J'aime beaucoup les anciennes couvertures des romans publiés dans le livre de Poche et celle-ci est très parlante par rapport au contenu du roman..... Au premier plan une fillette, Lisa, une dizaine d'années, ensuite un homme vêtu de noir, Pavel Pavlovitch Troussotzky,
L'Eternel mari, le dos voûté, accablé, semble-t-il par son deuil, ensuite un élégant et bel homme, fier, droit, Aléxéï Ivanovitch Veltchaninov et enfin en arrière-plan une femme, Natalia, dont on ne distingue plus les traits et pour cause car elle est décédée depuis 9 ans.... Elle était l'épouse de Troussotzky et la maîtresse en autre de Veltchaninov..... Mais Troussotzky était-il au courant, Lisa est-elle sa fille ou celle de Veltchninov ou d'un autre amant, qui sait quoi ?
Mon premier
Dostoïevski et je dois dire que je l'ai lu d'une traite..... Une très belle surprise car je m'attendais à une écriture ennuyeuse, difficile et finalement j'ai trouvé cela très plaisant à lire, voire captivant car tenue par les personnages, ressentant toute la tension qui règne entre les deux protagonistes : Veltchaninov et Troussotzky, n'osant chacun dévoiler ses aveux, l'un pour entretenir la torture et le doute, l'autre pour ne pas avouer sa trahison au mari infortuné et peut-être dans l'ignorance, chacun, entretenant une sorte d'emprise sur l'autre.
Nous sommes à Pétersbourg, Veltchaninov est tourmenté car il veut régler au plus vite un problème d'héritage dont le procès traîne en longueur. C'est un homme hypocondriaque, centré sur lui-même, analysant tous les troubles qu'il ressent mais aussi tourmenté par ses remords. On n'en connaît pas la cause dans un premier temps mais quand il croise Troussotzky, par hasard croit-îl, les souvenirs se précisent. Il a été pendant un an l'amant de Natalia et après son départ il savait qu'un enfant était né. Mais il a continué sa vie sans se soucier d'une éventuelle paternité.
L'arrivée de Troussotzky, l'homme au chapeau au crèpe noir, trouble, parfois violent, gros buveur, parlant par énigmes va semer le trouble dans la vie de Veltchaninov, Celui-ci va faire la connaissance de Lisa, s'y attacher, lui offrir pour quelques jours une autre vie que celle que lui offre Troussotzky mais le drame va survenir, poussant au paroxysme les sentiments des deux hommes.
Doïstoïevsky a écrit ce court roman en 1870, après
l'Idiot et
Crime et Châtiment. C'est avant tout pour moi un roman psychologique, sur le cheminement des sentiments surtout quand ils n'ont aucunes certitudes sur lesquelles s'appuyées. Veltchaninov est un homme dont la conscience ne le laisse pas en paix, qui se pose beaucoup de questions, s'inquiète de tout et l'arrivée de Troussotzky dans sa vie après neuf ans, va réveiller le sentiment de culpabilité, de remords mais aussi de doutes. Doute sur sa paternité, doute sur ce que sait Troussotzky de sa liaison avec sa femme, vivant celle-ci comme une trahison et redoutant sa vengeance.
La fièvre va les gagner, les hanter comme certains fantômes qui leur rendent visite, échauffant les esprits, parfois les corps jusqu'à trouver dans une sorte de morale finale qui prouve que l'homme reste ce qu'il est, surtout
l'Eternel mari. Les personnages féminins évoqués sont souvent représentés comme futiles, tentatrices et j'ai été assez bouleversée du peu d'importance de Lisa dans la vie des deux hommes.
La démarche psychologie des personnages est extrêmement bien décrite, suggérée, le texte est très vivant par ses dialogues, mais aussi par les réflexions, le cheminement des pensées de Veltchaninov bien que le personnage principal soit
l'Eternel mari, Troussotzky, car c'est lui qui détient les clés. Ce dernier est peu sympathique : il tourmente Lisa, la brutalise verbalement, moralement, voulant la faire témoin de sa vie de débauche et peut-être lui en faire porter la responsabilité. La relation des deux hommes est même parfois ambiguë, faite à la fois de violence mais aussi de proximité, presque d'amour. Cela ressemble presque à un vaudeville si la situation n'était pas aussi dramatique, la mort de l'enfant n'étant présentée que comme un événement presque mineur, ne troublant pas Troussotzky qui apparaît, disparaît laissant Veltchaninov en plein doutes et conjectures.
Une belle surprise à la fois parce que l'histoire se lit presque comme un policier, les doutes subsistant presque jusqu'à la fin mais surtout par l'analyse des comportement qu'en fait l'auteur. L'écriture est vivante, pas de temps mort, l'auteur enchaîne les faits y mêlant les questionnements de Veltchaninov faisant de Troussotzky le révélateur, l'axe principal, celui par qui la vérité devra se faire.
Je pense avoir choisi le bon roman pour aborder cet auteur, cela me donne envie de lire par exemple
l'Idiot ou
le Joueur (inspiré grandement par son propre goût du jeu) avant peut-être un jour de découvrir
Crime et Chatiment ou
les Frères Karamazov, son dernier roman.......
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