Les grands écrivains russes peuvent parfois faire peur. Voici le roman idéal pour un lecteur qui ne serait pas familier de l'oeuvre de
Dostoïevski et qui souhaiterait s'y plonger. Il s'agit d'un récit court, mais qui retranscrit parfaitement le talent de l'homme dans sa capacité à décortiquer l'âme humaine et à explorer ses tréfonds les plus obscurs, inquiétants et...comiques! On ne le dit ainsi pas assez, mais ce grand auteur russe est un maître de l'étrange et de l'absurde qui, poussés à leur extrême, peuvent en devenir aussi déroutants que drôles.
L'éternel mari en est le parfait exemple.
Alexei Ivanovitch Veltchaninov est en proie à une forte neurasthénie. Ancien coureur de jupons, ancien grand mondain, il n'a plus que dégoût pour le monde et s'interroge sur la vacuité de l'existence. Il est de plus contraint, pour une affaire administrative, de vivre à Saint-Pétersbourg qu'il n'aime pas, luttant pour toucher une rente qui lui est due et qu'il n'arrive pourtant pas à percevoir. Mais surtout, depuis quelques jours, un homme semble le suivre et l'épier. Un soir, cet homme force même la porte de son appartement. Veltchaninov reconnaît alors Pavel Pavlovitch, mari de l'une de ses anciennes maîtresses, qu'il a follement aimée quelques années plus tôt. Ce dernier lui apprend la mort de sa femme. Débute alors un face à face aussi grotesque qu'effrayant.
L'affrontement du mari et de l'amant aurait pu tourner à un vaudeville amusant façon
Labiche ou Feydeau, mais nous sommes chez
Dostoïevski, auteur où la folie et la mort ne sont jamais loin. S'il y a quelque chose de foncièrement comique dans les relations entre l'homme trompé et l'amant d'autrefois, l'ambiguïté des desseins du mari et son comportement pour le moins étrange tiennent le récit sur le fil du tragi-comique et laisse planer un constant suspense sur cet affrontement tantôt amical, tantôt violent, jusqu'au dénouement final. L'histoire de Pavel Pavlovitch, alcoolique et bouffon, que nous découvrons page après page, nous réserve de nombreuses surprises. Il est parfois ridicule et veule, parfois monstrueux et inquiétant et, comme Veltchaninov, on ne sait jamais sur quel pied danser avec lui. On le craint, on s'en moque, au fil d'un récit savamment troussé et plein de rebondissements.
Chez
Dostoïevski les personnages ne sont jamais faits d'une seule pièce et les situations toujours empruntes d'une certaine ambiguïté. Les femmes sont à l'unisson de ce récit où rien n'est jamais figé, tantôt victimes, tantôt bourreaux, elles sont craintes ou moquées.
Rires et frissons se mêlent ainsi en un bon mélange dans ce récit trouble et captivant où la folie n'est jamais loin.
Tom la Patate
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