Citations sur Livre pour Adultes (24)
(...) la destruction des beautés qui nous sont chères n'est pas une entreprise maléfique, mais une subtile mécanique engendrée pour atténuer nos regrets et rendre notre mort moins pénible.
Un jour, enfin, à ce qu’on m’a dit, il est sorti de chez lui au petit matin, puis s’est rendu au ruisseau où il a plongé sa tête dans l’eau froide et l’y a maintenue volontairement jusqu’à l’asphyxie. Son nom est venu s’ajouter à la litanie des suicides paysans, à ces fins obscures dans les fermes perdues, à ces pendus des greniers à foi. Et à tous ces campagnards mélancoliques hantés par le destin.
Rien à faire, pourtant : la peur du vide, la volonté rationnelle de tout maîtriser nous conduit à regarder les agonisants comme des victimes et des sacrifiés, tandis que nous-mêmes serions plus chanceux... J'y songe souvent dans les livres ou au cinéma, quand s'achève l'heureuse scène finale et que le héros, sorti des épreuves, peut enfin goûter un bonheur mérité. La plupart des récits s'achèvent sur cette victoire de la vie, censée durer toujours. Pourtant, les histoires se terminent, réellement , dans la souffrance et dans la mort.
La nostalgie est un fruit délicieux. La lenteur des changements préserve toujours, ici ou là, quelques traces vivantes de ce qu'on a aimé ; traces qui prennent alors d'autant plus de prix, telles ces maisons perdues où, parfois, j'ai le bonheur de retrouver un dernier grenier à foin, une dernière étable.
Tel était en effet le but véritable de Works, ce curieux enfant de la Silicon Valley... hanté par le brouillard qui pouvait recouvrir le monde, depuis que l'humanité s'en remettait à la seule mémoire virtuelle. Une guerre, un cataclysme, une crise économique ou sociale pouvaient anéantir des milliards de données et gommer toute l'Histoire. Son projet phare, formulé à la fin de son livre, consistait donc à stocker toutes les sources matérielles : livres, images, archives sonores et visuelles que le monde se hâtait de numériser. Il souhaitait édifier dans l'Île un "monastère des temps modernes" qui, à l'image des abbayes médiévales, conserverait ce précieux héritage dans les tourbillons économiques, écologiques et démographiques à venir.
Aujourd'hui plus encore, quand la mondialisation des échanges impose partout une circulation frénétique, cette agriculture locale pourrait constituer un idéal prometteur. Rien n'y fait. Dans la France envahie de la Seconde Guerre Mondiale, les cousins de la campagne nourrissaient les habitants des villes. Aujourd'hui, la campagne serait incapable de se nourrir elle-même.
Ne regrette jamais les choses auxquelles tu ne peux plus rien.
Cette phrase toute simple, aux vertus apaisantes, m'aide aujourd'hui encore à tourner les pages. Elle est un prolongement de la vieille sagesse stoïcienne pour laquelle "tout ce qui arrive doit arriver". Ainsi, notre vie, pleine de choix et de hasards, est-elle exactement ce qu'elle devait être; et nos mauvais chemins, tout comme les bons, sont-ils précisément ceux que nous devions emprunter. Cette leçon rend vaine toute lamentation et m'invite à goûter encore le meilleur de chaque instant.
Il vivait avec ses deux sœurs, l’une neurasthénique et l’autre aveugle, si je me souviens.Le peuple de la campagne acceptait ses imperfections comme un des caractères de l’humanité : on y rencontrait des sourds-muets, des boiteux, des idiots, mais aussi quantité de vieux célibataires dans cette vallée progressivement dépeuplée.
La première sortie en ville fut marquée par les consignes de prudence : "Restez groupés !", recommanda le guide, avant de nous mettre en garde contre les voyous et pick-pockets qui pullulaient dans ce pays à la mauvaise réputation - sans compter la présence, à sa tête, d'un parti populiste qui faisait honte à l'Europe. De fait, les croisiéristes à peine débarqués découvrirent des façades délabrées, des murs de pierre noire pas encore passés au karcher contrairement à Vienne ou Bratislava. Le maquillage de la ville en bazar à touristes commençait à peine. A l'entrée des immeubles se dressaient des porches amochés que franchissaient des personnages inquiétants, rescapés d'un autre âge. Pis encore, d'une boutique à l'autre, peu de vendeurs parlaient anglais, quelques uns l'allemand, mais la plupart, cette langue bizarre entre toutes : le "hongrois", dont nul ne connaît exactement l'origine.
ma mère s'était surtout forgé une véritalbe morale de vie consistant à afficher un optimisme résolu, à goûter les joies et à contenir les peines, à se montrer souriant plutôt que pleurer; et cette doctrine présentait de grands avantages, comme celui de repousser la perspective effrayante de la chute, de la soufffrance et du déclin. Mais elle ne pouvait faire illusion que dans les années heureuses, sans empêcher la sombre réalité de s'imposer peu à peu.