Bravo à l'autrice, Florence Dupré la Tour, pour cette BD.
Née dans une famille ultra conservatrice, où tout ce qui touche de près ou de loin au corps et à la sexualité est tabou, Florence Dupré la Tour raconte ici sa métamorphose adolescente, son tourbillon intime, muselé par les non-dits.
Elle nous fait entendre sa voix intérieure, qui se questionne à l'âge où le corps change, cette voix qui commence timidement, pour finir par hurler dans le silence dans lequel elle est entretenue, bien ficelée dans l'ignorance.
Les rapports avec sa famille sont très justes. de la croyance mystique du péché originel, de la vierge immaculée, à la notion ancrée de prostituée, tout est tellement pesant et incrusté dans ce silence familial, qu'écrire cet album a du être pour l'autrice un véritable travail de déconstruction et de compréhension de sa propre histoire.
Quel regard peut porter une petite fille sur les rapports hommes / femmes, lorsque sa mère est totalement soumise à un mari absent, mais violent psychologiquement avec ses enfants lorsqu'il est à la maison?
Que peut comprendre une petite fille des règles, lorsque rien ne lui est expliqué?
Ce tabou va induire un rejet: du corps, de la féminité. Et c'est inévitable, et la manière de le raconter est fulgurante.
Parlons à nos filles, ne les laissons pas dans l'ignorance.
Cet album m'a d'autant parlée que je me revois, vers l'âge de 12 ans, regarder mes copines en me demandant pourquoi diable le fait qu'elles aient des règles dans leur cartable les empêche d'aller au cours de piscine. Je me doutais d'un loup quelque part, mais j'étais moi-même entretenue dans l'ignorance.
C'est fatal pour la jeune femme en devenir.
La citation de
Victor Hugo en première page se suffit à elle-même:
"L'ignorance est un crépuscule ; le mal y rôde. Songez à l'éclairage des rues, soit; mais songez aussi, songez surtout, à l'éclairage des esprits".
Victor, toujours le mot juste!