Le visage qui apparaît en couverture n'est guère avenant, c'est le moins qu'on puisse dire.Tout balafré de cicatrices, de profondes rides, un bandeau couvrant l'oeil gauche. C'est un pirate, à n'en pas douter. Et cela me ramène en enfance. C'est aussi le cas de
Jean Dufaux (le scénariste). Dans sa préface, il annonce : « On écrit pour saluer le gamin, l'enfant, l'adolescent qu'on laisse derrière soi. » Il rend hommage à tous ces films d'aventures qui ont bercé sa jeunesse et développé son imaginaire. Il mentionne notamment
Errol Flynn auquel il réserve une place de choix puisqu'un de ses personnages porte son nom. Et moi aussi, je l'aimais beaucoup pendant ma période « cape et épées ». J'étais fascinée par « L'Île au trésor » (de
Robert-Louis Stevenson) que j'ai lu et relu. Et, plus loin dans son texte, Dufaux l'évoque également. J'ai donc envie de tourner les pages de ce « Barracuda » en dépit du regard froid et bleu acier de Blackdog qui défie les téméraires.
Le Barracuda en question, c'est son navire qui éveille la panique chez ceux qui l'aperçoivent. Sa devise n'est-elle pas : « Pas de pitié. Pour personne. Jamais. » ?
Il apparaît dès les premières planches et entame un combat sanglant avec le galion espagnol qui transporte Dona Emilia Sanchez del Scuebo et sa fille. Comme ils l'ont annoncé, les pirates ne font pas de quartier, malgré la vaillance du capitaine de la Loya qui reste bientôt seul face aux assaillants assoiffés de sang. Pourtant, il ne sera pas tué, mais livré à la mer dans une barque. Cela vaut-il mieux ?
Quant aux belles dames, pour tenter de le préserver, elles déguisent Emilio, leur jeune domestique, en fille. C'est ainsi qu'il devient Emilia. Elles échappent à la mort, certes, mais leur sort en est-il plus enviable pour autant ? Elles représentent une marchandise de choix pour le marché des esclaves sur l'île de Puerto Blanco.
Le volume s'ouvre sur des dessins préparatoires de Jérémy. On comprend donc d'emblée le soin que le dessinateur a apporté à son travail. Les bateaux sont représentés jusque dans leurs moindres détails. Les scènes de batailles (on a envie de dire de carnage) sont vraiment cinématographiques. Les visages réalistes et très expressifs. Les trognes des assaillants contrastent avec les traits délicats de Dona Emilia et sa fille, ainsi que la beauté androgyne de leur serviteur. Chaque vignette constitue un petit tableau où tout est précis. Ainsi, les costumes sont magnifiques, les épisodes surprenants se succèdent : la consultation d'une sorcière aux yeux de serpent, un marché aux esclaves, la maison de Mister Flynn. Il règne une unité de couleurs alternant entre les teintes orangées chaudes et celles bleu-vert des passages de nuit.
A la fin, Blackdog part à la recherche d'un diamant fabuleux, mais maudit, et doit laisser son fils blessé sur l'île ce qui laisse présager une suite (l'histoire entière compte six volumes). Bien sûr, j'embarque vers le tome 2.