es frères Karamazov, pilier de la littérature russe, qui réunit tous les thèmes chers à l'auteur la religion, la psychologie, le choix du libre arbitre, la vérité, le coeur humain,le destin, le jugement. Entreprendre une critique est déjà difficile tant ce roman est foisonnant.Tout est finement analysé à travers des personnages impressionnants de réalisme que le romancier a sculptés. Certains passages sont le moment pour
Dostoïevski de s'exprimer pleinement sur ses thèses métaphysiques la religion, notamment le passage du Grand Inquisiteur, et du diable avec Ivan. Puis le reste c'est une véritable symphonie.
Dans une symphonie il y a plusieurs types de nuances de couleurs sur la palette, de crescendos et decrescendos, d'instruments, il y a des passages plus ou moins bouleversants, je pense en particulier à la cinquième Symphonie de Beethoven. Bref, dans une symphonie on n'est pas obligé de tout apprécier. Dans
les frères Karamazov, certains passages sont rebutants, digressions qui s'étendent sur plusieurs pages où l'auteur se laissant emporter veut nous exposer toutes ses idées. Mais de temps en temps
Dostoïevski atteint le point culminant de l'émotion en particulier quand les personnages lâchent prise, qui se laissent agir sans prendre conscience. Je pense à la scène avec Ivan et le diable qui symbolise sa conscience, ou Dimitri quand il arrive dans la chambre avec les polonais et Grouschenka et qu'ils se soûlent tous ensemble on atteint le summum de l'émotion, les personnages gris agissent en mouvement, vivent, de belles scènes de jeu, des paroles. Plusieurs scènes dans ce livre resteront éperdument gravés dans ma mémoire, des scènes avec Aliocha et Illioucha petit gosse qui lui mord le doigt. Les scènes avec Kolia et Aliocha avec le petit garçon qui n'ose pas montrer ses sentiments et qui se dissimule derrière un autre visage. Quant aux personnages des trois frères et de leurs relations, elles sont profondément complexes . Dimitri, homme passionné par les femmes et par l'argent et qui hait son père depuis toujours mais qui est en réalité très fragile, Ivan, homme digne qui croit à une vie sans dieu, politisé, et rationnel, qui chérit son frère sans le lui avouer, Aliocha, homme tendre, sensible qui est venu sur terre pour faire le bien ( on retrouve ici un peu le Prince de
l'idiot), amoureux de la vérité et qui croit avec ardeur en Dieu seul consolateur des hommes. Ces trois personnages et bien d'autres ( Catherina, Grouschenka, Smerdiakov,le staret Zosmine, Maximov, Lise et sa mère) se retrouvent embarqués dans une intrigue policière car le père des trois frères Fidor Palvovitch, homme égoïste vil qui vit pour l'argent a été assassiné. Celui-ci n'a pas pris soin de ses enfants, les a laissé à d'autres et a trompé beaucoup de femmes. Les scènes de jugement inoubliables avec le procureur et l'avocat qui s'expriment à travers une plaidoirie de plus de 50 pages. Des scènes de réconciliation,des scènes de passion, d'argent. Mais les trois frères sans qui se le disent sont profondément unis et s'aiment à la folie. Ce livre est un gouffre dont on sort abasourdi, épuisé, passionné. Bien sûr on peut penser que
Dostoïevski décrit des personnages démesurés, insensés, mais la richesse de l'oeuvre et la précision de chaque caractère rend les personnages plus vrai que nature, nourris de contradictions, qui évoluent avec les événements, ce sont des morceaux de vie qui sont décrits, toute la richesse, les angoisses profondes; les questionnements face à la religion.
Dostoïevski a déployé toutes ses forces pour décrire des personnages qui réunissent toute ses pensées, ses thèses sur la nature humaine, sur le mensonge, sur la peur. Ce livre est une expérience inoubliable en littérature qui fera voyager le lecteur dans de multiples abîmes, dans plusieurs vies, plusieurs cerveaux, plusieurs questions profondes.
C'est une mine, une source, un océan d'une richesse inépuisable dans lequel on ne distingue pas le fond. Je le relirai pour y trouver d'autres aspects comme on réécoute une symphonie. Un livre poignant, bouleversant; choquant, resplendissant qui fera vibrer le lecteur comme aucun livre. Au milieu de ce livre, on a des petits passages chargés d'émotion et de sensibilité ( passage de Lise et Aliocha, de celui avec le groupe d'enfants devant la pierre où le petit voulait qu'on l'enterre et Aliocha qui leur demande d'aimer la vie et de se rappeler de ce ce moment plus tard.) Je ne pourrai pas tout dire et je laisse aux lecteurs la joie de découvrir ce roman qui suscitera des questions existentielles sur la vie d'un homme et ce qui s'y passe à l'intérieur. Un chef d'oeuvre sur tous les plans, une symphonie littérale que je relirai dans plusieurs années. Peut être le plus grand
Dostoïevski. Tout n'est pas dit on aurait aimé qu'il poursuive cette histoire éblouissante, au lecteur de réfléchir désormais après avoir terminé la dernière page.