Citations sur Une exécution ordinaire (122)
- Une curieuse expérience que celle des camps. Je dois reconnaître que je n'en ai pas vraiment souffert. Nous étions un petit groupe assez libre de nos mouvements. Je lisais beaucoup. Je ne peux pas dire que je me sois fait beaucoup d'amis. Ce n'est pas ma nature, le culte de l'amitié, c'est une façon de se donner bonne conscience pour détester le reste de l'humanité, et je n'en ai pas besoin. Non, en Sibérie, la vie n'a jamais été autre chose que rude.
Je vous ai raconté tout cela bien volontiers, mais ne vous sentez pas obligé de vous livrer à votre tour. Nous ne sommes pas tenus à l’équilibre. Et puis les choses sont différentes. Voilà si longtemps que tout cela a eu lieu. J’ai fait mon deuil, ce temps nécessaire pour oublier ceux qu’on a aimés et se convaincre que ce n’est pas vrai. Il faut s’accrocher à de petites joies quotidiennes, dit-on.
L’amour comme l’amitié sont longs à bâtir mais il suffit d’une seconde pour les anéantir.
La liberté d'expression récente manquait de saveur, car elle n'était pas l'aboutissement d'une lutte, mais d'un simple effondrement
Et puis je crois que, de son expérience en RDA, il a compris qu'on pouvait piéger quelqu'un de bonne foi. Il se l'est rappelé quand tous les aventuriers qui tournaient autour de lui ont essayé de le compromettre.
Mon commandant, je n'ai pas choisi le KGB, vous le savez bien. On ne postule pas pour le KGB, c'est lui qui vous recrute.
Depuis plusieurs mois , une crainte légitime l'avait incitée à porter , cachée dans ses vêtements , une capsule de cyanure pour se soustraire à tout interrogatoire ou torture , si par hasard on venait à l'arrêter . Elle ne voulait pas souffrir.Ce n'était pas dans sa nature , pas plus que de passer de longues années dans les grands froids de l'Est , sans savoir le temps qui lui resterait avant que l'être humain ne cède à l'animal , puis l'animal à la mort.
La marine n'était pas encore capable de dresser la liste des disparus [...] car deux équipages se partageaient en temps normal l'Oskar et ils ne savaient pas lequel avait pris place dans le sous-marin. Il faut avoir entendu ce genre de propos une fois dans son existence pour réaliser à qui nous avions confié la vie de nos êtres chers. Rendez-vous compte, la marine a besoin de temps pour savoir qui a embarqué sur un de ses sous-marins nucléaires. [...] Du tragi-comique, nous sommes passés sans transition à la tragédie.
Au bout du compte, que sont ces 23 vies, comparées à un secret d'état à naitre? Rien. Et cela n'a rien de choquant. Le contraire aurait étonné. Dans un pays où la vie ne vaut rien, où la mort a longtemps été une délivrance, peut-on concevoir qu'on échange des siècles d'exercice du pouvoir dans le secret contre les 23 vies d'hommes qui ont choisi le métier des armes? Le contraire aurait été à lui seul une révolution. Et de révolution, dans ce pays, nous n'en avons jamais eu.
L’idée de faire un port à la latitude du cercle polaire s’explique par le fait que la mer n’y gèle jamais, réchauffée par le Gulf Stream, un de ces rares étrangers à avoir été autorisé à circuler sur nos côtes tout au long de notre histoire sans être un agent double. p 219