Ce tome comprend les épisodes 33 à 37, les derniers de la série, initialement parus en 2004, écrits par
Garth Ennis, dessinés et encrés par
John McCrea avec l'aide de Crimelab Studios, et mis en couleurs par Avalon Studios. Les couvertures ont été réalisées par
Tim Bradstreet. Ces épisodes ont souvent été réédités. Par la suite, Ennis a retrouvé
Steve Dillon pour une histoire supplémentaire du personnage : Punisher War Zone. Puis il a créé la version MAX du personnage.
Égal à lui-même, Punisher se trouve dans un sous-sol indéterminé, une grande pièce, où il est en train de défourailler et d'abattre à la volée une dizaine de criminels, avec un détachement qui n'a d'égal que son efficacité. Pendant ce temps-là, trois superhéros sont en train de parler de lui sur le toit d'un immeuble : ils sont d'accord pour dire qu'il faut mettre un terme à ses tueries. Logan évoque la façon dont Casle l'a malmené, allant jusqu'à lui rouler dessus avec un rouleau compresseur. Spider-Man a encore du mal à formuler exactement contre quoi Punisher s'est servi de lui comme un bouclier, il s'en sent encore tout souillé après tous ces jours. Daredevil se souvient avec frustration de la manière dont Castle l'a manipulé. Il faut l'arrêter parce que c'est un tueur. Daredevil explique ses conditions et les 2 autres superhéros y consentent. Il rappelle que les événements ont tendance à se précipiter en présence de Punisher, et généralement en défaveur de ses opposants. Pendant ce temps-là, Punisher continue d'abattre des membres de la pègre, en l'occurrence Mickey Clooney et la majeure partie de son gang d'irlandais, en tout cas plus qu'il n'avait escompté. Il se retrouve quand même devant une petite difficulté : quelques criminels ont réussi à descendre l'escalier intérieur et à se réfugier au niveau inférieur : Castle n'a pas envie de se lancer dans l'escalier et de servir de cible facile. Il se demande s'il a le temps de faire un aller-retour jusqu'au coffre de sa voiture, avant qu'ils ne se décident à essayer de remonter.
Punisher a tenté le coup et a réussi : il balance un bidon d'essence avec une grenade dégoupillée dans l'escalier. Résultat escompté atteint : un travail bien fait. Il descend pour vérifier et trouve un homme à terre encore conscient. Ce dernier commence à négocier : une information contre la vie sauve, ou plutôt des soins immédiats. Une vente illégale va bientôt avoir lieu dans New York, et celui qui emportera les enchères devient le maître de la ville. Punisher écoute et le laisse mourir. Un peu plus tard, il accoste l'inspecteur Martin Soap qui est en train de descendre des verres au bar Lucky, tout en s'épanchant avec Kevin le barman. Castle et Soap échangent quelques paroles sur la grosse vente à venir. Soap finit par lui dire qu'il est un véritable navire infesté. Punisher lui répond qu'il devrait sérieusement songer à arrêter la boisson. Soap le regard partir, avec de la crainte dans les yeux. Punisher est de retour dans la rue et interroge tous ses indics, avec sa délicatesse coutumière. Il finit par trouver un junkie qui en sait un peu plus : Roger Chan, le chef d'une triade, va mettre en vente cette arme puissante cette nuit à trois heures du matin. Punisher le remercie en le balançant par-dessus le parapet du toit.
Petit pincement au coeur : il s'agit du dernier tome, et
Steve Dillon n'est pas présent pour mettre un terme à la série. S'il a lu Punisher kills the Marvel Universe (1995) d'Ennis &
Doug Braithwaite, le lecteur peut craindre le retour du Ennis méchant s'acharnant sur les superhéros, hypothèse confortée par le titre du recueil. Celui-ci fait référence au roman
La conjuration des imbéciles (1980) de
John Kennedy Toole (1937--1969). de fait, le récit s'engage bien dans cette voie : les trois superhéros humiliés au cours des épisodes précédents ont décidé de régler la question, d'empêcher Punisher de nuire, c'est-à-dire de tuer qui bon lui semble sans autre forme de procès. le rappel des indignités que Punisher a fait subir à Spider-Man, Daredevil et Logan constitue une bonne entrée en matière pour contraster ses méthodes efficaces et définitives, avec leurs méthodes inefficaces. Comme lors de la rencontre entre Logan et Punisher, Ennis continue de faire du premier, un individu court sur patte, au tempérament nerveux et agressif, trop impatient pour se retenir, encore moins pour réfléchir. C'est sa prérogative d'auteur, mais c'est aussi une façon de la caricaturer, pour se moquer de lui plus facilement. Effectivement, il l'humilie à plusieurs reprises : Punisher lui tire dessus avec un bazooka, et Logan fait des choix idiots. McCrea en rajoute bien volontiers une couche en montrant un individu teigneux, agressif, avec des expressions de visage ne respirant pas l'intelligence, faisant souvent penser à
Sylvester Stallone.
Le scénariste se montre un peu moins mesquin vis-à-vis des deux autres superhéros. Spider-Man est un bon samaritain, gentil avec de bonnes intentions. du coup, il est facilement manipulé par Castle qui ne s'embarrasse ni de bons sentiments, ni de scrupules. McCrea reprend le principe d'une silhouette moins musculeuse que celle des autres superhéros, et rend son masque plus expressif en jouant sur la forme des yeux du masque, ainsi que sur l'épaisseur des traits de contours desdits yeux. Il tord un peu la silhouette de Spider-Man pour des postures acrobatiques dont il a le secret. Daredevil est le mieux loti à la fois sur le plan visuel, à la fois en termes de rôle. le dessinateur le représente comme un bon combattant, un bon acrobate (mais sans exagération) et un individu capable de prendre le temps de réfléchir. Ennis montre que Punisher ne prend la peine de discuter qu'avec Daredevil, celui qu'il juge le plus intelligent des trois. Finalement, ce n'est pas le jeu de massacre redouté, sauf pour le pauvre Logan qui en prend plein la tronche et qui se conduit comme un idiot impatient.
Punisher est donc sur un gros coup : une transaction qui attire beaucoup de convoitises, ça va être l'occasion de continuer à faire le ménage dans la pègre.
Garth Ennis poursuit dans la même veine que les histoires précédentes : un justicier dans la ville, très efficace, sans aucun état d'âme. Les criminels sont des coupables sans aucun doute possible : il convient d'exterminer ces individus toxiques pour la société. Il s'agit d'un récit servant de support à une catharsis : appliquer une solution simpliste et définitive à un problème qui peut être ainsi réglé définitivement, une sorte de réalisation d'un voeu. McCrea illustre ces massacres avec des dessins un peu crades, des silhouettes un peu caricaturées, des visages peu agréables à l'oeil. Punisher fait un sale boulot, et la réalité n'est pas reluisante. Les superhéros bon teint se retrouvent immergés dans cette réalité et, d'une certaine manière, rabaissés à ce niveau. Ce collaborateur régulier de
Garth Ennis s'adapte très bien aux standards en vigueur dans les comics : quelques cases avec des décors soignés, une majorité de cases avec des décors tout juste esquissés, ou des fonds de case vides, un peu remplis par un camaïeu rapide appliqué par le coloriste à la truelle. Cela donne une narration visuelle efficace, parfois un peu creuse. Quand un décor est représenté, le lecteur est impressionné par le niveau de détails : les briques du mur du toit et le réservoir d'eau, les bouteilles d'alcool sur les étagères du Lucky's Bar de Kevin, les rues poisseuses de New York, les toilettes du bar, le train dans lequel se retrouve Logan.
Presque malgré lui le lecteur se retrouve en train de sourire au sadisme calculé avec lequel Punisher tient les superhéros occupés, à la fois du fait du calme de Castle, de la déstabilisation des superhéros qui n'arrivent pas à se dépatouiller de ces situations épineuses, des expressions comiques des personnages. Il découvre avec surprise la nature de l'arme secrète vendue aux enchères. Il se retrouve encore plus estomaqué quand Punisher révèle ce qu'il a fait manger à son prisonnier. Effectivement Frank Castle se montre d'une intelligence pragmatique sans égale, et fait preuve d'un talent de fin stratège. de ce point de vue, Ennis reprend bien le principe du roman dont il a emprunté le titre : Castle est un individu intelligent capable d'anticiper, dans un monde d'idiots incapables de réfléchir par eux-mêmes. Il n'en reste pas moins difficile d'accepter la méchanceté dont Ennis fait preuve vis-à-vis de ces superhéros, humiliant Logan au point que le lecteur en vient à ressentir qu'il doit lui-même être un peu idiot de trouver du plaisir à la lecture des comics Marvel, alors qu'il est en train d'en lire un. Il remarque également que le scénariste a ajouté des séquences pour dire adieu à un personnage présent dans le premier récit Welcome back Franck : Spacker Dave. C'est à la fois drôle (le fait qu'il soit chasseur de superhéros), et à la fois déplacé parce que ça apparaît comme gratuit, détaché de l'intrigue. Ennis en rajoute également une couche avec Martin Soap (qui n'avait pas besoin de ça) alors qu'il lui avait déjà consacré l'épisode 32, ce qui, là aussi, apparaît un peu bizarre, une forme d'épilogue ajouté à la suite d'un épilogue qui semble déjà définitif.
Le plaisir de lecture de cette histoire dépend de la capacité du lecteur à faire abstraction du fait que
Garth Ennis crache dans la soupe, ou au moins mord la main de celui qui le nourrit en raillant méchamment Logan, dans un comics Marvel. À cette réserve près, il savoure une avant dernière histoire de Punisher version Marvel Knights, dans une veine de farce grotesque, accentuée par les dessins de
John McCrea, Punisher restant une machine à exterminer les criminels d'une rare efficacité.