Ce petit roman est une bombe !!! Pour son style d'abord, mais aussi pour le sujet qu'il aborde.
Silène Edgar aborde de manière frontale ce thème qui divise, mais qui ne devrait pas. le quotidien de ces jeunes migrants, mineurs isolés, au mieux séparés de leur famille, quand ils en ont encore… On a trop souvent peur de ce qu'on ne connait pas, mais une fois refermé ce livre, il n'y a plus de raison de craindre ce jeune syrien, ou les autres, tous ceux qui veulent juste survivre et s'intégrer au mieux. J'ai l'impression de répéter ce que je disais de
Pour un sourire de Milad, de la même autrice, paru lui aussi récemment, et qui traite du même sujet, mais d'un autre point de vue, sans doute plus adapté aux ados, à savoir la rencontre entre un jeune syrien et une jeune française… (ma chronique).
Dans
Ce caillou dans ma chaussure, c'est Nicolas, professeur de français chargé d'enseigner à Salim des bases qui lui permettrons de se débrouiller dans sa vie quotidienne, et peut-être même, qui sait, de suivre en classe… Nicolas nous partage le journal de bord de cette aventure, où il peut royalement voir Salim deux heures par semaine ! Comment peut-on prétendre intégrer un mineur isolé, puisque c'est l'expression consacrée, en lui consacrant deux heures par semaine pour lui apprendre le français ??? Et comment peut-on demander à un professeur de faire en sorte que ce jeune soit autonome dans sa manière de s'exprimer et puisse suivre en cours avec si peu de temps, même avec la meilleure volonté du monde ? le pire je pense, c'est d'exiger du professeur d'oublier cet enfant entre deux heures de cours, peu importe les problèmes rencontrés. Ce n'est pas son problème de savoir comment vit Salim, il doit juste lui enseigner le français. Par moments, Nicolas laisse de côté la mise en forme de son témoignage, et passe du mode journal de bord au journal intime, sans fioritures, tant il est dépassé (dégoûté ?) par les événements.
Je ne souhaitais pas faire de cette chronique une tribune politique, mais je crois qu'il est nécessaire parfois de dire et d'écrire pour défendre des causes auxquelles on croit. Plus jeune, j'ai appris à l'école que je vivais dans le pays des Droits de l'Homme, et je trouvais ça merveilleux. En grandissant un peu, je me suis petit à petit rendu compte que pour avoir des droits, il fallait avant tout respecter les « devoirs » qui nous étaient imposés, notamment celui de ne pas aider notre prochain s'il vient de l'étranger pour sauver sa vie. Notre « devoir » est de dénoncer ses hommes et femmes qui luttent pour mettre leur famille à l'abri. Notre « devoir » semble être de faire en sorte de croire que les adolescents qui débarquent de Syrie ou d'ailleurs sont tous majeurs pour pouvoir les renvoyer. Mais les renvoyer où ? Ont-ils encore une famille, une maison, un village même ? Comment peut-on imaginer un enfant expliquer que dans son pays, c'est normal de mourir avant d'avoir eu le temps de grandir ? Comment peut-on laisser faire ça ?
J'ai rencontré
Silène Edgar lors du festival Étonnants Voyageurs à Saint Malo en juin dernier, et on avait beaucoup échangé sur le sujet. Une rencontre humaine très forte, et un moment qui me restera en mémoire. Ce n'est pas tous les jours qu'on a la chance de rencontrer quelqu'un avec qui on partage tant de valeurs. Déjà dans le roman qu'elle dédicaçait,
Les affamés, et encore plus peut-être pour les deux romans publiés ces dernières semaines. Je la remercie d'ailleurs d'avoir demandé à Géphyre de m'envoyer la version numérique avant même que le livre soit imprimé.
Sache, Silène, que j'ai été très touchée par
Pour un sourire de Milad, mais encore plus émue à la lecture de ce roman ci, dont je sais à quel point il te tient à coeur. J'espère vraiment que
Ce caillou dans ma chaussure sera un caillou (et pourquoi pas un pavé) dans la mare de nos gouvernants, mais surtout dans la vie des gens qui le lirons, et qu'ils ne regarderons plus jamais les « mineurs isolés » comme des terroristes potentiels, ou des profiteurs qui ne viennent que pour les aides de l'état, mais comme des êtres humains, tout simplement. Des survivants, qui ont vécu dans leur courte vie bien plus que nous ne sommes capables de l'imaginer. Merci à toi d'avoir replacé l'humain au centre du débat, d'avoir rappelé que, migrants ou pas, nous sommes avant tout des êtres humains, et qu'il est inadmissible de traiter des êtres humains, et en particulier des enfants, comme ils le sont actuellement, en 2019, dans ce pays qui se dit des Droits de l'Homme. (nb : les répétitions sont tout à fait volontaires^^)
J'ai reçu la version papier de ce roman de la part de
Silène Edgar et des éditions Géphyre. Merci à eux pour la confiance, et à Silène pour les échanges.
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