Que voilà un roman particulier !
Claire Duvivier nous propose un récit de fantasy un peu atypique. Il ne s'agit pas de fantasy héroïque avec des combattants, des sorciers, des magiciens, des créatures démoniaques. Il ne s'agit pas non plus de fantasy politique avec des royaumes, des complots, des trahisons. Non, il s'agit de quelque chose que je n'avais par encore lu, de la fantasy intimiste.
Liesse, le narrateur , raconte sa vie à une personne que l'on ne connaîtra qu'à la fin. Et quelle vie !
Il est né dans une des îles de l'Archipel et du fait du tabou lié à sa naissance, il est pris au service d'un administrateur impérial, devenant l'un des derniers esclaves de l'Empire. Il grandit là et rencontre alors une jeune femme issue de la famille impériale, promis à un brillant avenir dans l'administration impériale, Malvine Zélina de Félarasie. S'attachant à elle, il va la suivre dans sa nouvelle affectation. La cité-état de Solméri où elle devra représenter le pouvoir impérial. Mais, si Liesse arrive à temps, la princesse se fait attendre et n'arrive qu'avec un important retard de plusieurs mois, changée, transformée.
Que s'est-il passé lors de cette absence ? On finira par le savoir et cette révélation est le moment le plus fort du livre. Liesse nous raconte alors les événements terribles qui s'abattent sur la cité et toutes les pièces du puzzle se mettent en place.
Au début, j'ai lu
Un long voyage sans déplaisir, mais en me demandant bien où tout cela me menait. Pour un roman de fantasy, il est court (310 pages) et je n'étais pas préparé à ce côté intimiste proposé par l'auteure. Ce rapprochement avec ce style de littérature très français se voit dans la forme.
Pas De dialogue. Juste le long monologue du narrateur qui raconte sa vie. Cela commence lentement. La jeunesse de Liesse se déroule dans une ambiance décrite avec peu de mots. Il ne se passe pas grand-chose et cela semble plus un prétexte à la mise en lmière de la situation politique. L'histoire ne commence réellement qu'avec l'arrivée du personnage de Malvine, gouverneuse de l'Empire. C'est elle le personnage clé du roman. En vérité Liesse raconte ce qu'il a vu et vécu, mais il n'est qu'un témoin de la grande Histoire, il n'a aucune prise sur les événements, Il est le secrétaire, l'ami de la grande Dame. En racontant son histoire, il raconte aussi la sienne et nous livre ses secrets et ses blessures intérieures. le début est donc déroutant, mais se lit vite car le style de
Claire Duvivier est très agréable. Toutefois, lentement, par petites touches, l'intrigue se met en place. La deuxième partie du récit est, elle, magistrale et se lit d'une traite, des frissons sur la peau.
L'auteure décrit un lieu qui rappelle la Grèce ou le sud de l'Italie à la fin de l'Empire romain et on y assiste au crépuscule de l'empire, au point de départ d'une légende. Et le fantastique n'intervient que très légèrement dans le récit, tout en étant l'ingrédient indispensable. Pourtant ce qui fait aussi la force de ce livre, c'est le regard que porte le narrateur sur les personnages, jamais manichéen, nous dévoilant, par touches impressionnistes le tissu social complexe de Solmeri avant pendant et après les événements.
Le lecteur est tour à tour surpris, impatient, énervé, gagné dans les dernières cinquante pages par une douce mélancolie. Cette absence des codes du genre perturbe un peu d'abord, mais finit par participer à notre plaisir de lecture. On ne sait pas où l'on va et on se laisse guider par le narrateur qui raconte sa vie, ses rencontres, son amours, ses joies, son désespoir parfois.
Un livre unique qui ne peut pas vous laisser indifférent.