à partir d'une simple clef USB contenant les investigations d'une enquête criminelle de sortir instantanément un parfait portrait-robot du coupable recherché.
Est-on à la pointe de la technologie, ou davantage dans l'anticipation ou même le surnaturel ?
"Lui reste sceptique. Il croit en la science, pas en la magie. Et là, on est plus proche de Harry Potter que de NCIS."
Imaginez avec un tel outil à quoi ressemblerait le prochain Thilliez ou Chattam. Premier chapitre : un crime sordide est commis. Second chapitre : la police scientifique relève les traces ADN. Troisième chapitre, les flics interrogent Nostradamus et n'ont plus qu'à aller cueillir le vilain sociopathe.
Même chose pour les thrillers psychologiques. Dans le prologue l'enfant disparaît, la police interroge ensuite les voisins et la famille, et puis la conclusion arrive en page vingt-cinq avec l'arrestation de la mère.
Les épisodes de la série Cold Case ne dureraient plus que cinq minutes.
"Cela permet de retrouver les coupables de crimes, même ceux datant de plusieurs années."
Ce serait une avancée majeure pour les forces de l'ordre, dans la lutte contre la criminalité.
Mais ce serait tragique pour les amateurs de polars.

François-Xavier Dillard était particulièrement fier de son cinquième roman, encore à paraître lorsque je l'ai rencontré à Lens en mars dernier. Son enthousiasme communicatif m'a décidé à découvrir Réveille-toi ! dès sa sortie, d'autant que j'avais apprécié Ne dis rien à papa, paru l'an passé.

Premier constat, si l'auteur semblait former une équipe de joyeux drilles auprès de ses consoeurs Barbara Abel et Karine Giébel ( remerciées d'ailleurs à la fin du roman à l'instar de Laurent Scalese et de Xavier-Marie Bonnot ), ses écrits sont quant à eux toujours teintés de noirceur et d'hémoglobine.

Un meurtrier en série sévit dans la capitale. Sa troisième victime étant la fille du ministre de l'intérieur, c'est le branle-bas de combat au 36, rue du basion à Paris ( eh oui, c'est terminé le mythique 36, quai des orfèvres ! ). Les crimes sont de plus en plus rapprochés, et de jeunes et jolies jeunes femmes sont assassinées dans des circonstances atroces.
"Les bras et les jambes avaient été séparés du tronc et des os blancs apparaissaient comme des icebergs surgis d'un océan de chairs à vif."
L'auteur n'y va pas avec le dos de la cuiller lorsqu'il s'agit de décrire les actes de boucherie, mais n'abuse cependant pas des descriptions gore.
Mais les cadavres, eux, vont s'empiler très rapidement.

Les personnages de Réveille-toi ! sont à la fois attachants et originaux.

A commencer par celui qui est arrivé au bout du programme Nostradamus, Paul Vignaud, un petit génie surdoué en informatique qui a eu son baccaluréat à l'âge de treize ans. Jeune homme à la vie sociale déjà compromise par ses trop grandes capacités intellectuelles, il est également en fauteuil roulant suite à un accident tragique. Sa complicité avec Clara Vandamme, de la police scientifique, va permettre quelques notes d'humour bienvenues. Sans maladresse, la jeune femme que la vie n'a pas non plus épargnée se permet beaucoup d'ironie sur le handicap de son partenaire, ce qui ne fait que démontrer la formidable amitié qui les lie tous les deux.
"C'est comme si on échangeait les pneus de ton fauteuil contre ceux d'Ayrton Senna... Tu n'irais pas plus vite !"

Nicolas Flair est quant à lui psychiatre en criminologie. Pour ne pas dire mentaliste. Il a des capacités hors normes pour deviner et parfois manipuler ses interlocuteurs.
"Juste un mélange d'intuition, d'observation, de suggestions et de déductions."
Difficile de ne pas l'imaginer sous les traits de Patrick Jane dans la série éponyme, d'autant que son travail ressemble parfois à celui de son confrère de la télévision.
"Ca fait vraiment trop série télé, et puis, à chaque fois, c'est la même chose, ils s'attendent tous à voir débarquer un bellâtre au sourire éblouissant et là, forcément, ils sont déçus."
Son rôle demeure toutefois assez secondaire, pas forcément indispensable même s'il est plaisant de croiser ce type de personnage dans un polar.
Il est un peu l'esprit de déduction face à la technologie de pointe représentée par Nostradamus, l'homme contre la machine.

Basile Caplain est également un protagoniste original, qui fuit le sommeil pour éviter les atroces cauchemars qui l'assaillent dès qu'il s'endort. C'est lui qui est représenté sur la magnifique couverture, sous une pluie d'ampoules illuminées.
"La lumière l'empêche d'accéder au repos, ne serait-ce que quelques minutes, tandis que la nuit l'entraîne inexorablement vers ce que son esprit peut produire de plus terrifiant."
Epuisé par le manque de sommeil, le cas de Basile n'est cependant pas pris au sérieux par les médecins.
Quand il ne peut plus lutter, certains chapitres nous font vivre ses cauchemars en italiques. Des songes macabres et sanglants où il ne cesse de passer du statut de bourreau à celui de victime, et qui s'achèvent tous par la mention "Réveille-toi !".
"... "Se reposer" ... Ca signifait dormir, et dormir c'était rêver, et rêver, c'était souffrir."

Axelle est quant à elle une jeune femme de vingt-et-un ans qui se réveille enchaînée, l'auriculaire coupé, affamée, tabassée, torturée...
Son calvaire ne fait cependant que commencer.
"J'ai appris la survie, j'ai appris la faim et la soif, ce sont devenues mes compagnes de captivité."
Qui est cet homme qui l'a séquestrée ? Pourquoi la maintient-il en vie et quel sort lui réserve-t-il ?

A ce tableau déjà conséquent, vous pouvez ajouter la narration d'un petit garçon dont on découvre un morceau de vie tous les quatre ans environ, à chaque fois en date du 13 décembre. Il revient en particulier sur la séparation de ses parents.
Ainsi qu'un politicien ambitieux et différents policiers : Michaud, Dubois, Chameroy.

Mes impressions concernant le roman sont à peu de choses près exactement celles que j'avais eues avec les précédents romans de l'auteur.
Réveille-toi ! est un page-turner vraiment efficace, très rythmé, haletant. Si je me permets un mauvais jeu de mots, son titre indique à lui seul sa faculté à vous faire passer une nuit blanche.
S'il y a une intrigue principale avec la recherche de ce tueur, beaucoup de ramifications permettent d'étoffer le récit, avec par exemple les premiers résultats de Nostradamus, un complot politique, ou encore les blessures de nombreux personnages rendus très humains dans leur quête de vérité ou d'absolution.
La famille a moins d'importance que dans le dyptique Fais-le pour maman / Ne dis rien à papa, mais le thème reste abordé notamment au travers des relations de Clara et Paul avec leurs mères respectives.

Un livre original et prenant donc, dur aussi parfois, auquel je reproche cependant un manque de suspense. A lui seul, le prologue donne déjà trop d'indices même s'il parvient à capter immédiatement notre intérêt.
Quand tout s'emboîte parfaitement bien dans un thriller, le lecteur sait la majorité du temps que l'auteur nous dirige volontairement vers une fausse piste avant de sortir de sa manche une ou deux cartes supplémentaires. Mais c'est un art que ne maîtrise pas encore assez François-Xavier Dillard, à mon avis le petit truc qui lui permettrait de devenir un auteur incontournable du genre.
Ici, quand deux pièces du puzzle s'emboîtent, il ne faut pas chercher de midi à quatorze heures, c'est que vous avez trouvé la solution.
Et même si le livre réserve quelques ultimes surprises imprévues, le plus gros de la trame se devine beaucoup trop rapidement et facilement.

Violent, éprouvant, émouvant également, Réveille-toi ! ne tient pas toutes ses promesses en termes de retournements de situation mais demeure un thriller qui sort du lot.
Il est difficile de s'en détacher en particulier grâce à sa folle intrigue et ses personnages aussi complexes que fascinants.

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