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sur 2884 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le joueur fut rédigé sous la pression d'un pari fou. Comme d'habitude criblé de dettes et menacé de saisie, Dostoïevski a accepté les conditions abusives de son éditeur : si son prochain roman ne paraît pas à la date attendue, l'écrivain devra lui céder, gratuitement et pour une durée de neuf ans, les droits de publication de tous ses futurs écrits. L'auteur est alors plongé dans la rédaction de Crime et châtiment. Il lui reste vingt-sept jours pour présenter un livre. Et il va y réussir, dictant un autre court roman à une sténographe, Anna Grigorievna Snitkina, qu'il épousera l'année suivante, et, deux heures avant l'échéance, alors que l'éditeur s'est délibérément éclipsé, faisant enregistrer au commissariat le dépôt de son texte.


Sauvé in extremis, Dostoïevski n'a pas signé ce contrat suicidaire sous la seule pression du désespoir et du manque d'argent. Il aime jouer avec le feu et se déclare lui-même malade du jeu et de la dépendance qu'il crée. Depuis l'adolescence, il a pris l'habitude de solliciter ses proches pour financer son goût des jeux de hasard, et, depuis quelques années, a découvert le frisson de la roulette lors de ses séjours dans les villes d'eaux, alors si courues, d'Europe occidentale. Il y laisse chaque fois jusqu'à sa chemise et plus encore, avant de se refaire dans l'urgence dans des élans éperdus de création littéraire. Sa vie est un chaos qui rejaillit jusque dans son oeuvre, son génie ne s'épanouissant qu'au bord du gouffre. Il gagne beaucoup d'argent, mais en manque constamment, éternel flambeur pour qui thésauriser n'est qu'avarice, le défaut de son père.


C'est donc son double que l'on découvre ici, dans la ville d'eau imaginaire de Roulettenbourg où se presse la bonne société européenne, confinée dans un entre-soi hiérarchisé et hypocrite, avide de distraction et de scandale. Alexeï Ivanovitch est le précepteur des enfants d'un Général sur le retour, ruiné mais prêt à toutes les folies – et donc très impatient d'hériter de sa vieille tante, la Baboulinka, qu'il fait passer pour déjà morte – pour épouser Mademoiselle Blanche, une demi-mondaine française. Lui-même épris de Paulina Alexandrovna, la belle-fille du Général, le jeune homme entretient avec elle une relation maladive, très semblable à celle qui lie l'auteur à sa maîtresse Pauline Souslova, dans un jeu pervers d'attraction-répulsion où il semble prendre un certain plaisir à se faire humilier.


Tout ce petit monde oisif ne gravitant qu'autour des obsessions de l'amour et de l'argent, c'est naturellement autour de ces deux thèmes que se font et se défont les relations entre les personnages. Pendant que la promiscuité de la villégiature favorise jeux et calculs amoureux – si elle se montre indifférente au timide et transi Anglais Mr Astley, Paulina aimerait bien plaire au marquis des Grieux, un Français qui joue les pique-assiette sans jamais se départir de sa terrible condescendance –, l'on s'en va s'offrir d'autres sensations sonnantes et trébuchantes au casino, en particulier autour de la roulette. Envoyé jouer pour le compte de Paulina, puis de la Baboulinka soudain débarquée comme une apparition à Roulettenbourg, Alexeï, conscient de mettre les doigts dans un piège dont il ne sortira plus tant le jeu le prend déjà aux tripes, tombe peu à peu dans l'addiction.


C'est ainsi qu'à la cinglante peinture d'un microcosme gouverné par l'ambition et par la soif d'argent, occasion pour lui de fustiger les si méprisantes nations occidentales pourtant bien petitement calculatrices comparées à la flamboyance passionnée de l'âme russe, l'écrivain adjoint le portrait incomparablement lucide d'un joueur compulsif, malade du jeu et de l'excitation qu'il provoque, en réalité prisonnier de ses désirs : désir d'argent, mais aussi désir d'amour, puisque lorsque son personnage réalise que Paulina l'aime, sa propre passion s'éteint. Ce qu'il aime, ce n'est pas l'objet de son désir, mais sa passion même : le désir.


Considéré comme la préfiguration de ses oeuvres les plus connues, le joueur est le roman d'une obsession d'autodestruction. Conscient de sa folie mais incapable d'y résister, fasciné jusqu'à l'horreur par l'abîme dans lequel il se regarde tomber, son protagoniste confronté à l'absurdité de ses désirs, y compris amoureux puisqu'ils le font s'éprendre de femmes dominatrices, capricieuses et ambivalentes – figures qui deviendront récurrentes chez Dostoïevski –, porte déjà en germe cette fièvre de la passion paroxystique pouvant conduire aux pires extrêmes, y compris le crime.

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C'est toujours un plaisir pour moi de me replonger dans les auteurs du 19e, d'autant celui-ci faisait parti de mes écrivains préférés au lycée. le joueur de Fiodor Dostoïevski était parfait pour m'imprégner à nouveau de son travail, tandis que je visitais Saint-Pétersbourg, il y a quelques jours, la ville où il vécut, écrit, mourut . Son ancien appartement fut un point de passage obligé...
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Un roman du Maître assez bref, surtout si l'on considère la somme de pavés tels que "Crime et châtiment" ou encore "Les frères Karamazov", et qui met en scène Alexei Ivanovitch, le narrateur, être sans classe sociale ni âge bien définis, épris de Paulina, elle-même pupille d'un général russe qui bave devant les charmes d'une demi-mondaine française intrigante et déterminée ; un riche et discret industriel anglais, un français à particule jouant les Don Juan, une vieille tante fortunée tout à fait toquée... un récit où sont mis en miroir la passion et ses illusions, le jeu et ses addictions, à moins que ce ne soit la passion et ses addictions, et le jeu et ses illusions ?

Un roman certes bien écrit - on parle quand même du Maître - mais qui a, à mon goût, un rythme un peu trop rapide, presque théâtral (d'où le petit air de vaudeville de la première partie ?), sans doute parce qu'il s'agit d'une oeuvre dictée dans un délai serré pour échapper au chantage d'un éditeur peu scrupuleux.

J'oserai un rapprochement quelque peu anachronique avec "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme" de Stefan Zweig qui traite également du jeu et de ses conséquences, simplement parce qu'à la lecture de ces deux oeuvres j'ai ressenti la même chose : une grande fascination pour la description de l'emprise des jeux de hasard sur les hommes et leur destin, et en même temps un manque quasi total d'empathie et d'affection pour les personnages, aussi bien envers les hommes qu'envers les femmes.

Néanmoins, une belle peinture de la société d'une époque (révolue ?) où se dessinaient en filigrane, derrière les cartes, les ambitions, les peurs, les espoirs et les détresses humaines.


Challenge XIXème siècle 2018
Challenge des 50 Objets 2018 - 2019
Challenge MULTI-DEFIS 2018
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J'adore le caractère de la Babouchka, une de ces femmes directes qui démasquent le mensonge et l'obséquiosité des gens à leurs pieds parce qu'elle est riche et qu'elle devrait bientôt mourir ! Ahh l'héritage ! Ahh, l'Avidité !...
L'action se déroule au XIXè siècle, à Roulettenbourg, une ville d'eau imaginaire d'Allemagne, dont le casino attire de nombreux touristes. le général russe mène grand train en attendant le télégramme venant de Moscou annonçant la mort de la riche comtesse Antonine Vassilievna, sa tante. Il est entouré de sa nièce Pauline Alexandrovna, et les petits dont Alexis Ivanovitch est l'outchitel, le précepteur. Celui-ci est amoureux de Pauline qui, hautaine et arrogante, en profite pour lui faire exécuter des caprices, comme d'insulter un baron allemand.
Il y a deux ou trois autres parasites comme Blanche, 25 ans et sa mère, le marquis français prétentieux Des Grieux, et l'Anglais Astley dans l'entourage du général. Certains sont riches, d'autres ruinés, et d'autres pauvres.
Mais au lieu d'un télégramme annonçant la mort de la babouchka et donc son héritage, la voila qui débarque sans tambour ne trompette, et en pleine forme. Elle a vite fait de mesurer le caractère de chacun, et de le lui dire sans filtre : j'adore !
Mais elle se met à jouer. La première fois, tout va bien, elle gagne... Mais elle s'entête, et le deuxième jour, elle perd tout. Catastrophe : l'héritage est perdu... Que va faire ce petit groupe avide ?
Enfin, il y a trois exceptions que d'ailleurs Antonine aime bien : Astley, Pauline avec son fichu caractère, et Aleixis, qui sont tous les trois désintéressés.
.
Pour moi, Dosto est l'écrivain russe dont je me sens le plus proche. Ce que j'ai aimé dans ce roman, c'est la peinture des caractères ;
l'hypocrisie ou la franchise qui vont avec ;
les personnages cyclothymiques comme Pauline ou le général ;
la caricature, vue par un Russe du Français élégant, de l'Anglais compassé, ou du Russe "ours";
les manigances et les dépendances des uns par rapport aux autres.
On s'y perd dans les différentes monnaies européennes qui ont cours au casino, et j'ai constaté qu'un Anglais et un Russe essayaient de s'exprimer en français pour se comprendre : c'est à croire que, comme l'anglais domine le monde actuellement, le français dominait l'Europe au XIXè siècle.
Il y a bien sûr le jeu, avec les yeux qui brillent et les mains qui tremblent, ce qui n'est pas sans rappeler le joueur de Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, de Stefan Zweig !
.
Enfin, il y a la Grand-Mère ! Une Mahaut d'Artois, un personnage haut en couleurs qui donne son second souffle au roman : )
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Lorsque Dostoïevski perd toute sa fortune à la roulette, l'idée lui vient d'écrire un livre sur l'enfer du jeu. L'histoire se passe à Roulettenbourg en Allemagne. Nous suivons un jeune homme nommé Alexis Ivanovitch qui exerce le métier de "outchitel" (précepteur) pour les enfants d'un général. La psychologie est fortement présente dans ce roman. Alexis est amoureux de la belle-fille de son employeur et décide de gagner de l'argent pour la séduire. Malheureusement, il tombe peu à peu dans la passion folle du jeu. Paulina est au premier abord méprisante, étrange et ingrate mais se cache au fond une belle âme effrayée par la vie. le général attend désespérément la mort de sa tante Baboulinka pour pouvoir épouser Blanche, une jeune et belle française à l'affût de l'héritage du général. L'auteur nous offre une peinture de la société bourgeoise de son temps tout en nous plongeant dans un univers palpitant. le Joueur a été une belle première découverte du monde russe, le domaine du jeu est traité avec brio.
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Dans ce roman, Dostoïevski aborde avec lucidité et cruauté l'univers du jeu. Comme toujours il nous présente des personnages hauts en couleurs, étudiés avec soin qui gravitent autour du héros : Alexeï Ivanovitch, jeune précepteur de la famille du général. le décor est planté : « Roulettenbourg » la bien nommée avec ses tables de jeu.

Tout commence comme une comédie légère : le général, amoureux d'une aventurière, Blanche, joueuse reconvertie en prêteuse sur gages, attend avec impatience le décès de la grand-mère, la « Baboulinka » pour pouvoir hériter et payer ses dettes de jeu.

Alexeï est amoureux de Pauline, belle-fille du général ; engluée dans les dettes, elle-aussi, elle lui propose de jouer à sa place et il va tomber dans l'engrenage.

Dostoïevski, joueur lui-même nous livre, à travers son double Alexeï, un brillant récit de l'addiction : le regard hypnotisé par la petite boule qui s'agite devant les yeux des joueurs, les pièces d'or qui tintent, l'impossibilité de s'écarter de la table sans avoir conscience de ce qu'on perd car on pense toujours pouvoir se refaire, les décharges d'adrénaline, l'obsession pour le jeu qui occupe toutes les pensées, tous les autres centres d'intérêt ayant fini par disparaître.

L'auteur égratigne au passage la société russe, les nobles oisifs qui perdent de l'argent sans se soucier des autres (le général claque au jeu aux dépens de ses propres enfants), mais il n'épargne pas les Français, tel l'intrigant des Grieux, les Allemands ou les Anglais comme Mr Astley. Par exemple, il décrit sans ménagement, avec férocité même, la société patriarcale de l'époque pages 42 et 43:

« Eh bien, toutes ces braves familles d'ici sont complètement soumises et asservies au Vater. Tous, ils travaillent comme des boeufs et épargnent l'argent comme des Juifs. Admettons que le Vater a déjà amasser tant de florins et il compte sur son fils aîné pour lui transmettre son métier ou son lopin de terre. A cette fin, on ne dote pas la fille qui restera vieille fille. Toujours pour la même raison, on vend le cadet en servitude ou à l'armée et cet argent va alimenter la caisse patriarcale. » P 42

Il règle ses comptes avec tout le monde, il a suffisamment fréquenté les salles de jeu, où il a perdu beaucoup pour se le permettre et il réussit à raconter quand même une histoire d'amour mais l'amour est-il possible dans l'univers infernal du jeu?

Une scène d'anthologie : l'arrivée de la Baboulinka, censée avoir un pied dans la tombe, et sa chance insolente lorsqu'elle s'assied pour la première fois à la table de jeu…

Ce roman est court, mais d'une intensité incroyable, le rythme de l'écriture suit celui de la boule sur la roulette; l'auteur parvient à susciter l'exaltation du lecteur : c'est vif, ça tourbillonne… Fiodor Dostoïevski l'a composé et dicté à sa future épouse, Anna Grigorievna Snitkina, en seulement trois semaines, en octobre 1866 car il s'était engagé à fournir rapidement un manuscrit à son éditeur (« Crime et châtiment » était en cours de rédaction).

J'ai lu et aimé « crime et châtiment », il y a quarante ans, mais je n'avais pas lu d'autres romans de Dostoïevski, remettant toujours à plus tard jusqu'à l'été dernier, en voyant la retransmission des « Frères Karamazov », magistralement joué au festival d'Avignon qui m'a scotchée…

Je continue l'aventure, en gardant « les frères… » pour la fin car il est considéré comme son meilleur roman.

Challenge XIXe siècle 2017
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Livre du hasard puisque trouvé dans une boîte à livres, parfait pour un challenge voire plusieurs, belle affaire. J'ai lu avec un certain plaisir de retrouver la plume d'un autre siècle. Ils avaient un truc qu'on ne retrouve plus malheureusement avec les auteurs contemporains. J'ai beaucoup apprécié l'ambiance du casino, l'effervescence, le fièvre, le désarroi , toutes les émotions des joueurs.
J'ai beaucoup apprécié le passage avec la vieille tante russe ! elle m'a bien fait rire.
Un tableau parfaitement détailler des dangers du jeu qui restent toujours d'actualité voire encore plus avec les jeux en ligne. Tellement tentant de cliquer , cliquer et encore cliquer sans jamais se défaire de cette spirale infernale.
Dostoeivski, a goûté à ce démon et a su retranscrire très justement cette bête qui avale les joueurs, ce besoin de croire inlassablement à leur dernière chance jusqu'au dernier centime.
Une lecture intéressante, amusante.
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Passion, Passion et Passion . Alexis Ivanovitch suit la famille du Général à Roulenttenbourg en tant que précepteur . Roulenttenbourg est une ville d'eaux en Allemagne, la bonne société internationale s'y côtoie,les margoulins aussi .
Quel nom prédestiné que celui de Roulenttenbourg, roule , roule... la vie, les amours des uns et des autres , l'argent qui file entre les doigts, et la petite bille qui saute de case en case et ce tapis vert et ses douze numéros du milieu, les douze premiers, les douze derniers , rouge, noir et ce zéro !!!
Alexis Ivanovitch est fou amoureux de Polina Alexandrovna qui ne regarde que ce français! C'est pour elle que la première fois il s'assied à la table de la roulette , c'est son argent qu'il perd..mais le danger rôde et bientôt la passion du jeu va le dévorer , l'engloutir, l'anéantir...
Mythiques ces scènes de jeu, la grand-mère qui s'assied dans son fauteuil à roulettes et découvre le casino et ses aigrefins toujours polonais...
Ce roman est il le reflet de l'oeuvre de Dostoïevski ? je ne pourrais vous le dire mais le fait qu'il ait été dicté à son épouse lui confère vivacité et oralité. le fait que lui-même était un joueur invétéré lui apporte crédibilité et véracité .Le génie de Dostoïevski en plus .......
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Je vais jouer. Juste le temps d'un tour de roulette ou deux. Pas plus. Après, je rentre me coucher. Je vais placer quelques sous (des frédérics, des gouldens, des florins, des francs, des roubles, ou que sais-je encore) sur le noir. Ou sur le rouge. Sur « passe ». Ou sur « manque ». Et pourquoi pas sur le zéro, tiens ? Ça fait un moment qu'il n'est pas sorti ! Je vais peut-être rafler la banque ! Zut, j'ai presque tout perdu. Allez, foutu pour foutu, je vais mettre tout ce qu'il me reste sur le rouge. Je vais me refaire ! Oui, je le sens bien, je vais me refaire ! Flûte, c'est le noir qui sort. Fichue boule ! Maudit croupier ! J'arrête tout ! Plus jamais je ne mettrai les pieds dans un casino, plus jamais je ne perdrai la tête en attendant que la boule s'arrête sur le numéro sur lequel j'ai misé, plus jamais je ne miserai… plus jamais… jusqu'à ce que j'ai de nouveau de quoi jouer…

Ah, l'enfer de l'addiction au jeu ! Combien se sont fait interdire de casino pour éviter de tout perdre ! le Joueur de Dostoïevski, alias Alexeï Ivanovitch, sait très bien de quoi il retourne !

Après un début que j'ai trouvé un peu long, l'entrée en scène de la baboulinka, cette vieille tante fantasque dont on doit hériter mais qui ne veut pas mourir, lance l'action et précipite les personnages dans toutes sortes de mésaventures. L'argent, qu'il s'agisse de celui des gains et des pertes au casino, d'un héritage tant attendu ou d'une cocotte qui séduit les hommes pour se faire entretenir, est au coeur de ce court roman. L'amour est présent aussi mais il est annihilé par cet argent qui brûle les doigts et qui rend fou. Et tout le monde en prend pour son grade : les femmes, les Français, les Russes, les Polonais… Dostoïevski n'a épargné personne. Pas même son personnage principal, Alexeï Ivanovitch, qui agit comme une marionnette dirigé par les femmes, puis par sa passion dévorante pour la roulette. C'est donc à partir de l'arrivée de la baboulinka à Roulettenbourg que j'ai trouvé le Joueur fascinant : les personnages, leurs rapports les uns aux autres, leurs déboires, la description des passions qui dévorent certains d'entre eux… Et cette plongée dans l'enfer du jeu ! Ce roman est aussi l'illustration parfaite que la puissance et la densité d'un livre n'ont aucun rapport avec le nombre de ses pages.

C'est mon premier roman de Dostoïevski et je suis ravie d'avoir découvert sa plume. Il n'est jamais trop tard ! Prochain rendez-vous avec cet auteur pour moi : Crime et châtiment.
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Je me suis enfin décidé à aborder la montagne Dostoïevski par la face « roman court » du Joueur, que m'avait conseillé Nastasia-B. Je ne suis pas dans mon élément naturel là. Attendez-vous donc à du très subjectif.

Je suis avant tout très mitigé face à ce que j'ai lu. La qualité d'écriture ou de traduction (très moderne, celle de l'édition Babel) n'est pas en cause ; c'est simplement assez éloigné de ce qui me fait résonner comme un diapason.
La première partie m'a présenté un ensemble de personnages qui m'ont carrément donné la nausée. Pas un pour rattraper l'autre. Derrière des façades d'hommes et de femmes du beau monde européen en villégiature sur la riviera du Rhin, se dévoilent des sentiments d'envie, d'âpreté au gain, de cruauté. Quelques-uns attendent impatiemment qu'une certaine riche grand-mère crève pour pouvoir toucher l'héritage ; d'autres jouent des jeux de chat et souris autour de l'amour qu'ils prétendent éprouver ou ne pas éprouver et manipulent cruellement ceux qui se jettent à leurs genoux.
Bref, beurk !

Puis l'arrivée de la fameuse grand-mère bien trop en forme va faire exploser les petits compromis de cette bande pas très fréquentable (que je n'aimerais en tout cas pas fréquenter). A ce moment, le soleil et la joie pénètrent dans le roman. Ce coffre-fort sur roues qui n'a pas la langue dans sa poche m'a énormément plu. Elle m'a tellement fait rigoler, cette grand-mère. Quel plaisir ai-je donc éprouvé à voir toute la petite bande de coucous s'étrangler de dépit ou de fureur face aux propos et aux actes de cette force de la nature.

Et puis les nuages sont revenus. Quelques personnages deviennent complètement accroc au casino et perdent ou gagnent des sommes indécentes à la roulette. Ils en oublient tout ce qui comptait pour eux jusqu'à présent, leurs buts, leur amour-propre même s'effacent devant la bille qui hésite entre rouge et noir. Hésite-t-elle vraiment ? le hasard ne la guide pas pourtant, c'est la volonté du Deus ex machina, de l'auteur, qui choisit « pair » ou « manque ». Dostoïevski impose le mouvement de la bille pour amener ses personnages là où il veut. Il contrôle le jeu et le scénario.

Dostoïevski nous fait lire les carnets d'Alexeï et en reste donc à un niveau de pénétration minimale des personnages. A aucun moment nous n'avons accès à la psychologie profonde qui les fait agir. On en est réduit aux suppositions, aux étonnements, comme Alexeï. Polina était-elle prise d'une passion pour Alexeï ? L'auteur de la postface du roman le prétend. Moi, franchement, je n'ai vu aucune passion amoureuse dans cette histoire. Des palabres, oui ; des comportements bizarres ; mais les émotions ne sont jamais exprimées avec sincérité (sauf la grand-mère, bénie soit-elle). le comportement d'Alexeï avec « Mlle Blanche » qui s'accoquine avec tout mâle disposant d'un peu de fric m'a sidéré et déçu, celui du général qui poursuit Mlle Blanche aussi.

Enfin, j'ai apprécié que le roman laisse deviner l'opinion de Dostoïevski sur les habitants des divers pays d'Europe. C'est tranché, cliché, plus en négatif qu'en positif. On comprend vite qu'il ne tient pas les Français dans son coeur (« La France, pays de Racine et de la beauté reçue en héritage, devenue creuse, involontaire » dit le traducteur à la fin du roman). Souvenir de Napoléon ? Allez savoir. Mais c'est surtout sur les Russes qu'il se lâche. Il aime sa patrie. Il donne à ces personnages russes comme un sentiment d'infériorité exacerbé vis-à-vis des occidentaux, qui les fait parfois déclamer avec une passion blessante. Ce sentiment, j'ai l'impression qu'il existe encore de nos jours.

Je ne sais pas si je poursuivrai la découverte de l'oeuvre de Dostoïevski. Pas dans l'immédiat en tout cas. Dumas, Scott, Brontë et Austen font la queue pour que je les lise.
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