Ce livre m'a été prêté par un Aîné de la commune dans laquelle je travaille. La mémoire du village pourrait-on dire. Car c'est à Saint-Claude-de-Diray, en Loir-et-Cher, que la famille Eideliman a été arrêtée par la Gestapo avant d'être déportée et de partager le funeste destin de nombreux autres Juifs.
Seuls deux membres de la famille en ont réchappé : Jacques/Iankiel avait passé la ligne de démarcation pour préparer la venue des autres, et Albert/Abram qui réussit à fuir par la porte de derrière avant de trouver refuge chez des villageois bienveillants.
Ils nous racontent tous les deux leur histoire, à tour de rôle. Elle commence en Bessarabie (entre la Roumanie et l'Ukraine), avant que la famille Eideliman ne décide de fuir pour échapper à la montée de l'antisémitisme. Elle trouve alors refuge en France, à Paris tout d'abord, avant d'être à nouveau obligée de fuir en 1942. C'est grâce à un ami prisonnier de guerre d'Albert que la famille s'installe à Saint-Claude-de-Diray.
Beaucoup de sincérité dans ces deux récits entrecroisés. Beaucoup d'émotions aussi bien-sûr, il ne pourrait en être autrement. Jacques et Albert parlent de tout ce qui a fait leur vie : la famille, la pratique religieuse, le communisme, le statut d'immigrés, la Résistance à laquelle ils ont activement pris part, leur haine des Allemands qu'ils ont d'abord tenté de pardonner ("Je les hais tous, je n'y peux rien"). Puis leur reconstruction après guerre.
Un témoignage éclairant, tant pour la grande Histoire que pour celle, plus locale, du petit village de Saint-Claude-de-Diray.
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Albert et moi sommes les seuls survivants. Nous avons voulu répondre à des idées dangereuses pour l'humanité et nous avons pensé le faire en montrant la vie d'une famille juive, la nôtre, une famille parmi les centaines de mille exterminées par le nazisme. Nous croyons à la force de conviction de faits réels, vécus, racontés simplement sans rien vouloir romancer ni enjoliver. Nous voudrions qu'après avoir lu notre récit, on pense à ces millions de corps figés par la mort, en se disant que chacun d'eux étaient un être humain, un homme, une femme, une petite fille comme on en rencontre au travail ou dans la rue, au cinéma ou dans l'escalier de la maison.
[en France en 1936]
De ce qui se passait en Allemagne, nous avions des échos par les réfugiés, par les journaux (...).
Avec le recul, il me semble pourtant que j'étais inconscient. J'étais très ému par les images du désastre, de cruauté, mes poings se serraient, je militais avec plus de conviction mais je n'imaginais pas le bouleversement qui se préparait. Qui en aurait été capable ?
La vie simple, avec ses problèmes de tous les jours, prenait le dessus.