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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Sophie Divry, romancière de talent, réussit toujours dans tous ses écrit ( La condition pavillonnaire notamment) à insuffler une certaine poésie dans son univers qui pourrait sembler un peu banal en premier lieu.

Dans sa nouvelle parution, elle laisse de coté la fiction en relatant le compte rendu d'entretiens réalisés entre septembre 2019 et février 2020 avec les cinq manifestants mutilés de la main lors du mouvement des Gilets jaunes. Elle laisse la parole à cinq destins ordinaires de travailleurs ayant du mal à joindre les deux bouts et dont la volonté de se faire entendre a joué contre eux, car ont vu leurs corps amputer d'une main, la droite celle qui servait à travailler.

Toujours fidèle à ses principes de mettre de la fiction et de la poésie dans le réel le plus tragique, Sophie Divry à fait de ces 5 destins une sorte de choeur, un peu comme on en avait dans les tragédies antiques; un choeur qui parle à l'unisson en une seule et même voix, pour démontrer sans doute que ces 5 mains absentes représentent un seul et même corps, social tout du moins.

Ce choeur de travailleurs emputés et imputés n'élude en effet rien des séquelles- .médicales, professionnelles, judiciaires, psychologiques, financières- de cette amputation dans un texte parfois dur et éprouvant.

Impossible dès lors de ne pas penser au film documentaire "un pays qui se tient sage " et à la discussion qu'on a récemment eu avec son réalisateur David Dufresne qui s'indigner du fait qu'on semblait prendre plus de cas pour un arc de triomphe dégradé qu'une main arrachée alors même " qu'un arc de Triomphe peut être nettoyé rapidement, un Fouquets, reconstruit plutôt vite aussi alors qu'une main arrachée, ça ne reviendra jamais. "

D'une façon certes différente dans son traitement et son approche, Cinq mains coupées de Sophie Divry raconte peu ou prou le même discours et dans un contexte où la violence légitime se pose de façon prégnante, ce discours, plus proche de l'humain est forcément salutaire.


Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Une fois qu'on a goûté l'écriture de Sophie Divry, il est difficile de l'oublier. Une auteure libre et fantaisiste, engagée, qui se réinvente roman après roman. Avec Cinq mains coupées, le projet est encore tout autre, c'est un livre-témoignage qui propose un texte composé de la parole de cinq manifestants ayant perdu leur main lors des manifestations des gilets jaunes. À partir d'extraits d'entretiens, elle reconstitue une narration collective de l'histoire de ces cinq hommes, avant, pendant et après leur « mutilation ».

"Je m'appelle Gabriel, j'ai 22 ans. Je m'appelle Sébastien, j'ai 30 ans. Je m'appelle Antoine, j'ai 27 ans. Je m'appelle Frédéric, j'ai 36 ans. Je m'appelle Ayhan, j'ai 53 ans. C'était le samedi 24 novembre. C'était le 1er décembre. C'était le 8 décembre. C'était à Bordeaux. C'était à Tours. C'était place Pey-Berland. C'était place Jean-Jaurès. C'était sur le boulevard Roosevelt dans le XVIe arrondissement. Ça s'est passé le 9 février devant l'Assemblée nationale, à Paris."

Ces cinq hommes ont en commun d'avoir perdu leur main droite, d'avoir vu leurs vies définitivement bouleversées. Tous racontent la violence, la sidération, la reconstruction après le traumatisme physique mais aussi psychique qu'ils ont subi. Ils parlent d'eux-mêmes et de leurs vies, mais évoquent aussi leurs proches, leurs familles ou leurs collègues, victimes collatérales d'un drame irréparable.
Derrière les mots apparaît en filigrane une fracture, au sein de la population déjà, mais également entre cette dernière et les forces de l'ordre. Et cette question, entêtante, pour la lectrice que je suis, et peut-être pour d'autres, pourquoi ? Pourquoi ce mouvement a t-il généré tant de violences ? Pourquoi l'utilisation de telles armes ? Pour information, le journaliste David Dufresne a dénombré, au 13 avril 2019, 1 décès et 613 personnes blessées par les forces de l'ordre, dont 238 blessées à la tête, 23 éborgnées et 5 ayant eu une main arrachée...

Un livre court mais intense, troublant et émouvant. Engagé. Militant.
Par son « offre d'un espace de parole », Sophie Divry donne la place qui leur revient à ces citoyens mutilés qui lui ont, parfois au prix d'un effort immense, donné la version de leurs histoires. La moindre des choses que je pouvais faire, c'était de les lire et de les écouter, en total respect.
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Sophie Divry a mené l'enquête et retrouvé les cinq hommes qui, durant les grandes manifestations des gilets jaunes en 2018, ont perdu une main, touchés par des grenades chargées au TNI de ces entretiens, l'auteure, journaliste de formation, a composé un récit choral où les mots des uns se mixent aux mots des autres, livrant un texte qui recompose les séquences successives au centre du bouleversement de leur vie. le moment de la charge, la blessure, la panique, l'hospitalisation, l'amputation, la revalidation, l'invalidité, la honte devant leurs parents ou leurs enfants. L'existence de types ordinaires - certains manifestaient pour la première fois, ni casseurs, ni enragés, ni radicaux, ni rien, mais de braves mecs de la classe moyenne qui voulaient faire entendre leur voix parce qu'ils pensaient que le gouvernement français leur manquait de respect... Un exercice de journalisme littéraire très réussi, un récit du réel qui a la force des meilleurs témoignages - émouvant, engagé et exemplaire.
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S'il y a quelque chose d'essentielle à retenir de cette lecture, il se trouve à la fin du livre: « Maintenant, nous savons que lors du mouvement des Gilets jaunes le nombre de blessés est monté à des hauteurs inédites. La France a vécu non seulement un mouvement social historique, mais une répression de masse. Officiellement: 2500 blessés, 12000 arrestations. 314 personnes atteintes à la tête par un flashball, dont 24 ayant perdu un oeil, Mme Redouane tuée des suites d'une grenade lacrymogène tirée vers sa fenêtre, et, donc, 5 mains coupées. » Tout comme il est primordial d'avoir en tête, il me semble, que le pouvoir macronien a utilisé une grenade GLI-F4, classée arme de guerre par le code de la sécurité intérieure, contre sa propre population.
Pour le reste, les cinq témoignages se mélangent les uns aux autres et souvent, hélas, on ne sait plus qui parle, le récit se brouille, on passe de Gabriel à Sébastien sans transition, sous prétexte de faire un choeur de ces histoires individuelles, c'est assez déroutant. J'aurais préféré plus de clarté, j'ai regretté le choix de cette déconstruction qui, à mes yeux, n'est pas à la hauteur de ces français qui ont perdu bien plus qu'une main ce jour là. J'aurais aussi voulu en savoir plus sur leurs motivations, sur leurs choix d'aller manifester à Paris, sur leurs vies ou conditions sociales. Qu'est-ce qui a motivé ces invisibles de la république à plus de visibilité? On n'en saura pas grand chose en lisant l'ouvrage de Sophie Divry.
Je salue en revanche cette initiative pour que jamais on n'oublie que de simples citoyens ont été démembrés par un pouvoir inique.
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