"Alors la batiste se déchira en laissant à nu les épaules, et, sur l'une de ces belles épaules rondes et blanches,
D Artagnan, avec un saisissement inexprimable, reconnut la fleur de lys, cette marque indélébile qu'imprime la main infamante du bourreau."
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Les Trois Mousquetaires c'est plonger incontinent dans des souvenirs d'enfance en Eastmancolor fané, hantés par le sémillant
Gérard Barray... C'est surtout retrouver la lanterne magique d'un roman qui projette et fait tourner sur les murs de notre mémoire des scènes et des silhouettes inoubliables : un triple duel près des Carmes-Deschaux, l'affaire des ferrets, «Un pour tous et tous pour un.», la minaudière Constance, Rochefort le balafré, le Duc de Buckingham, le Cardinal de Richelieu, le terrifiant bourreau de Béthune...
Dumas dégaine ses phrases comme une rapière, se fend, pare et nous porte de foudroyantes bottes ; son récit prend le galop et laisse le lecteur époumoné mais ravi. Les dialogues, truculents ou ronflants, s'enchaînent dans ce petit théâtre de poche où de Paris à Béthune, de la Rochelle à Portsmouth un quarteron de personnages ne cessent de se croiser ; en démiurge débonnaire, Dumas se fiche de toute vraisemblance et tord la chronologie et le hasard à sa fantaisie. Cela fait le charme du roman mais marque aussi ses limites : avec l'âge, l'indulgence s'amenuise.
On se met à le regarder par le petit bout de la lorgnette. Les Mousquetaires perdent soudain de leur netteté : le brave Porthos ne serait-il qu'un pitoyable gigolo, le copurchic Aramis, une honteuse hypocrite, l'austère Athos un dipsomane impuissant ? Seul d'Artagnan, pimpant chromo, garde sa saveur d'origine celle d'un provincial candide et plein de fougue, notre adolescence pour l'éternité.
Cependant une femme tire sa noire épingle du jeu de dupes où nous entraîne l'écrivain. On se délecte du sadisme de Milady de Winter, salope plénière et dispensatrice de fantasmes. Fabuleuse Bitchy Bitch ! Qu'elle corrompe le moite Felton ou tienne la dragée haute à
D Artagnan, les meilleures scènes sont pour elles. Rompant avec la chasteté plan-plan de ses pairs, Dumas permet à son abjecte des heures ardentes et passionnées avec le fringant mousquetaire et lui invente une vie de libre patachon.
Cousu de grosses ficelles, le roman atteint encore son but. Il distrait, empoigne, amuse et fait passer délicieusement le temps.
Un goût de roudoudou et de jeudis immémoriaux...
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