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sur 205 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Il y a des pépites en Suisse, ce très court roman en est une preuve.
C'est un portrait tout en subtilité d'une femme, de sa soeur, de leur relation. Un portrait par petites touches, par révélations, mais aussi par le vide, l'absence, le silence.
Des personnalités qui se révèlent progressivement, mais jamais complètement. Elles gardent leurs mystères, tout en ne frustrant pas le lecteur.
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C'était le 1er octobre 2016, à "La 25ème heure", salon du livre du Mans, les photos que je garde précieusement de cette journée peuvent en témoigner. Elisa Shua Dusapin était invitée par l'association "68 premières fois" pour parler de son très beau premier roman "Un hiver à Sokcho". "Le vieil incendie", son dernier, est tout aussi beau.

Mon plaisir à lire cet ouvrage, acheté dès sa sortie, a commencé par la première de couverture à la très jolie illustration dont j'ai eu l'explication à la page 53. Et puis, évidemment, les mots…l'histoire. Les mots de l'auteure, toujours aussi magnifiques, une écriture qui semble d'une grande simplicité et qui, pourtant, cache à la fois des élans du coeur et des pudeurs infinies, mais aussi une certaine violence. Elle est minimale, comme si l'auteure avait barré tout ce qui est inutile pour ne conserver que les mots essentiels. Les phrases courtes et parfois même sèches donnent ainsi au texte une force considérable.

Pour ce qui est de l'histoire, elle met en scène trois personnages : Agathe, partie il y a quinze ans pour faire sa vie à New-York – elle est scénariste – Véra, sa jeune soeur, qui ne parle plus depuis fort longtemps et… la nature. C'est, en effet, dans cette campagne de leur enfance, dans la maison perdue dans les bois qu'elles se retrouvent. Agathe est rentrée pour aider Véra à vider cette maison après le décès de leur père et elles ont très peu de temps. Naturellement, elles ont changé et surtout la plus jeune sans doute. Les échanges se révèlent difficiles "Je réponds (c'est Agathe qui parle) un peu sèchement que nous sommes soeurs et c'est aussi chez moi…" L'incompréhension est parfois présente, la tension sous-jacente, la peur de mal faire, de mal dire.

Elisa Shua Dusapin est de ces auteur(e)s dont la voix délicate, posée, douce – j'ai l'impression de l'entendre – rythme ma lecture. Et de la même manière, c'est par touches d'une intense délicatesse et d'une grande douceur qu'elle dresse le portrait de ces deux soeurs, comme elle dépeint le décor qui les entoure. le roman est un véritable tableau aux couleurs fondues subrepticement traversé par un cerf qui "grignote dans un buisson", le décor d'une cuisine ou les fourrés d'un bois.

"Le vieil incendie" est un roman fort, concis, précis et d'une beauté infinie.

Lien : https://memo-emoi.fr
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A quinze ans, l'aînée, Agathe,  a fui sa soeur cadette,Véra, aphasique, et son père. Elle a fait sa vie aux États-Unis où elle écrit des scénarios  et des dialogues de films. Quinze ans plus tard, Agathe et Véra doivent vider la maison familiale qui sera abattue. Et pour cela , elles ont neuf jours.
Pas de disputes autour des objets ici, Agathe étant même prête à incendier le contenu de la maison dont elle ne veut rien garder. Elle apprend à redécouvrir sa cadette qui  n'a plus rien de celle qu'elle se sentait obligée de protéger. Au fil des jours, des souvenirs reviennent et les secrets se révèlent.
Avec une infinie délicatesse, par petites touches, Elisa Shua Dusapin brosse le portrait de ces deux soeurs pour qui les silences sont peut être plus parlants que les mots. Car peut-on se fier aux mots ? Ils sont trompeurs, déformés, peuvent devenir le vecteur d'humiliations...Ils peuvent être difficiles à prononcer ou à écrire , même quand on en a fait son métier...
La nature  joue également un rôle très important ici, ainsi que le corps des femmes, corps bridé, corps faillible ou corps retrouvé. Un texte magnifique dans sa concision parfaite et l'émotion intense qu'il dégage.  Et zou, sur l'étagère des indispensables.
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C'est avec un très grand plaisir que je suis allée rencontrer Elisa Shua Dusapin à l'Alliance Française de Paris le 26 septembre dernier, pour la sortie de son dernier roman.

Agathe revient dans son Périgord natal. Elle vit aux États-Unis depuis quinze ans, où elle a laissé son compagnon Irvin (ainsi que son travail concernant une adaptation d'un roman de Georges Perec … ) Dans le but d'aider sa soeur (aphasique) Vera à vider la maison de feu leur père, à l'abandon depuis trop longtemps. Ces retrouvailles agacent et embarrassent – voire intimident – Agathe, qui ne sait pas trop comment réagir en présence de sa soeur muette. Petit à petit, les souvenirs d'enfance (plus ou moins douloureux …) vont refaire surface. Elle se souvient notamment du jour où, quand elle avait six ans, Véra a eu à table une sorte d'AVC ou de mini anévrisme, qui l'a laissée mutique et quelque peu « lente » … Des disputes de leurs parents et du départ de leur mère …

Elles vont travailler l'une à côté de l'autre du 6 novembre au 14 novembre. Agathe va alors avoir tout le loisir de re-découvrir cette soeur (bien plus autonome qu'elle le croyait) dont elle s'est tenue éloignée si longtemps.

Ce court roman (140 pages) est une petite pépite ! L'écriture de l'auteure est une merveille. Son phrasé : un diamant brut. Avec un sujet plutôt banal (un déménagement) – du moins à première vue – Elisa Shua Dusapin va réaliser une oeuvre d'art littéraire.

C'est indéniablement une formidable linguiste, une magicienne des mots !
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❝Ce qu'on aura toujours, c'est ce qu'on a perdu.❞
Ocean Vuong, le Temps est une mère

❝J'aimerais savoir ce que ça lui fait [à Véra], de quitter cette maison dont je croyais avoir fait le deuil il y a quinze ans. Je voudrais aller au salon, rapporter les choses entassées dehors, réunir la poussière des fusains, que les murs croulent sous le papier, la cage sous le formage et que la maison empeste pour toujours.❞

C'est l'arrière-saison dans le Périgord. La pluie s'est invitée, les brumes s'élèvent de l'étang et enveloppent le paysage, les feuilles mortes jonchent les chemins forestiers, la lumière décline un peu plus chaque jour. le père est mort quelques années plus tôt et Agathe revient des États-Unis où elle est partie il y a quinze ans à quinze ans à peine. Véra, sa cadette, n'a pas quitté la région. Les deux soeurs ont neuf jours pour vider la maison familiale qui sera détruite, ses pierres remployées à la restauration d'un pigeonnier datant du Moyen-Âge.

Le vieil incendie, quatrième roman d'Élisa Shua Dusapin, prend la forme simple d'un journal daté du 6 au 14 novembre, neuf jours au cours desquels Agathe et Véra vont se retrouver en ces lieux, maison et alentours, chargés de souvenirs qui lentement vont remonter à la surface.

❝Ce souvenir, Véra l'a-t-elle perdu ? L'ai-je inventé ? Pour moi, il est si lumineux. Mais s'il faut le porter seule, je préférerais l'oublier.❞

À son habitude, Élisa Shua Dusapin livre un texte court, économe, épuré, où la puissance d'évocation réside dans les silences plus bavards que les mots de ce presque huis-clos — les autres personnages étant peu nombreux et restant le plus souvent indistincts dans l'ombre de l'arrière-plan. le silence, c'est celui de Véra, aphasique depuis ses six ans.

❝L'aphasie peut prendre autant de formes que de personnes atteintes. […] Pour l'entourage, l'attitude à adopter reste la même : être patient, poser des questions simples auxquelles on puisse répondre en faisant oui ou non de la tête, parler lentement sans terminer les phrases à la place de l'aphasique, ni corriger ses erreurs. Mais comment faire, avec une enfant, comment différencier ce qui relève du handicap ou de l'apprentissage normal ? Mon père a demandé si la raison pouvait être psychologique. Probablement pas. Cette incertitude reste, je crois, le plus douloureux pour moi. Je n'ai jamais pu cesser de soupçonner Véra de me couper délibérément l'accès à son intérieur.❞

Le silence est aussi celui d'Agathe après qu'elle a mis un océan entre elle et son passé, en en faisant une espèce de deuil prématuré ; un passé qu'elle fait revivre à présent par un faisceau d'analepses : le père aimant et conteur d'histoires, la mère partie sans explication ni retour, les souvenirs d'écolière, les sorties clandestines à l'adolescence et les retours nocturnes à la maison le coeur battant, les visites aux voisins, à Octave, qui habitent le château tout proche, le quotidien auprès de sa soeur, la vie new yorkaise auprès d'Irvin. Se dessine un paysage d'enfance doux-amer, nimbé d'un flou mystérieux qui prive le lecteur d'y voir tout à fait clair.

❝Je n'ai pas de souvenirs d'enfance❞, écrit Perec dans W ou le souvenir d'enfance, un texte particulièrement dur et déstabilisant qu'Agathe, devenue dialoguiste après avoir été, enfant, la voix de sa soeur, peine à adapter pour le cinéma.

❝J'ai de la peine à me rappeler que nous avons été indissociables. Nous avions les mêmes timidités, les mêmes craintes de la vie sociale. On ne se chamaillait pas. Notre langue de silences et de cris nous a réunies.❞

Que Véra, qui n'a jamais déserté, travaille dans la stabilisation des fleurs, empêchant leur flétrissement, est également un symbole fort.

Ces quelques jours à passer à deux, seules, dans la maison qui bientôt ne sera plus, ces jours lents à vider les armoires, dépendre les tableaux, décoller les affiches, rouler les tapis, remplir des cartons, aller dans le bois tout proche avec son étang pour y cueillir les champignons que Véra connaît et qu'Agathe ignore, seront-ils ceux qui permettent de raviver le lien ou ceux qui actent l'inéluctabilité de la séparation ?
Que peuvent neuf jours contre quinze ans d'absence ?

❝À la moitié de ton séjour, tu es plus proche de cet arbre que de ta soeur.❞

Et pourtant, il y a une intimité, une communication qui se recréent au fil des jours, hors des mots. Elles sont dans les expressions déchiffrées sans délai, les gestes à peine esquissés que d'aucuns ne relèveraient même pas, mais que toutes deux interprètent avec certitude. C'est un langage silencieux qu'elles ont depuis l'enfance, survivance de leur complicité passée.

❝Le silence est notre langue maternelle.❞
Samuel Beckett

Vider la maison est aussi l'occasion de vider les non-dits, les possibles ressentiments, de faire le tri autant dans les objets que dans les souvenirs que mettent au jour ses retrouvailles en terrain émotionnellement miné.

❝Tu me reproches de ne pas me confier à toi, Véra, de te fuir. C'est que je ne sais pas quoi dire de moi. Tu ne sais pas toutes les fois où j'ai parlé pour toi, pour que ta vie soit plus douce. Tu te trompes. Je n'ai jamais agi par pitié, mais pour te protéger. Je suis incapable de te parler parce que je n'ai pas eu la force de rester. Je vais repartir, et j'ai besoin de savoir qu'au moins tu ne me détestes pas. Tu ne sais pas combien je t'aime.❞

Enfant, Agathe a toujours protégé sa cadette, faisant parler ses silences, avant de n'en plus pouvoir et de s'exiler aux États-Unis. N'est-ce pas au tour de Véra, que l'on découvre habile à se débrouiller au quotidien, de veiller sur Agathe ? Est-il seulement envisageable de briser cette évidente solitude qui les isole et étreint le lecteur ?

❝Si je n'étais pas ta soeur, tu serais amie avec moi ?
Je réfléchis longtemps, veux être sincère. D'une voix aussi douce que possible, je réponds que non, je ne pense pas. Contre toute attente, Véra a l'air soulagée.❞

J'ai lu les quatre romans qu'a publiés Élisa Shua Dusapin à ce jour ; tous sont à pages comptées, d'une grande délicatesse, portés par une écriture sans fioritures ni bavardage, à mille lieues de la complexité du propos. J'ai retrouvé dans celui-ci la fausse simplicité avec laquelle l'autrice questionne profondément notre relation à l'autre, l'autre comme double possible, l'altération de la mémoire, l'étrangeté de la langue, la langue comme refuge, le refus parfois de la parler et l'épaisseur des silences que les mots sont parfois impuissants à trouer.

❝Quel territoire ? Un territoire on l'investit, on le défend, on le partage, on le détruit. Je n'en ai pas sauf ma langue, ma langue refuge dont les mots se cognent aux murs et se disloquent.❞

Autant de sujets qui traversaient déjà ses précédents ouvrages et qui sont le fil rouge de son oeuvre publiée jusqu'à présent.

En choisissant la narration à la première personne, Élisa Shua Dusapin oblige le lecteur à épouser les moindres pensées d'Agathe et rien n'est surjoué dans ces pages où point l'angoisse au moment de dire adieu et de partir dans des directions opposées, de devoir faire un ultime deuil, celui de l'autre, cette soeur enfin retrouvée, qui anéantirait tout.
Lien : https://www.calliope-petrich..
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Les rapports subtils de deux soeurs éloignées géographiquement depuis de longues années. Agathe vit à New-York, alors que Vera vit toujours dans le Périgord qui les a vu naître. Il s'agit de vider la maison de leur père, mort depuis quelques années déjà. Les deux soeurs ont neuf jours pour vider la maison de leur enfance avant sa démolition.

« Aussi loin que j'arrive à remonter dans ma mémoire, Vera s'y trouve quelque part. Sauf l'enterrement de notre père, je réalise que je ne partage aucun souvenir d'adulte avec elle. » page 59

Elles ne se sont pas retrouvées depuis quinze ans. Malgré les liens très forts qui les unissaient enfants, Agathe a fui le rôle de protectrice qu'elle devait tenir auprès de sa cadette, Vera, aphasique depuis ses 6 ans, c'est Agathe qui était son porte-parole et devait décrypter ses sentiments et ressentiments devant les agressions de leurs camarades de classe.

« La compagnie de Vera me suffisait. Notre communication devenait épuisante, elle dépendait beaucoup de moi. » Page 68

Les retrouvailles sont stressantes et un peu froides de part et d'autre. Agathe découvre une jeune femme apte à se débrouiller dans sa vie quotidienne, Vera communique aisément en écrivant des messages sur son portable, elle cuisine avec plaisir et habileté des plats plus élaborés que sa soeur.

« Si je n'étais pas ta soeur, tu serais amie avec moi ? »
Je réfléchis longtemps, veux être sincère. D'une voix aussi douce que possible, je réponds que non, je ne pense pas. Contre toute attente, Vera a l'air soulagée. » page 124.

Pourtant Agathe a perdu cette perception des sentiments de sa soeur et a tendance à la blesser par des propos qui démontrent sa condescendance.

« Vera bouge sous ma paupière comme un cil qui ne s'en va qu'avec des larmes. » Page 60

Décidemment, j'aime la force de cette écrivaine ! Sa manière d'écrire comme Soutine peint, par touches de couleur épaisses et denses et qui forment un tableau tellement expressif et fort.
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Agathe, la trentaine, retrouve sa soeur Vera dans le Périgord pour vider la maison de leur enfance.
Orphelines de père, abandonnées par leur mère elles ne se sont pas vues depuis 15 ans.
Pendant 9 jours elles vont devoir vivre ensemble et s'accommoder de leurs différences, du handicap de Vera qui ne parle pas, des non-dits nombreux avec lesquels elles se sont construites enfants.

J'aime décidément beaucoup l'écriture d'Elisa Shuan Dusapin.
Toute en retenue, en s'attachant à de petits détails du quotidien, elle laisse au lecteur la juste place pour imaginer ce qui peut se passer dans la tête des deux soeurs, la violence sous-jacente, la douleur étouffée. Et si leur relation est le fil conducteur du roman, les thématiques du deuil, de la maternité, de l'adolescence en constituent la toile de fond.
La maison, qui se transforme au fur et à mesure que les soeurs la vident de son contenu et de son histoire est un personnage à part entière, assez fascinant.

Vous l'aurez compris, j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman, je vous le recommande.
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Lire le vieil incendie c'est recevoir un cadeau.
Un cadeau précieux de l'auteur à l'attention de chaque lecteur,
Comme si Elisa Shua Dusapin nous accordait la plus jolie des faveurs.
Oh ce n'est pas l'aventure du siècle, c'est l'histoire de deux soeurs, juste cela,
Sauf que
C'est écrit avec tant de délicatesse et de poésie,
La nature et les émotions dessinées en douceur et en couleur,
Que l'on a envie de déguster chaque phrase avec lenteur.

Agathe et Vera se retrouvent après de longues années de séparation pour vider la maison,
Oh ce n'est pas le sujet du siècle, une maison de famille, juste cela,
Sauf que
Le langage est celui des non-dits et des corps,
Le Périgord un poignant décor,
La maison un personnage à part entière,
Une maison en pierre, celle de leur père,
Et les souvenirs d'enfance des lumières.

Agathe et Véra se croisent se frôlent ne se parlent pas ne se retrouvent pas
Pas tout de suite ne sont pas amies sont soeurs et avancent pas à pas.
Ce sont les phrases courtes, les mots choisis,
L'histoire universelle, d'une famille, qui nous unit
Qui nous emporte et qui ouvre une porte.


instagram : @mesmotsdanslesleurs

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