Un pont pour la Corne d'Or..
Un pont dessiné par
Michel-Ange
Un pont entre le ciel et l'eau,
Entre deux rives, entre deux mondes
Entre l'Orient du sultan Bajazet et l'Occident du pape Jules II
Une incantation parfumée,
comme un poème de Mesihi de Pristina, le sharengiz,
Une mélopée envoûtante
comme le chant d'une danseuse andalouse -ou est-ce un danseur?-
Qui monte dans le ciel bleu d'Istanbul
en arabesques délicates
et trace
le lent affleurement,
dans la conscience et dans la main,
de l'oeuvre à naître
l'éclosion minutieuse de la beauté.
Un bizarre dessein de pont :
est on dans le conte ensorcelé d'une Shéhérazade jalouse?
ou dans le perfide jeu d'approche du pouvoir et du talent?
Un dessin qui ne vient pas:
retenu par l'amertume d' un orgueil
blessé
étourdi par la tentation du plaisir
éludé.
Un dessin sans dessein
écrit avec le sang rouge de la dague de damas noir
avec les secousses de la terre et la houle de la vague
Un dessein sans dessin
- amour muet qu'on n'a pas su entendre-
main qu'on n'a pas su prendre
doigts qu'on n'a pas su toucher
cheville qu'on n'a pu enserrer.
Un dessin à peine tracé:
mains, doigts, chevilles...
fragments d'attaches orientales
exquises esquisses
esquivées, toutes fines,
au haut plafond de la Sixtine
Un bizarre dessin de pont
Retrouvé avec les listes
de l'artiste
dans les archives ottomanes
comme un rêve d'opiomane...