Mais, en même temps, le Saint-Père donnait diffusion à certaines idées étranges, issues de sa vivace intelligence, et qui, émises du haut de la chaire pontificale, n’étaient pas sans provoquer de grands remous parmi les docteurs des facultés de théologie. Ainsi s’était-il prononcé contre l’Immaculée Conception de la Vierge Marie qui ne constituait pas un dogme, certes, mais dont le principe était généralement admis. Il admettait tout au plus que le Seigneur eût purifié la Vierge avant sa naissance, mais à un moment, déclarait-il, difficile à préciser. Jean XXII, d𠆚utre part, ne croyait pas à la Vision béatifique, en tout cas jusqu𠆚u Jugement dernier, déniant par là qu’il y eût encore aucune âme en Paradis et, partant, en Enfer. Pour beaucoup de théologiens, de telles propositions fleuraient un peu le soufre. Aussi, à cette table même, se trouvait assis un grand cistercien nommé Jacques Fournier, ancien abbé de Fontfroide qu’on appelait « le cardinal blanc » et qui employait toutes les ressources de sa science apologétique à soutenir et justifier les thèses hardies du Saint-Père.
Deuxième partie
Chapitre I. La table du pape
— L’hérésie ! L’hérésie ! répondit le pape Jean dans un chuchotement. Occupons-nous donc dord d𠆚rracher celle qui fleurit dans nos nations et ne nous soucions point tant d𠆚ller presser les abcès sur le visage du voisin quand la lèpre ronge le nôtre ! L’hérésie est mon souci, et je m𠆞ntends assez bien je crois à la poursuivre. Mes tribunaux fonctionnent, et j𠆚i besoin de l𠆚ide de tous mes clercs, comme de celle de tous les princes chrétiens, pour la traquer. Si la chevalerie d𠆞urope prend le chemin de l’Orient, le diable aura champ libre en France, en Espagne et en Italie ! Depuis combien de temps Cathares, Albigeois, et Spirituels se tiennent-ils en paix ? Pourquoi ai-je fragmenté le gros diocèse de Toulouse, qui était leur repaire, et créé seize nouveaux évêchés dans la Langue d’oc ? Et vos pastoureaux dont les bandes ont déferlé jusqu’à nos remparts voici bien peu d𠆚nnées, n’étaient-ils pas conduits par l’hérésie ? Ce n𠆞st pas sur le temps d’une seule génération que l’on extirpe un tel mal. Il faut attendre les fils des petits-fils pour en avoir fini.
Deuxième partie
Chapitre I. La table du Pape
Louve de France, dont les crocs acharnés
Déchirent les entrailles de ton époux mutilé...
Thomas Gray
Charles IV n'était pas beaucoup plus sot sans doute que des milliers d'hommes du même âge qui, en son royaume, hersaient les champs de travers, cassaient les navettes de leurs métiers à tisser, ou débitaient la poix et le suif en se trompant dans leurs comptes de boutique; le malheur voulait qu'il fût roi, ayant si peu de facultés pour l'être.
La vie survient parfois semblable au songe qu'on en a fait, et c'est seulement alors qu'on peut se dire heureux.
Il s'en consolera en allant tout à l'heure écouter les moines chanter l'office de nuit, plaisir qui peut paraître étrange pour un homme qui devient sourd.
L'homme est une unité pensante qui agit sur les autres hommes et transforme le monde. Et puis, soudain, l'unité se désagrège, se délie et qu'est-ce alors que le monde, et que sont les autres?
Tant il est vrai que les années changent peu notre nature et qu'il n'est pas d'âge pour nous délivrer des erreurs. Les cheveux blanchissent plus vite que les faiblesses.
Chaque homme qui meurt est le plus pauvre homme de l'univers.
La reine observait les gouttelettes de sueur qui perlaient au front de son mari. Rien ne répugne davantage à une femme que la sueur d'un homme qu'elle a cessé d'aimer.