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sur 2921 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Lu en 2017. J'ai découvert assez tardivement l'oeuvre célèbre de Fiodor Dostoïevski.
Le héros et tous les personnages gravitant autour ne m'ont guère inspiré de sympathie ; je n'ai pas toujours bien cerné leurs intrigues, leurs amours, leurs caractères complexes, infatués comme obscurs.
Il règne dans ce récit une atmosphère confuse et mouvementée, mais c'est une comédie humaine jubilatoire, comme cruelle, qui se "joue" autour du jeu, cette passion addictive et fatalement destructrice...
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Première incursion dans la littérature russe et l'oeuvre de Fiodor Dostoïevski pour ma part.
D'ordinaire, pour découvrir un auteur, je me lance directement dans une oeuvre emblématique. Mais je dois avouer que la profusion de pavés dans la littérature russe et chez cet auteur en particulier m'a orienté dans mon choix. Probablement pas le livre le plus représentatif de son auteur, d'ailleurs, il constitue visiblement, un aparté alors qu'en parallèle était écrit « Crime et Châtiment ». Dicté pendant 28 jours à celle qui deviendra vite sa femme ; « le joueur » est avant tout un livre que Dostoïevski doit à son éditeur pour honorer un contrat.

L'écrivain y mêle une grande part autobiographique : la passion pour le jeu qui l'animait lui-même, ainsi qu'une critique piquante et incisive à l'égard de la bourgeoisie européenne. Ainsi, les Polonais, Allemands, Français (ces derniers sont particulièrement méprisés par l'écrivain) n'apparaissent pas sous leur meilleur jour, seuls les Anglais semblant trouver grâce à ses yeux.
En moins de 200 pages, Dostoïevski brasse de nombreux thèmes, l'addiction au jeu, l'hypocrisie des relations mondaines, le rapport malsain à l'amour et à l'argent.
Pas son oeuvre la plus significative donc, mais elle a eu un rôle pivot dans l'orientation de sa vie. Outre son mariage avec sa sténographe, et d'honorer un contrat gênant avec son éditeur, ce livre lui a permis d'exorciser son démon du jeu, faire taire la douleur d'un amour manqué.

Dans les commentaires en fin de livre, G. Philippenko dit : « le moins touffu des romans de Dostoïevski, le moins « russe », le plus proche des goûts et des habitudes littéraires des lecteurs français. »
C'est vrai qu'on est dans une veine balzacienne, voir annonce les intrigues mondaines d'un Maupassant. Et comment ne pas penser en voyant le personnage d'Alexeï Ivanovich, au ludopathe énigmatique, né sous la plume de Stefan Zweig, dans « Vingt-quatre heures de la vie d'une femme » ?
Après sa lecture « le joueur » a éveillé un appétit pour une littérature et un auteur qu'il me tarde, désormais, d'assouvir.
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Le narrateur, Alexeï Ivanovitch, est éperdument épris de la belle fille du général à la retraite, dont il est le précepteur. L'histoire se déroule dans un casino en Allemagne dans un milieu mondain, alors qu'Alexis n'a pas un sou. On assiste au fur et à mesure a l'introduction d'Alexeï au milieu du jeu qui finit par une addiction puis une obsession 


Le roman a été écrit en 27 jours sous pression de son éditeur. Entre deux chapitres de crime et châtiment, Dostoïevski nous livre malgré tout un fondamentale de son oeuvre. Jugé le plus abordable de ses écrits, il reste néanmoins l'un des plus sublimes !
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Il y a quelque chose dans la littérature russe qui me plaît systématiquement à chaque lecture. Mais ce quelque chose, impossible de le décrire... Est-ce la musicalité de la langue qui est conservée à la traduction, est-ce la psychologie des personnages qui est si frappante ou bien la culture russe tout simplement ?

En tout cas, le coup de coeur est encore présent avec ce premier Dostoïevski ! Il paraît qu'il s'agit de son roman le plus occidental mais j'ai pourtant été marqué par les mêmes émotions que lors de mes précédentes lectures russes.

On y retrouve toujours ce jeu de relations maître/serviteur avec cette fois un retournement dans les rôles ! Car le précepteur du général va avoir entre ses mains le sort de la famille en allant jouer au casino ! Et ça, c'est extrêmement jouissif. Ce changement brusque dans les relations, ce transfert de pouvoir est magnifiquement orchestré et offre un fabuleux spectacle de messes basses et d'hypocrisie que seuls les auteurs russes peuvent proposer avec autant de précision.

Finalement, le jeu ne constitue qu'une petite partie de l'intrigue. Une bonne partie est dédiée à la relation malsaine entre Alexis et Pauline, relation dont j'ai fini par me lasser tant elle s'essouffle au fur et à mesure de l'intrigue. Hormis cela, il s'agit d'un excellent roman et je suis heureux d'avoir pu découvrir le talent de Dostoïevski qui aura mis moins d'un mois pour le composer.

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Ce livre condense, avec une précision typique de l'auteur, la psychologie inhérente au joueur. Comment il est possible de se dépouiller de tout au mépris de la loi immuable des grands nombres?

A lire et à méditer aujourd'hui où nous sommes, part bien des aspects assujettis au jeu.

Les personnages sont par ailleurs bien développés et le style est formidable, ce qui ne gâche rien.
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Retour de lecture sur "Le joueur", de Fiodor Dostoïevski, publié en 1866 et écrit dans l'urgence, en 27 jours, pour répondre à une obligation envers son éditeur. Malgré cette contrainte, ce roman, même s'il est relativement court, est une oeuvre marquante et réussie. L'auteur y raconte l'histoire de Alexeï Ivanovich, un percepteur au service d'un général pris dans des soucis financiers inextricables. Ils se retrouvent à Roulettenbourg, une ville imaginaire de Prusse qui dispose d'un casino. Alexeï est amoureux de la fille du général, qui a un caractère très difficile et qui est souvent méprisable envers lui. Autour d'eux gravitent d'autres personnages de diverses nationalités, plus ou moins liés financièrement et sentimentalement. le casino et le jeu, n'arrangeront évidemment les affaires de personne. Ce livre est plus abordable et facile à lire qu'une oeuvre comme les frères Karamazov, même si on y retrouve beaucoup d'éléments. le jeu, notamment la roulette, n'est qu'un prétexte pour Dostoïevski pour décortiquer l'âme humaine. Les scènes de jeu sont magistralement décrites, avec une tension palpable, mais sont finalement assez rares. Ce qui intéresse l'auteur ce n'est pas tant le jeu en lui-même, mais surtout la manière irrationnelle d'aborder celui-ci par ses personnages. C'est un roman très fortement autobiographique, joueur lui-même, il sait de quoi il parle, c'est donc avec brio qu'il arrive à nous décrire, à la première personne, comment la passion du jeu emporte Alexeï et par quelle gymnastique mentale il arrive à lui donner une dimension quasi divine et s'y perdre. On a là le portrait d'un homme qui se voit glisser petit à petit en enfer mais qui est incapable de résister. Un homme qui se laisse emporter par l'absurdité de ses désirs, que ce soit à travers le jeu mais également à travers ses relations amoureuses avec des femmes dominatrices et ambivalentes. Il est intéressant de voir comment l'auteur juxtapose ces deux faiblesses chez son personnage. Il nous dresse le portrait d'un homme à la psychologie complexe, en insistant évidemment sur toutes ses failles, un anti-heros typique de Dostoïevski. Tout ce qui tourne autour du jeu est magnifiquement bien décrit, j'ai eu par contre un peu plus de mal à comprendre les liens d'engagements, financiers ou autres, qui lient les différents personnages entre eux, quelles sont précisément les motivations de chacun ? Tout cela est donc un peu confus, mais c'est assez classique pour moi avec cet auteur et cela ne m'a pas empêché d'être emporté par la puissance du récit. J'ai également trouvé certains personnages secondaires un peu caricaturaux, surtout quand il s'agit de mettre en avant l'âme russe par rapport aux autres nationalités, ce qui est une thématique classique de l'auteur. Pour finir cela reste un bon roman pour aborder cet écrivain, les principaux ingrédients y sont, mais étant bien plus court, il n'a forcément pas la même puissance et cohérence que ses oeuvres phares.

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"Oui, il arrive que l'idée la plus folle, la plus invraisemblable, s'affirme dans votre esprit avec une force telle que vous en arrivez à la croire réalisable... Bien plus, si cette idée est conjuguée avec un désir violent, passionné, vous finissez parfois par la prendre pour une chose fatale, nécessaire, prédestinée; cela ne peut pas ne pas être, cela ne peut pas ne pas se produire !"
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🤩 Mon Dieu que j'ai eu peur de me lancer dans cette lecture. Mon Dieu que j'avais tort.

✒️ Quel bonheur de voir le monde sous la plume de Dostoïevski. Dans le joueur, l'auteur nous montre sa vision, certes, sombre de l'humanité, mais peint avec une telle poésie et une telle volonté du réel. Il ne cherche pas à nous amadouer, pas non plus à nous plaire. Il nous repousse pourtant, nous restons accrochés à ses mots nous-mêmes empreints d'un soupçon de passion.

🧘‍♂️ Aussi rapide que la bille qui roule avant de trouver sa case fatidique, la force et la violence des phases de jeu, comme celle des dialogues amoureux, nous jette aux yeux avec virulence l'état de transe et d'inconscience dans laquelle nous entrons pour jouer avec nos passions.

❤️‍🔥 Passion du jeu, amoureuse, de l'argent et du statut. L'auteur nous montre que dans l'exercice de notre folie nous nous ressemblons tous et ceci peu importe notre caste sociale.

📚 Perdant notre humanité dans les passions les plus humaines qui soient, Dostoïevski nous montre que toutes les folies sont à mettre au même plan. L'amour de la roulette se compare à celle d'une femme à travers la vie sinueuse de Alexeï Ivanovitch. Persuadé que son salut et son accomplissement se trouveraient dans le succès de ce jeu, qui ne laisse rien au hasard, va finalement perdre l'intégralité de son essence dans celle-ci. Après tout, nos exutoires sont souvent nos tombeaux.

💪 Ancien joueur lui-même, l'auteur nous donne sa réponse suffirait, une seule fois, d'avoir du caractère et, en une heure, je peux changer toute ma destinée. L'essentiel, c'est le caractère ». Toutefois dans le caractère de son personnage il nous montre dans la difficulté des gens qui se satisfont de la Superbe qu'il trouve dans la défaite, peut-être même plus que la victoire.
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Le jeune Alexeï Ivanovich est précepteur des enfants du général, il utilise pour lui-même le terme dédaigneux d'outchitel. Il est amoureux de Paulina, la belle-fille de son employeur. Paulina semble le mépriser, mais sait le trouver quand elle a besoin de lui. Pour elle, Alexeï est prêt à faire n'importe quoi, et il le fait.

Je ne m'attendais pas à comprendre l'addiction au jeu en lisant ce court roman ; je m'ennuie dans les casinos, n'y puisant aucun plaisir. J'espérais néanmoins saisir les réactions de certains personnages quand leur histoire n'a rien à avoir avec le jeu, mais Alexeï et Paulina ne sont parvenus ni à me toucher ni à se faire comprendre de moi.

Quant à la révélation finale, elle n'éclaircit rien et rend le personnage de Paulina encore plus étrange.

Le roman se déroule au milieu du XIXe siècle dans une ville d'eau imaginaire, où se trouve un casino. Dostoïevski décrit un monde qui n'aime guère les Européens, en particulier les Français et les Allemands. Les personnages russes ne se gênent pas pour le dire, quant aux personnages français, ils le démontrent sous la plume de l'auteur.

Lien : https://dequoilire.com/le-jo..
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Le joueur/ Fiodor Mikhailovitch Dostoievski /Livre de poche : version intégrale.
En 1862, Dostoievski visite pour la première fois l'Occident et notamment les plus célèbres salles de jeu : Baden-Baden, Ems, Wiesbaden …
Au cours d'un second voyage, il y perdra toute sa fortune à la roulette.
Lui viendra alors l'idée d'écrire un roman sur le jeu, l'enfer du jeu dès 1863.
Mais ce n'est que plus tard, après la mort de sa femme, puis de son frère, acculé par les créanciers qu'il se décidera à signer chez un éditeur pour une édition de ses oeuvres complètes agrémentée de ce roman inédit. La date butoir est fin 1866.
Pour aller plus vite, il engage une secrétaire qui copie sous dictée durant 25 jours l'intégralité du roman « le joueur ».
Ce roman va être une manière d'exorcisme : en la décrivant, il va tenter de neutraliser sa passion du jeu. le bouc émissaire sera son personnage Alexis Ivanovitch
Il demandera ensuite sa main à sa secrétaire, Anna Snitkine huit jours plus tard et l'épousera trois mois écoulés.
Deux mois après le mariage, couverts de dettes, Dostoievski fuit la Russie pour l'Allemagne où il va jouer jusqu'en 1871 avec l'argent de sa femme. C'est alors qu'il lui envoie une lettre dans laquelle il lui annonce qu'il a cessé de jouer.
L'exorcisme avait oeuvré.
Dans le roman, Alexis est obnubilé et fasciné par cette boule de roulette dont le mouvement est rigoureusement imprévisible, mais il ne peut se faire à cette idée, comme tous les joueurs, et va tenter d'élaborer des systèmes pour gagner. Mais c'est en jouant de façon irrésolue qu'il va le plus gagner…
S'engage alors une réflexion sur la probabilité de voir sortir le rouge ou le noir. Ce n'est pas parce que le rouge est sorti 16 fois de suite que le noir va sortir la 17é. Car à chaque fois, il y a une chance sur deux et pas davantage que ce soit telle ou telle couleur. Peut-on user de la statistique pour jouer, statistique qui veut que sur un très grand nombre de fois, le rouge et le noir s'équilibre ? Là est la question. C'est un dilemme irritant pour le joueur qu'est Alexis.
« Par une fantaisie bizarre, ayant remarqué que le rouge était sorti sept fois de suite, je m'y attachai. Je suis convaincu que l'amour-propre entrait là pour une bonne moitié ; je voulais étonner les spectateurs en prenant un risque insensé et (étrange sensation !), je me souviens nettement que je fus soudain, sans aucune incitation de l'amour-propre, possédé par la soif du risque. »
Amoureux de Pauline, la fille du général, il va dans un premier temps jouer pour elle car dans la bonne société, une jeune fille ne joue pas. Mais cela n'est pas si simple car en jouant pour Pauline il lui semble qu'il hypothèque ses chances s'il gagne, lorsqu'il jouera ensuite pour lui. Question de statistique !
En fait, dans ce bref mais dense récit, les huit premiers chapitres sont assez insipides, le joueur ne jouant pas beaucoup mais faisant plutôt une cour maladroite à la belle Pauline Alexandrovna qui ne s'en laisse pas conter et repousse ses avances.
Dès le début de la deuxième partie, l'arrivée impromptue d'Antonine Vassilievna, la charismatique et fortunée grand-mère, tante du général, va produire un électrochoc au sein du petit groupe désoeuvré. Alors qu'elle était supposée être à l'article de la mort, la voici qui débarque le sac empli de roubles et ne s'en laisse conter par personne. Il faudra attendre pour l'héritage ! le général est la principale cible de sa vindicte, et Alexis son protégé. Infirme, (elle se déplace en fauteuil roulant), âgée de 70 ans, excentrique au possible, elle a la passion du jeu. Mais elle ne sait pas jouer. Et elle a prévenu le général : elle ne lui prêtera pas un sou.
Alors vont avoir lieu des parties de roulette ébouriffantes où Antonine va conjuguer le meilleur et le pire, toujours dans l'excès et l'extravagance et n'en faisant qu'à sa tête dans un style de jeu tout à fait hors norme.
Des retournements de situation vont amener Alexis à jouer pour son compte de façon effrénée et ce pour les beaux yeux de la capricieuse Pauline. Tour à tour précepteur, secrétaire et laquais pour se renflouer, il joue et il joue, fiévreusement jusqu'à la frénésie. Il passe même par la case prison pour dettes de jeu mis de bons amis l'en sortiront. La tentation hystérique qui s'empare des joueurs à l'approche de la table ne l'épargne pas. Emporté hors du temps et de l'espace, il ne pense plus qu'à ce plaisir compulsif qui ne peut que le mener à la ruine.
À noter que Dostoievski dans ce récit ne fait jamais oeuvre de moralisateur.
D'autre part, tout en vantant le caractère russe qui vit de passion sans calcul, il fustige les pays européens et surtout la France et l'Allemagne qui pour lui ne sont que des calculateurs.
Un livre intéressant pour aborder l'immense oeuvre de Dostoievski.


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Le joueur fut rédigé sous la pression d'un pari fou. Comme d'habitude criblé de dettes et menacé de saisie, Dostoïevski a accepté les conditions abusives de son éditeur : si son prochain roman ne paraît pas à la date attendue, l'écrivain devra lui céder, gratuitement et pour une durée de neuf ans, les droits de publication de tous ses futurs écrits. L'auteur est alors plongé dans la rédaction de Crime et châtiment. Il lui reste vingt-sept jours pour présenter un livre. Et il va y réussir, dictant un autre court roman à une sténographe, Anna Grigorievna Snitkina, qu'il épousera l'année suivante, et, deux heures avant l'échéance, alors que l'éditeur s'est délibérément éclipsé, faisant enregistrer au commissariat le dépôt de son texte.


Sauvé in extremis, Dostoïevski n'a pas signé ce contrat suicidaire sous la seule pression du désespoir et du manque d'argent. Il aime jouer avec le feu et se déclare lui-même malade du jeu et de la dépendance qu'il crée. Depuis l'adolescence, il a pris l'habitude de solliciter ses proches pour financer son goût des jeux de hasard, et, depuis quelques années, a découvert le frisson de la roulette lors de ses séjours dans les villes d'eaux, alors si courues, d'Europe occidentale. Il y laisse chaque fois jusqu'à sa chemise et plus encore, avant de se refaire dans l'urgence dans des élans éperdus de création littéraire. Sa vie est un chaos qui rejaillit jusque dans son oeuvre, son génie ne s'épanouissant qu'au bord du gouffre. Il gagne beaucoup d'argent, mais en manque constamment, éternel flambeur pour qui thésauriser n'est qu'avarice, le défaut de son père.


C'est donc son double que l'on découvre ici, dans la ville d'eau imaginaire de Roulettenbourg où se presse la bonne société européenne, confinée dans un entre-soi hiérarchisé et hypocrite, avide de distraction et de scandale. Alexeï Ivanovitch est le précepteur des enfants d'un Général sur le retour, ruiné mais prêt à toutes les folies – et donc très impatient d'hériter de sa vieille tante, la Baboulinka, qu'il fait passer pour déjà morte – pour épouser Mademoiselle Blanche, une demi-mondaine française. Lui-même épris de Paulina Alexandrovna, la belle-fille du Général, le jeune homme entretient avec elle une relation maladive, très semblable à celle qui lie l'auteur à sa maîtresse Pauline Souslova, dans un jeu pervers d'attraction-répulsion où il semble prendre un certain plaisir à se faire humilier.


Tout ce petit monde oisif ne gravitant qu'autour des obsessions de l'amour et de l'argent, c'est naturellement autour de ces deux thèmes que se font et se défont les relations entre les personnages. Pendant que la promiscuité de la villégiature favorise jeux et calculs amoureux – si elle se montre indifférente au timide et transi Anglais Mr Astley, Paulina aimerait bien plaire au marquis des Grieux, un Français qui joue les pique-assiette sans jamais se départir de sa terrible condescendance –, l'on s'en va s'offrir d'autres sensations sonnantes et trébuchantes au casino, en particulier autour de la roulette. Envoyé jouer pour le compte de Paulina, puis de la Baboulinka soudain débarquée comme une apparition à Roulettenbourg, Alexeï, conscient de mettre les doigts dans un piège dont il ne sortira plus tant le jeu le prend déjà aux tripes, tombe peu à peu dans l'addiction.


C'est ainsi qu'à la cinglante peinture d'un microcosme gouverné par l'ambition et par la soif d'argent, occasion pour lui de fustiger les si méprisantes nations occidentales pourtant bien petitement calculatrices comparées à la flamboyance passionnée de l'âme russe, l'écrivain adjoint le portrait incomparablement lucide d'un joueur compulsif, malade du jeu et de l'excitation qu'il provoque, en réalité prisonnier de ses désirs : désir d'argent, mais aussi désir d'amour, puisque lorsque son personnage réalise que Paulina l'aime, sa propre passion s'éteint. Ce qu'il aime, ce n'est pas l'objet de son désir, mais sa passion même : le désir.


Considéré comme la préfiguration de ses oeuvres les plus connues, le joueur est le roman d'une obsession d'autodestruction. Conscient de sa folie mais incapable d'y résister, fasciné jusqu'à l'horreur par l'abîme dans lequel il se regarde tomber, son protagoniste confronté à l'absurdité de ses désirs, y compris amoureux puisqu'ils le font s'éprendre de femmes dominatrices, capricieuses et ambivalentes – figures qui deviendront récurrentes chez Dostoïevski –, porte déjà en germe cette fièvre de la passion paroxystique pouvant conduire aux pires extrêmes, y compris le crime.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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