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3,38

sur 205 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Corée du Sud, Japon, Russie… C'était jusqu'ici dans des décors très internationaux et multiculturels que, d'ascendance franco-coréenne, Elisa Shua Dusapin avait cadré son inlassable exploration des thèmes de l'appartenance et de l'exil, des barrières de la langue et de l'incommunicabilité. Dans sa dernière fiction le vieil incendie, elle poursuit cette fois sa quête au plus près de son lieu de naissance, un Périgord à la fois familier et étranger, plein de souvenirs incendiés.


Cela fait quinze ans – la moitié de sa vie –- que, devenue scénariste à New York, Agathe n'a plus mis les pieds dans la maison de son enfance, en Dordogne. Elle y avait laissé sa soeur cadette Véra, aphasique depuis l'âge de six ans, auprès de leur seul père, puisque leur mère avait quitté le domicile conjugal depuis longtemps déjà. Abandonnée en l'état après le décès paternel il y a maintenant quelques années, la vieille bâtisse a finalement été vendue. Elle sera démolie pour fournir les pierres manquant à la reconstruction d'un pigeonnier médiéval, détruit par un incendie cent ans plus tôt. Afin de la vider, les deux soeurs s'y sont donné rendez-vous. Elles disposent de neuf jours en tête-à-tête entre ses murs, neuf jours de confrontation aux vestiges du passé et de leur relation détruite...


Même la nature semble d'emblée s'en mêler, teintant d'une ambiance d'épouvante l'arrivée de Véra et de sa camionnette de location, un soir de novembre tempétueux, au bout du long chemin défoncé qui mène à la maison lugubrement isolée au fin fond de la campagne périgourdine. Rien ne viendra plus conjurer le sentiment d'étrangeté, vaguement teintée de répulsion, ressenti par la jeune femme en ces lieux qui gardent une part d'elle-même, interrompue par ce qu'elle a voulu une cassure nette, et dont elle réalise avec surprise qu'ils ont continué sans elle une existence différente de ce qu'elle en imaginait, surtout en ce qui concerne sa soeur. Cette soeur dont elle a fui le handicap, qui lui apparaît d'ailleurs monstrueuse au premier regard jeté dans l'oeilleton curieusement inversé de la porte d'entrée, n'est plus le terrifiant boulet qui suscitait les moqueries, mais une jeune femme sereine et accomplie, qui a trouvé son équilibre dans la région et communique avec aisance grâce au clavier de son smartphone.


Ainsi les deux fillettes unies par un lien fusionnel ont laissé la place à deux adultes crispées face à leur étrangeté mutuelle. Et, tandis qu'à l'opacité de leurs non-dits répond la lourdeur d'une atmosphère singulière, presque hostile – l'étang est si noir qu'il ne reflète même pas la lune, les feuilles de lierre rougies par l'automne « palpitent [tels des] petits coeurs venus s'éteindre en dehors de leur cage », de rébarbatifs chasseurs chatouilleux de la gâchette hantent l'épaisseur mousseuse de la forêt –, le texte, éblouissant de pudeur, de justesse et de précise concision, tisse à fleur de peau l'impalpable mais indéchirable toile qui, finalement bien davantage qu'une absence de langage, les tient toujours plus enfermées dans leur impossibilité de communiquer et de jeter le moindre pont entre leurs solitudes.


Point n'est donc besoin de naître biculturel ou dans l'exil pour expérimenter le cloisonnement de nos altérités. Dans le seul creux de la plus ordinaire fratrie fleurissent aussi d'indissolubles solitudes, coincées dans l'impossibilité de la relation à l'autre, cet autre d'autant plus inaccessible qu'on le pensait proche. Contrairement à ce que croyait Agathe, le plus grand facteur de solitude n'est pas l'absence ou la différence de langage, mais bien notre propre étrangeté au monde. Un thème qui la poursuit, puisque ses activités professionnelles du moment ont trait à l'adaptation du roman de Georges Perec, W ou le souvenir d'enfance...

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C'est le troisième roman que je lis de cette auteure. A ce jour, mon préféré reste " Hiver à Sokcho". J'ai retrouvé ici sa délicatesse d'écriture, tout en suggestion, et cette tristesse lancinante qui suinte des personnages.

La différence vient du lieu choisi, non pas asiatique mais français, dans le Périgord. Deux soeurs, que la vie a séparées, alors qu'elles étaient enfants fusionnelles, se retrouvent pour vider la maison familiale. La narratrice est l'aînée, revenue des Etats-Unis , la cadette, Vera, est aphasique.

Cette occasion de recréer un lien s'avère difficile à gérer pour chacune. L'auteure sait très bien suggérer à travers les gestes, les maladresses, les évitements, la complexité de cette relation entre soeurs, rompue par le départ d'Agathe, l'aînée, à quinze ans, vécu par Vera comme un abandon.

le coeur se serre durant toute la lecture, quel sourd chagrin en chacune, affleurant souvent, mais ne libérant pas les angoisses, les regrets! Même la nature semble sombre, inquiétante : l'étang noir, les chasseurs agressifs. La nostalgie qui baigne ses autres livres m'a paru cette fois plus pesante , oppressante. Cependant, il y a un aspect presque hypnotique qui retient toute l'attention du lecteur. A tenter!
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Elisa Shua Dusapin est une auteure que je suis depuis ses débuts. Franco-Suisse elle vit en Suisse romande et est à présent devenue l'un des fleurons de la francophonie contemporaine.
Doux-amer est le premier mot qui me vient à l'esprit pour définir l'atmosphère de ce court roman, le vieil incendie.

Agathe revient passer quelques jours dans la maison familiale. Véra, sa jeune soeur, aphasique depuis son enfance, l'y attend . La maison va être vendue , il faut la vider .Elles le feront à deux , chacune essayant de ne pas trop exprimer les regrets ou plutôt les griefs qu'elles éprouvent l'une vis à vis de l'autre. Peut-on effacer des années de silence? Peut-on effacer des mots , des pensées, des souffrances non-dites, des envies de violences même? Peut-on repartir à la case départ en oubliant le passé? ...

Agathe a sur-protégé sa soeur, a toujours répondu à sa place et a fini par craqué en s'enfuyant aux U.S.A pour ne plus en revenir. Véra s'est adaptée, est devenue femme , vit, travaille et semble épanouie. A t'elle encore besoin 15 ans après de la protection de sa soeur ainée et si c'était l'inverse?

Beaucoup plus intimiste que ses précédents romans, le vieil incendie plonge le lecteur dans le Périgord noir, ses bois et forêts, sa nature luxuriante, ses villages désertés et surtout dans l'intimité d'une femme qui , à la croisée de sa vie, ne semble plus vraiment savoir quel chemin emprunter.


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Il ne faut pas s'attendre à du trépident. Pas de fracassant non plus. Pas vraiment de réminiscence. Peut-être juste, à mesure que l'on tourne les pages, à ce que s'inscrive un petit monde sur le point de disparaître. Un petit monde que la narratrice a déjà quitté il y a longtemps et qu'elle revient achever.

Après la mort de son père, alors qu'elle est partie pour les Etats-Unis depuis quinze ans, Agathe rentre dans le Périgord pour fermer définitivement la maison paternelle. Elle y retrouve sa petite soeur Vera, jeune femme désormais, qui ne parle plus depuis qu'elle a six ans. de mère, il n'y a plus depuis que les filles sont enfants. Partie recomposer une autre famille, définitivement loin d'elles.

Affleurent les aspérités d'une relation faite d'amour inconditionnel entre les soeurs et d'incompréhension. La peine d'avoir laissé Vera, de ne pas savoir si elle, Agathe, est vraiment capable d'être là pour les autres. Si elle se noie dans sa vie ou pas. C'est ténu, imperceptible presque. D'une écriture dépouillée sans rien pour souligner.

Il y a un nid de guêpes qui empêche d'ouvrir la porte-fenêtre. Des fromages qui se font dans une cage à la place d'un lustre. Un pigeonnier que l'on reconstruira avec les pierres de la maison familiale quand on l'aura rasée. Il y a des chasseurs qui tirent sur tout ce qui ne bouge qu'à peine. le sang aussi. Rien qui paraisse peser mais tout compter. Comme une parenthèse délicate dont on ne sait quoi penser jusqu'à ce qu'on se dise que ce n'est pas là ce qu'il y avait à y trouver. Un morceau de poésie en prose à l'amertume même pas nostalgique.
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Ma soeur et mon malaise

Dans son nouveau roman, Elisa Shua Dusapin raconte les retrouvailles de deux soeurs après la mort de leur père. En vidant la maison familiale, elles vident aussi tout ce qu'elles ont sur le coeur. Leurs ressentiments, leurs incompréhensions, leur... amour.

Agathe a passé son enfance dans le Périgord avant de partir dans une famille d'accueil aux États-Unis. Ce séjour, qui devait durer le temps du lycée, s'est prolongé. Désormais, elle vit et travaille outre-Atlantique. Quand s'ouvre ce court roman, elle revient après des années d'absence pour aider sa soeur à vider la maison familiale qui a été vendue.
Leurs retrouvailles se font dans une ambiance lourde, car Véra, de trois la cadette, a ressenti le départ d'Agathe comme une trahison. Car sa soeur a choisi l'exil après l'aphasie dont elle a été victime. Sans doute n'a-t-elle pas supporté la charge mentale de son quotidien auprès de sa cadette qui ne parlait plus. Elle l'a certes aidée à surmonter son handicap, constaté sa volonté d'apprendre à lire et à écrire, mais elle a aussi dû faire face à l'incompréhension et aux quolibets des collégiennes, volontiers cruelles.
Très vite, elle va pourtant se rendre compte que Véra a changé, que les années de séparation lui ont plutôt été bénéfiques, même si elle a sans doute aussi été contrainte de s'adapter. Car il a bien fallu qu'elle s'occupe de son père durant ses dernières années d'existence, remplir les tâches ménagères et gérer les questions administratives, cuisiner et trouver le moyen de communiquer sans pouvoir parler. Elle va aussi constater l'efficacité de son organisation pour vider la maison, au point d'avoir soudain peur de finir trop vite et d'avoir du temps disponible qu'il lui faudrait bien partager avec sa soeur.
Alors, elle souligne qu'elle n'est pas en vacances et qu'elle doit travailler à l'adaptation en série de "W ou le souvenir d'enfance", le roman de Georges Perec. La production l'a choisie comme dialoguiste et vu la renommée des acteurs pressentis, elle n'a pas droit à l'erreur.
Alors que les souvenirs ressurgissent, qu'elle croise une ancienne connaissance, leur relation va prendre une autre tournure.
Depuis Hiver à Sokcho, on sait combien Elisa Shua Dusapin aime les ellipses et la suggestion. Ici, son style tout en retenue fait merveille. On ressent plus qu'on exprime des émotions à fleur de peau. Cette économie de moyens nous offre ainsi quelques jolies formules, comme lorsqu'Agathe relate sa rencontre avec Irvin, qui partage désormais sa vie à New York: «tout ce que j'avais connu s'est révélé idiot face à ma découverte de sa peau contre la mienne.» En une phrase tout est dit. Et fort joliment.

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Agathe et sa soeur Vera, muette depuis l'enfance, se retrouvent pour vider la maison familiale à la mort de leur père. Deux soeurs liées par leur histoire commune, leur antagonisme et leur attachement inavoué. Un court roman qui garde ses mystères et charme par son atmosphère, ses non-dits, la poésie de ses ambiances et de son style.
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C'est un soir aux actualités Suisses que j'ai entendu le nom de cette auteure, cette Périgourdine de naissance, habitant le Jura Suisse avait déjà fait parlé d'elle pour un précédent livre, que certainement j'irai lire prochainement.
Je l'ai rencontrée au salon du livre de Nancy et j'ai acheté son livre.
Un petit livre court mais dense, comme les pierres de cette maison qu'Agathe et Véra doivent vider, cette maison familiale inoccupée depuis la mort de leur père. Cette maison vendue pour être détruite, mais dont les pierres vont servir à la reconstruction d'un pigeonnier voisin.
Comme ces pierres avons nous une ou plusieurs vies?
Véra est aphasique depuis sa tendre enfance, et Agathe a toujours parlé à sa place lorsqu'elles étaient enfant, puis Agathe est partie aux USA. Avec la nécessité de vider cette maison, les deux soeurs se retrouvent, et tentent de communiquer, dans un laps de temps très court, une semaine, pour clore le chapitre de leur vie familiale et retisser des liens fraternels. Déconstruction et reconstruction.
Un style très agréable, des phrases simples en apparence, peu de mots mais plein de demi-teintes, de sens profond.
Un livre très intéressant qui m'a fait découvrir cette auteure, et je pense bientôt lire un de ses précédents livres.
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Une fois de plus, Elisa Shua Dusapin décortique avec sensibilités la complexité des rapports humains, des non-dits dans ce huis clos sur 9 jours où deux soeurs vident la maison familiale. Vera est aphasique et ne communique que par SMS, Agathe est scénariste et donne voix à d'autres personnages qu'elle même. Plongées dans la campagne perigourdine, on démêle les histoires familiales où les petits drames deviennent de vraies fêlures. C'est très beau.
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C'est le premier roman de l'autrice que je lis. La concision demande au lecteur de rester très réceptifs pour bien capter les signes.
J'ai bien aimé cette histoire de famille avec des non-dits, des mal-dits. Il y a un déséquilibre dans l'harmonie de cette famille.
Revenir sur les traces du passé va t-il aider à envisager un avenir différent ?
On n'a pas toutes les réponses aux questionnements que soulève ces retrouvailles où la parole n'est pas libre. [blog]
Le décor joue un rôle avec ces ombres portées, ce lac sans reflet au milieu de la forêt. Forêt cernée par les chasseurs. Les grottes et autres lieux clos qui viennent faire échos aux secrets et non-dits.
Un roman bref et très intéressant.
Lien : https://latelierderamettes.w..
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C'est le premier roman de cette autrice que je lis. Je dois confesser d'ailleurs que je ne suis pas très familière des éditions Zoé, et je ne connais aucun de leurs auteurs contemporains… Merci donc à Livres à vous de me faire découvrir de nouvelles plumes !

J'ai pu lire dans d'autres critiques de lecteur.ices qui la connaissent que le Vieil incendie est son roman le plus intime. Sans connaître son historique, je rejoins cet avis : il s'agit d'une histoire très douce, presque chuchotée, quasi tue. Agathe prête son point de vue pour la narration. Véra, quant à elle, est très énigmatique. Étant aphasique depuis très jeune, elle n'est pas particulièrement verbeuse. Ses sentiments s'expriment sur son visage, elle mime ses questions et utilise ce qui l'environne pour écrire ses réponses ; mais jamais elle ne se montre loquace. Agathe, elle aussi, est assez discrète, malgré notre connaissance de secrets très intimes.

144 pages. C'est de 144 pages que l'on doit se contenter. Mais plus, ça aurait été déplacé. La taille du livre fait écho au silence entre ces soeurs, aux non-dits entre elles, et surtout entre elles et nous. Pourtant, nous savons. En fait, il y a des choses que l'on sait, d'autres que l'on croit savoir, et pour d'autres encore, nous acceptons vite que nous ne saurons pas.

Que faire d'un roman où personne n'a rien à dire, où règne le silence, un silence parfois pesant, et assez peu de contemplations malgré la présence de la Nature environnante ? On fait peser les silences, j'imagine. J'ai été à la fois touchée par la poésie des chapitres et lassée parfois de la lenteur. Je crois que ce qui a pu m'agacer aussi, ce sont deux choses : déjà, les guêpes ne laissent pas leur dard dans la peau lorsqu'elles piquent, ce sont les abeilles, et sans vouloir faire ma madame-je-sais-tout, ça m'a sortie de l'histoire. Ensuite, pourquoi cette scène de cruauté animale ?

Ces 144 pages, c'est regarder à travers une loupe la vie de deux femmes pendant 9 jours, avec un peu de souvenirs qui dépassent. Il s'est passé des choses avant, et il s'en passera après. On est pile entre les deux.

Je ne sais pas quoi penser de cette lecture, pour être honnête. D'un côté, je crois que ce n'était pas le moment pour moi de lire ce genre de choses. J'aime en lire, parfois, et je peux m'en trouver bouleversée. Là, je ne sais pas, c'était peut-être une erreur de timing. Et d'un autre côté, je ne sais pas de quoi je vais me souvenir, et ce que je dirais à un potentiel abonné qui demanderait de lui parler de ce livre. A part « oui, pourquoi pas, c'est bien ».
Lien : https://folitteraires.wordpr..
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