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EAN : 9782070132355
368 pages
Gallimard (13/04/2012)
3.93/5   1314 notes
Résumé :
Al Kenner serait un adolescent ordinaire s'il ne mesurait pas près de 2,20 mètres et si son QI n'était pas supérieur à celui d'Einstein. Sa vie bascule par hasard le jour de l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Plus jamais il ne sera le même. Désormais, il entre en lutte contre ses mauvaises pensées. Observateur intransigeant d'une époque qui lui échappe, il mène seul un combat désespéré contre le mal qui l'habite.
Inspiré d'un personnage réel, Avenue des... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (227) Voir plus Ajouter une critique
3,93

sur 1314 notes
Connaissez-vous Edmund Kemper ? de mon côté, j'ignorais son existence jusqu'à la lecture de ce livre. Cet homme est un tueur en série américain, ayant commencé ses crimes à l'âge de 15 ans. Ses grands-parents furent ses premières victimes. Surnommé "l'Ogre de Santa Cruz", il est toujours emprisonné à l'heure actuelle. Marc Dugain, dans ce roman, va largement s'inspirer de la vie de Kemper afin de créer son personnage, al Kenner. Création ? Peut-être pas finalement car le destin de son personnage est semblable en tous points, ou presque, à celui du tueur. Ce serait presque une biographie romancée si ce n'était un ou deux événements qui changent. Mais alors, me demanderez-vous, qu'a-t-il d'original, ce roman ?

Ce qui m'a le plus étonnée, c'est que bien que sachant ce qu'il s'est passé, après recherches, je me suis mise, au fur et à mesure, à douter, à me demander si al était vraiment le meurtrier. le roman est conçu de telle sorte que le lecteur entre dans la psychologie (romancée, cette fois, je vous l'accorde) du jeune homme. Et c'est justement ce qui fait froid dans le dos. al est d'un calme olympien, relatant les choses sans une once de pitié, sans aucun scrupule ni esquisse de regret.

Je n'ai toujours pas lu La Chambre des officiers, qui prend la poussière depuis quelques années sur mes étagères mais je vais aller le ressortir car le style de cet auteur m'a bien plu.
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Audiard disait : «  Quand les types de 130 kilos disent certaines choses , les types de 60 kilos les écoutent « .
Al Kenner a tout du colosse ! Véritable tour de contrôle de 2,20 m dépassant allègrement le quintal , il est de ces personnages qui attirent immédiatement une certaine camaraderie de complaisance à défaut d'une camaraderie certaine ! Ajouter à cela un QI supérieur à celui d'Einstein et vous aurez une idée assez précise de ce que fut l'un des sérial killer Américain les plus redoutables qui défraya la chronique dans les années 60 ! Alors , n'y voyez aucune poltronnerie de ma part à hésiter vouloir émettre un avis négatif à son encontre mais juste un instinct de survie bien légitime suscité par un éclair de lucidité aussi rare que salvateur ! Car en effet , en plus de ses caractéristiques hors norme , le p'tit Kenner possède un hobby des plus atypiques . Là où la majorité d'entre nous - alors jeunes fous-fous en mal de sensations fortes - se bornaient à pratiquer assidument le colin-maillard sur champ de mines voire la marelle pieds joints en diagonale , le gars al , lui , à ses nombreuses heures perdues , dessoudait , disséminait , flinguait , éparpillait façon puzzle ! Beaucoup . Trop .

Dugain - aucun lien de parenté avec notre Michel national et son big bazar , encore qu'avec Al...- , se fend d'un exercice littéraire peu commun . En effet , se basant sur la véracité historique du tristement célèbre Edmund Kemper – rebaptisé al Kenner pour l'occasion - , l'auteur prend le pari de nous immerger corps et âme dans ce qui aurait pu être la substantifique moelle de cet être aussi monstrueux que fascinant !
Il eut tout aussi bien pu l'intituler : moi , al Kenner , tueur en série , ma vie , mon oeuvre .
Majoritairement avéré , ce récit pourtant fictionnel est une réussite totale ! Sans véritablement faire dans le sensationnel et le gore , Dugain se focalise sur le pourquoi du comment du Pont de Ligonnès ! Une enfance pervertie aux cotés d'une mère castratrice , le passage incontournable par la case "  viens ici petit animal que je te décapite gentiment "  , les premiers émois sanguinaires...Dugain fait dans l'authentique , s'assurant , du coup , de la crédibilité de son oeuvre en devenir . Portrait magistral d'une Amérique en guerre ou tuer au vietnam devient un devoir national alors que , parallelement , le mouvement hippie contestataire essaime à tout vent , il fascine de par son approche intellectuelle et délivre un bouquin inclassable à fort relent d'improbable possibilité .
Belle écriture , beau bouquin , bon moment !

Avenue des Géants , véritable boulevard littéraire !
3.5 / 5
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Né aux Etats-Unis en 1948, Al Kenner est le fils non désiré d'un couple mal assorti. Après le divorce parental, il se voit confier à ses grands-parents à l'adolescence. La grand-mère est castratrice, exigeante, et le grand-père ferme les yeux pour ne pas avoir d'ennuis avec sa redoutable épouse. Ces environnements destructeurs conduisent Al à l'irréparable à quinze ans. Il échoue alors à l'hôpital psychiatrique, où il est suivi par un médecin d'une grande sensibilité, aux paroles sages, apaisantes, déculpabilisatrices... On comprend vite que ce séjour sera suivi d'une longue incarcération, puisque le récit de la jeunesse d'Al alterne avec des visites d'une femme au parloir, alors qu'il a plus de soixante ans.

Brillant roman ! Parfaitement construit, riche en réflexions et dialogues pertinents, au contexte socio-politique passionnant. Un personnage hors du commun, de par sa stature, son intelligence extraordinaire et son prétendu 'manque d'empathie'. Il apparaît tout aussi fascinant et émouvant que dérangeant et répugnant. On découvre peu à peu toute l'horreur de son enfance, qui explique ses comportements surprenants et excessifs - envers les femmes en général et sa mère en particulier, mais aussi son dégoût du mouvement hippie, son attirance pour la guerre du Vietnam... Le malaise croît au cours du récit : comment Al en est-il arrivé là ? L'auteur nous y amène subtilement, après avoir fait germer quelques doutes. Et le final est époustouflant, bouleversant, terrifiant.

Cette lecture choc (un de mes coups de coeur 2012) m'a rendue impatiente de découvrir les autres ouvrages de Marc Dugain.

[l'idéal est de ne rien savoir de la trame et du personnage avant de découvrir cet ouvrage, pour qu'il revête toute la puissance qu'il mérite]
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Nous sommes aux États-Unis et nous faisons la connaissance d'un adolescent presque ordinaire, al Kenner. Il a quinze ans. Jusque là tout va bien. Signe particulier : il est grand, oui mais très grand. Il mesure près de 2,20 mètres, il en impose donc et son Q.I. est supérieur à celui d'Einstein.
Son histoire prend un tournant un certain 22 novembre 1963, mais un événement majeur ce jour-là, - événement à l'échelle mondiale, l'empêchera de passer à la postérité. Oui, la vie de cet adolescent va basculer ce jour-là dans l'horreur, ce jour-là où précisément John Fitzgerald Kennedy est assassiné à Dallas. Non, je ne vous annonce aucun scoop, les deux événements n'ont rien à voir l'un et l'autre. Ce n'est rien qu'une coïncidence. Mais pour al Kenner, plus rien ne sera comme avant. Plus jamais il ne sera le même...
Dans cette trajectoire qui l'amène de cet adolescent de 15 ans à l'homme de 60 ans qui purge une peine à vie dans une prison de Californie, là une femme Susan un peu plus âgée que lui vient lui rendre visite une fois par mois. Que s'est-il passé entre ces deux périodes ?
Que pourrait-on dire pour mieux cerner son portrait si insaisissable ?
Il est un enfant non désiré d'un couple qui a toujours été dissonant. Sa mère, puissante, ne l'a jamais aimé. Il est très vite rejeté par l'univers parental, confié à une grand-mère castratrice. Ce sont deux femmes de sa vie qui pèsent sur les hommes de leurs vies. Je ne dis pas ça pour lui trouver des excuses, non.
Nous le suivons dans son itinéraire implacable. C'est un être totalement sans empathie pour le reste du monde. Pour ses proches, ses moins proches aussi, celles et ceux qu'il rencontre sur son chemin. Il n'a aucune empathie pour lui non plus. Il voudrait juste comprendre, saisir les démons qui sommeillent dans ce vide abyssal en lui.
Marc Dugain nous le dit dans ce récit surprenant d'un tueur en série hors du commun, dérangeant aussi, qu'est Avenue des Géants.
Dérangeant parce que le narrateur est al Kenner. Dérangeant parce que Marc Dugain nous fait entrer dans ses pensées, - je ne dirai pas son âme car elle semble insondable. C'est un être sans empathie, peu sympathique, je dis cela lorsqu'on ne sait pas encore ce dont il est capable de faire, mais dès lors, dès lors qu'on sait, que les choses se révèlent, se font, dès lors qu'Al Kenner pose des actes, les siens, des actes irréversibles, brusquement on veut comprendre, non pas on veut le comprendre, lui, mais on veut comprendre le reste, l'univers peut-être, l'abîme en tous cas.
Dérangeant parce qu'on devient al Kenner. Terrifiant est le mot pour dire comment Marc Dugain nous amène à cela.
Il est rare que je me sente autant mal à l'aise après une lecture d'un livre que j'ai adoré.
La puissance narrative de Marc Dugain est une déflagration.
Le personnage d'al Kenner est inspiré d'un personnage réel, Edmund Kemper, qui vit encore, en prison, c'est l'histoire d'un tueur en série.
Le récit dans lequel Marc Dugain m'a invité à entrer est totalement prenant. En toile de fond, il y a les années soixante de l'Amérique, la tragédie de la guerre du Vietnam, le mouvement hippies qui va bouleverser la société américaine de l'époque, cette toile de fond est importante dans le récit et tisse le décor qui va animer et peut-être influencer le parcours d'al Kenner.
Mais d'où est venu brusquement mon malaise ? Serais-je entré en empathie avec ce personnage d'al Kenner qui cependant dit peu ou nous embrouille lorsqu'il veut parler de lui et des autres, des siens, de sa famille, de cette filiation désastreuse ?
C'est l'Amérique qui fait rêver et qui brusquement ne fait plus rêver.
Ici, nous entrons dans la peau d'un personnage, un monstre froid, qui nous est rendu presque sympathique, malgré son absence de compassion et de regret pour ce qu'il commet. Presque sympathique.
Presque.
Et dans ce presque, sommeille toute l'ambiguïté vertigineuse de l'être humain....
Dire que j'ai aimé ce livre ? Difficile de le dire. C'est une plongée dans un abîme presque sans fond. Oui j'ai aimé ce livre pour l'étonnement et la sidération qu'il m'a procuré.
Oui j'ai aimé ce livre parce que son écriture m'a happé...
Ce livre est la marque d'un grand écrivain.
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Al Keener a défié la chronique dans les années 60 , il est un des plus célèbres tueurs des Etats - Unis .
A 15 ans , il mesure 2 m20 et pèse plus de 100 kg , il est l'aîné d'une fratrie de trois , il a deux soeurs plus jeune , son père mesure 2m10 et sa mère 1m90.
Le jour de l'assassinat du président Kennedy , il tue ses grands -parents paternels chez qui il avait été envoyé parce que ses parents n'en pouvaient plus . Il vit avec sa mère jusqu'au jour , où elle retrouve dans ses affaires , un chaton décapité , acte qu'il fait , suite à une dispute avec sa mère ' pour la punir ' . Sa mère l'envoie chez son père mais peu de temps après , son père lui demande de partir car il fait peur à sa nouvelle femme .C'est comme ça qu'il se retrouve chez ses grands -parents qu'il connaît à peine , un jour il a ' envie ' de voir comment se serait de tuer quelqu'un , et il tue sa grand -mère avec une arme reçue pour son quinzième anniversaire pour tuer les lapins , quand son grand-père revient des courses , il le tue car al se dit que son grand-père ne se remettrait jamais de la mort se sa femme , il dira plus tard aux enquêteurs qu'il regrette car s'il ne supportait pas sa grand-mère , il aimait bien son grand-père .
Il leur vole de l'argent et d'achète une moto , après quelques jours , il en a marre et se dénonce en appelant son père . Il fera cinq années d'hôpital psychiatrique , avant d'être déclaré guéri , son casier judiciaire sera totalement blanchi . Malheureusement , sa carrière de meurtrier est loin d'être terminée ....
Marc Dugain se met à la place du tueur qui a un QI exceptionnel supérieur à celui d' Einstein , qui tue sans états d'âme , qui réussira à tromper tous les experts .
Les plus belles pages du livre sont celles qui dépeignent la société américaine , celle des années 60 avec ses paradoxes qui font cohabiter les jeunes qui vont se battre au Vietnam et tous les hippies qui ont voulu changer le monde , deux visions incompatibles , notre société de consommation actuelle est également égratignée .
Difficile de lire certaines pages qui donnent froid dans le dos mais il faut reconnaître que l'auteur s'en sort magistralement , jamais de détails sordides , c'est l'imagination qui est mise à rude épreuve , l'auteur évoque les faits de façon clinique , comme si on était dans la tête du meurtrier , la chronologie avec ses retours en arrière est fabuleuse .
Ce qui m'a interpellé aussi , c'est la disparition totale de la famille , le père n'a jamais plus donné de nouvelles , les deux soeurs sont mortes et la mère , on le découvre dans la lecture ....
C'est un livre très bien écrit , mais ce n'est pas ' un beau livre ' , c'est une plongée dans ce qu'il y a de pire dans l'humanité . Glaçant .
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critiques presse (9)
LaPresse
30 juillet 2012
On décèle bien sûr dans Avenue des Géants la fascination toute française pour l'Amérique mythique, mais le récit est exempt de clichés, très précis, d'une écriture limpide et sans détour. Marc Dugain tient le lecteur en haleine jusqu'à la dernière page et nous mène ainsi en bateau, comme Kenner a toujours su tromper les gens sur sa vraie nature, tout en restant dangereusement inquiétant
Lire la critique sur le site : LaPresse
Telerama
09 mai 2012
Ce qui frappe, dans ce roman, c'est la cohérence et la complexité infinie du personnage, dont les pensées conduisent la narration implacable.
Lire la critique sur le site : Telerama
Bibliobs
02 mai 2012
Précis, documenté, Dugain manifeste une fois de plus cette faculté d'illusionner le lecteur, où Balzac, qui en connaissait un rayon, voyait la qualité première du romancier.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Lexpress
26 avril 2012
Avec ce livre qui remue tous les mythes américains et leurs rêves avortés, Marc Dugain secoue sa langue maternelle, imagine des tournures, des néologismes, des coups d'accélérateur, des bouffées d'humour.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeSoir
23 avril 2012
En se mettant dans la peau d'un géant très intelligent […], [Marc Dugain] explore une personnalité complexe. […] Avenue des Géants est, pour cela, un livre inquiétant et bourré de questions sans réponses.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LeFigaro
20 avril 2012
Un roman percutant et perturbant.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LePoint
17 avril 2012
Jamais Dugain ne s'est approché aussi près de la folie des hommes. Avec ce nouveau roman époustouflant, il arpente désormais l'avenue des géants.
Lire la critique sur le site : LePoint
LesEchos
17 avril 2012
La force du sujet, l'intelligence du propos, la qualité de l'écriture, l'usage maîtrisé d'un humour de second degré et la construction sophistiquée du roman font qu'on ne le lâche que dans l'urgence de le reprendre en main. On est aspirés par la spirale de cette tragédie qui n'est pas seulement celle d'un homme (...), mais aussi d'un pays, l'Amérique des années 1960, celles de l'assassinat des Kennedy et du Festival de Woodstock.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Lexpress
12 avril 2012
Avec Avenue des Géants, l'auteur de La Chambre des officiers se glisse subtilement dans le personnage d'un serial killer californien.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (222) Voir plus Ajouter une citation
- Je suis venu me rendre.
Elle a rigolé.
- Vous rendre ? Vous êtes pourchassé pour excès de vitesse ?
- Non, pour un double meurtre.
Elle m'a scruté pour voir si j'étais sérieux. On a continué sur le même ton badin.
- Dans notre comté ?
- Non, plus au sud à North Fork, Sierra Nevada, Californie. Vos collègues de Freno doivent être au courant.
- Comment peuvent-ils l'être ?
Elle n'adhérait pas encore à l'affaire.
- Mon père a dû les prévenir. D'ailleurs, il doit être arrivé sur place.
- Très bien, asseyez-vous sur la banquette, je vais les contacter. Tant que je n'ai pas de confirmation, je ne peux pas vous arrêter.
- En attendant je vais aller m'acheter un beignet, je reviens.
J'ai repris mon casque et mes gants et je suis sorti sous le regard médusé de la blonde.
J'ai enfourché la bécane sans précipitation, j'ai démarré et j'ai traversé ce qui restait de l'avenue principale à la vitesse légale. En roulant, je calculais ce que j'étais prêt à payer à la société pour le double meurtre de mes grands-parents : la moyenne des années qu'il leur restait à vivre. Quinze et neuf pour une espérance de vie de quatre-vingt ans, divisés par deux, on obtenait douze ans. Douze ans de bagne, je ressortirais à vingt-sept ans, je trouvais ça correct, mes grands-parents ne valaient pas plus.
Les flics m'ont trouvé en train de siroter un café allongé, un beignet à la main, assis sur les marches d'un entrepôt de bois, à la sortie de la ville.
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[...] ... - "Je me demande si je dois me réjouir de savoir qu'un jour ou l'autre tu vas te tuer avec [cette moto], Al. Tu sais bien que tu as la vue basse et que tu roules beaucoup trop vite. [Quant à ton changement de travail], je ne vois pas en quoi c'est mieux que de travailler à la réfection des routes dans une grand structure qui offre des possibilités d'évolution de carrière. Moi aussi j'ai quelque chose à t'annoncer, je déménage à Aptos. J'ai eu trop d'échecs dans cette maison et elle me coûte trop cher. Pourquoi n'essaierais-tu pas d'étudier à l'université, tes notes de lycée te permettraient d'y entrer ?

- C'est nouveau. Je croyais que tu ne voulais pas que je m'approche de toi.

- Je n'ai pas parlé de Santa-Cruz. Il y a assez d'universités en Californie.

- De toutes façons, je n'étudierai jamais dans ton périmètre."

Elle m'a regardé longuement de ses yeux troublés par l'alcool.

- " Je ne comprends pas, Al, pourquoi tu m'aimes si peu. J'ai été dure avec toi enfant, mais c'était pour ton bien.

- Mon bien ?"

On est restés sans parler un bon moment, sans se regarder non plus. On aurait dit deux ours dominants qui se croisent inopinément dans une forêt et qui balancent la tête navrés à l'idée de s'étriper.

J'ai rompu le silence sans avoir préparé la suite.

- "Si je ne t'aimais pas, je n'aurais pas menti à mon psychiatre pendant mon internement. Je lui ai dit qu'un escalier conduisait au sous-sol de la maison dans le Montana. Alors que, tu le sais, on y accédait par une trappe sous le fauteuil dans lequel tu avais l'habitude de t'asseoir.

- Qu'est-ce que ça change ?

- J'en sais rien. Je ne lui ai pas dit non plus que tu avais l'habitude de me frapper avec une ceinture à boucle, une énorme boucle en métal qui laissait des traces violettes. Je lui ai encore moins parlé de ton silence, lorsque ta fille aînée a essayé d'avoir une relation sexuelle avec moi. J'avais quoi, dans les huit ans. Je t'ai rapporté les faits et tu les as balayés d'un revers de la main. On ne pouvait pas toucher à ton enfant préférée. Je n'ai pas voulu entacher ta réputation au-delà de ce qui m'était supportable. Je veux que tu le saches, point. Je vais te dire encore une chose. Tu penses que je suis le seul homme qui ne te quittera jamais. C'est possible. Mais n'en profite pas. Je ne suis ni mon père, ni tous les types qui ont défilé depuis, maris ou pas. Tu es condamnée à une vie de solitaire, M'man, c'est ton choix. Je sais que tu cries partout que tu as inventé le féminisme avant toutes ces femmes qui le revendiquent. Je n'en serai pas la dernière victime."

Ma mère n'aimait pas qu'on prenne l'ascendant sur elle.

- "Qu'est-ce que tu es en train de raconter, espèce de minable ? Tu penses que je suis finie pour les hommes et que je vais m'en consoler par la présence d'un fils criminel qui ne m'apporte jamais aucun apaisement ? Tu es malade, Al, et ils n'ont pas fini de te soigner.

- Au lieu de m'insulter, tu ferais mieux de me présenter des filles de ton université. Ca me changerait de celles que je croise dans les bars et qui ont la même haleine que toi.

- Aucune fille de mon université ne mérite d'avoir affaire avec un type comme toi. Tu ne leur arrives même pas à la cheville. Tu crois que je vais ruiner ma réputation : "Tenez, je vous présente mon fils qui sort de cinq ans d'hôpital psychiatrique pour avoir tiré dans le dos de ses deux grands-parents, mais il est plein d'avenir, méfiez-vous, mesdemoiselles, c'est peut-être le futur gouverneur de Californie." Je revois le Dr Cadwick me disant pendant ma grossesse : "Arrêtez de vous agiter, madame Kenner, ou vous allez faire une fausse couche !" Mais si je le voyais maintenant, je lui dirais : "Je suis la première femme à avoir fait une fausse couche menée à son terme." Voilà ce que je lui dirais." ... [...]
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Pourquoi les gens écrivent-ils ? Souvent parce qu’une sourde vanité les rend fiers de leurs malheurs et qu’ils veulent les partager avec le reste de l’humanité parce que, au fond, ils sont trop lourds pour eux. Je crois aussi que beaucoup de gens écrivent parce qu’ils ne trouvent aucun réconfort auprès de leur famille. C ’est même pire, c’est souvent leur famille qui est à l’origine de leurs déboires. Avoir des lecteurs leur donne le sentiment d’être moins seuls sans l’inconvénient d’une promiscuité assommante avec des gens bien intentionnés. Souvent aussi, ils écrivent pour laisser une trace.
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Le seul tort d’Orwell c’était de croire que le totalitarisme prendrait un visage terrifiant. Oh non ! Rien de tout cela, pour autant que vous acceptiez la petite musique mièvre des réseaux sociaux, que vous acceptiez l’obsolescence de tout ce que vous achetez au bout d’un an, que Sisyphe n’ait pour tout repos que la période des soldes, que Google sache tout de vous et puisse éventuellement le monnayer aux flics, qu’on puisse vous localiser à tout instant avec votre téléphone, vous ne risquez rien.
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Le pourcentage de tueurs-nés est infime. Tous les autres ne font que rendre à la société tout le mal qui leur aété fait. Et quand je dis la société, c'est surtout la famille. De même que la plupart des crimes ont lieu dans le cadre familial, la famille est le principal terrain de fermentation de la criminalité. (...) Elle aurait mieux fait de vous parler de ce qui n'allait pas avec lui, de ce qui l'avait conduit à développer des pulsions homosexuelles, violemment réprimées dans son milieu familial, si bien qu'il a eu besoin de déverser cette violence sur de pauvres filles (...) Sur une centaine d'hommes souffrant des mêmes troubles psychologiques, soixante s'en accomodent en buvant ou en prenant de la dope. Trente-huit se suicident. Les deux derniers basculent dans le meurtre en série. Ce n'est pas plus compliqué que cela.
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Vidéo de Marc Dugain
Extrait du livre audio « Tsunami » de Marc Dugain lu par Mathieu Buscatto. Parution numérique 30 août 2023.
https://www.audiolib.fr/livre/tsunami-9791035414825/
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