J'adore le caractère de la Babouchka, une de ces femmes directes qui démasquent le mensonge et l'obséquiosité des gens à leurs pieds parce qu'elle est riche et qu'elle devrait bientôt mourir ! Ahh l'héritage ! Ahh, l'Avidité !...
L'action se déroule au XIXè siècle, à Roulettenbourg, une ville d'eau imaginaire d'Allemagne, dont le casino attire de nombreux touristes. le général russe mène grand train en attendant le télégramme venant de Moscou annonçant la mort de la riche comtesse Antonine Vassilievna, sa tante. Il est entouré de sa nièce Pauline Alexandrovna, et les petits dont Alexis Ivanovitch est l'outchitel, le précepteur. Celui-ci est amoureux de Pauline qui, hautaine et arrogante, en profite pour lui faire exécuter des caprices, comme d'insulter un baron allemand.
Il y a deux ou trois autres parasites comme Blanche, 25 ans et sa mère, le marquis français prétentieux Des Grieux, et l'Anglais Astley dans l'entourage du général. Certains sont riches, d'autres ruinés, et d'autres pauvres.
Mais au lieu d'un télégramme annonçant la mort de la babouchka et donc son héritage, la voila qui débarque sans tambour ne trompette, et en pleine forme. Elle a vite fait de mesurer le caractère de chacun, et de le lui dire sans filtre : j'adore !
Mais elle se met à jouer. La première fois, tout va bien, elle gagne... Mais elle s'entête, et le deuxième jour, elle perd tout. Catastrophe : l'héritage est perdu... Que va faire ce petit groupe avide ?
Enfin, il y a trois exceptions que d'ailleurs Antonine aime bien : Astley, Pauline avec son fichu caractère, et Aleixis, qui sont tous les trois désintéressés.
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Pour moi, Dosto est l'écrivain russe dont je me sens le plus proche. Ce que j'ai aimé dans ce roman, c'est la peinture des caractères ;
l'hypocrisie ou la franchise qui vont avec ;
les personnages cyclothymiques comme Pauline ou le général ;
la caricature, vue par un Russe du Français élégant, de l'Anglais compassé, ou du Russe "ours";
les manigances et les dépendances des uns par rapport aux autres.
On s'y perd dans les différentes monnaies européennes qui ont cours au casino, et j'ai constaté qu'un Anglais et un Russe essayaient de s'exprimer en français pour se comprendre : c'est à croire que, comme l'anglais domine le monde actuellement, le français dominait l'Europe au XIXè siècle.
Il y a bien sûr le jeu, avec les yeux qui brillent et les mains qui tremblent, ce qui n'est pas sans rappeler
le joueur de
Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, de
Stefan Zweig !
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Enfin, il y a la Grand-Mère ! Une Mahaut d'Artois, un personnage haut en couleurs qui donne son second souffle au roman : )