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Citations sur Silence (83)

Kyrie Eleison ! Seigneur, prends pitié ! Sa bouche tremblante balbutiait la prière mais les mots mouraient sur ses lèvres. Seigneur, ne m’abandonnez plus ! Ne m’abandonnez plus de cette mystérieuse façon. Est-ce là une prière ? Pendant longtemps, j’ai cru que prier c’était vous louer et vous glorifier, il me semble désormais blasphémer quand je m’adresse à vous. Au jour de ma mort aussi, le monde continuera-t-il sa ronde inexorable, impassible comme en cet instant ? Après que l’on m’aura assassiné, la cigale chantera-t-elle et les mouches feront-elles cet endormant bruit d’ailes ? Désiré-je pousser jusque-là l’héroïsme ? Est-ce que je cherche le vrai martyre ignoré ou une mort glorieuse ? Veux-je être honoré, prié comme un saint ? Veux-je ce nom de saint ?

Il s’assit à terre, les mains enserrant ses genoux, regardant droit devant lui :
« À partir de la sixième heure, l’obscurité se fit sur tout le pays. » Lorsque cet homme mourut sur la croix, trois appels de clairon partirent du temple, un long, un bref, un long encore. C’était le jour de la Préparation de la Pâque. Le grand prêtre, en robe bleue flottante, avait monté les escaliers du temple et, debout devant l’autel où gisait la victime sacrificatoire, il avait sonné de la trompette. Le ciel, alors, s’était enténébré, le soleil s’était effacé derrière les nuées. « L’obscurité se fit. Le rideau du Temple se déchira en deux, du haut en bas. »

Telle était l’image du martyre qu’il avait longuement choyée, mais celui de ces paysans, perpétré sous ses propres yeux, combien il était lamentable. Misérable comme les huttes dans lesquelles ils vivaient, comme les haillons dont ils étaient vêtus. (pp. 184-185)
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« Écoutez-moi, mon père », pleurnicha Kichijiro à voix assez haute pour être entendu des autres. « Je suis un renégat mais, si j’étais mort il y a dix ans, j’aurais sans doute pu aller en Paradis comme bon chrétien. Je n’aurais pas été méprisé comme apostat. Simplement parce que je vis en un temps de persécution… Je regrette…

— Je ne puis malgré tout avoir confiance en vous », dit le prêtre, s’efforçant de supporter le souffle méphitique de l’autre. « Je vous donnerai l’absolution, mais je ne puis vous faire crédit. Je ne puis pas non plus comprendre pourquoi vous êtes venu ici. »

Soupirant profondément et cherchant une explication, Kichijiro se déplaça en traînant les pieds ; la puanteur de sa crasse et de sa sueur empesta le prêtre. Était-il vraiment possible que le Christ eût recherché et aimé ces déchets d’humanité ? Il y a une beauté et une force dans le mal, mais ce Kichijiro n’était même pas digne d’y être apparenté. Il était maigre et sale comme les haillons qu’il portait. Réprimant son dégoût, le prêtre récita les dernières paroles de l’absolution puis, selon la formule consacrée, il murmura : « Allez en paix », et s’éloigna au plus vite de ce corps nauséabond pour rejoindre les autres chrétiens.

Non, non. Notre Seigneur s’était bien mis en quête des guenilleux et des malpropres. Il méditait ce fait tandis qu’il gisait sur sa couche. Parmi ceux dont parle l’Écriture, le Christ avait poursuivi de son amour l’hémorroïsse de Capharnaüm, la femme adultère que les hommes voulaient lapider, des êtres laids et sans attraits. N’importe qui peut être séduit par la grâce et le charme. Peut-on appeler amour cette inclination ? Le véritable amour, c’est d’accepter une humanité avilie, pareille aux chiffons et aux loques.

Théoriquement, le prêtre savait tout cela, néanmoins il ne pouvait pardonner à Kichijiro. Une fois de plus, le visage du Christ, en larmes, s’approcha du sien, et son doux regard l’emplit de honte. (pp. 177-179)
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En traînant les pieds, je me chantais les paroles de l’Écriture, les seules qui vinssent à mon cœur : « Le soleil se lève, et le soleil s’en va ; il se hâte vers son lieu, et là il se lève. Le vent part au midi, et tourne au nord ; il tourne et il tourne… Tous les fleuves marchent vers la mer, et la mer ne se remplit pas… Tout est ennuyeux. Personne ne peut dire que les yeux n’ont pas assez vu, ou les oreilles entendu leur content. »

Et soudain résonna en moi le mugissement de la mer tel que nous l’entendions, Garrpe et moi, dans notre cachette solitaire. Le bruit de ces vagues, roulant dans l’ombre, comme un tambour voilé, le bruit de ces vagues, déferlant sans raison, la nuit durant, refluant et brisant à nouveau au rivage. La mer implacable qui avait baigné les corps de Mokichi et d’Ichizo, la mer qui les avait engloutis, la mer qui, après leur mort, se déroulait à l’infini, pareille à elle-même. Tel le silence de la mer, le silence de Dieu. Silence sans démenti.

Non ! Non ! je secouai la tête. Si Dieu n’existe pas, comment l’homme pourrait-il supporter la monotonie de la mer et sa cruelle indifférence ? (Mais en supposant… je dis bien en supposant.) Au plus profond de mon être, une autre voix murmurait pourtant. En supposant que Dieu n’existe pas…

Terrifiante idée ! S’il n’existe pas, tout est absurde. Absurde le drame de Mokichi et d’Ichizo, attachés aux poteaux et balayés par la mer. Absurde l’illusion des missionnaires qui ont passé trois ans en mer pour arriver jusqu’ici. Et moi… rôdant dans ces montagnes désertes… absurde ma situation ! Arrachant des brins d’herbe, j’en mâchai, chemin faisant, luttant contre les pensées qui nouaient ma gorge comme une nausée. Je ne le savais que trop, le plus grand crime contre l’Esprit, c’est le désespoir, mais du silence de Dieu je ne pouvais sonder le mystère. (pp. 107-108)
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Aujourd’hui, interrompant parfois cette lettre, je sors de notre hutte pour regarder la mer, tombe de ces deux paysans japonais qui ont cru à notre parole. Seul, l’océan indéfiniment s’étend, mélancolique et sombre, et sous les nuages gris ne se dessine même pas une île.

Rien de nouveau. Je sais ce que vous me diriez : ‘’Leur mort n’est pas vide de sens. C’est une pierre qui servira, en temps voulu, aux fondations de l’Eglise, Dieu ne vous envoie jamais une épreuve au-dessus de nos forces, Mokichi et Ichizo sont auprès du Seigneur. Comme les nombreux martyrs japonais qui les ont précédés, ils connaissent à présent une joie éternelle.’’ Moi aussi, bien sûr, j’en suis convaincu. Pourquoi alors la douleur tenaille-t-elle encore mon cœur ?
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Que veux-je dire ? Je ne le comprends pas bien moi-même, je sais seulement qu’aujourd’hui, tandis que pour la gloire de Dieu, Mokichi et Ichizo ont gémi, souffert et rendu l’âme, je ne puis supporter le bruit monotone de la mer obscure rongeant le rivage. Derrière le silence oppressant de la mer, le silence de Dieu… le sentiment qu’alors que les hommes crient d’angoisse, Dieu, les bras croisés, se tait.
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Et soudain résonna en moi le mugissement de la mer tel que nous l’entendions, Garrpe et moi, dans notre cachette solitaire. Le bruit de ces vagues, roulant dans l’ombre, comme un tambour voilé, le bruit de ces vagues, déferlant sans raison, la nuit durant, refluant et brisant à nouveau au rivage. La mer implacable qui avait baigné les corps de Mokichi et d’Ichizo, la mer qui les avait engloutis, la mer qui, après leur mort, se déroulait à l’infini, pareille à elle-même. Tel le silence de la mer, le silence de Dieu. Silence sans démenti.
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Pourquoi nous avez-vous si totalement abandonnés ? pria-t-il d’une voix éteinte. Pourquoi avez-vous laissé à ses cendres une ville bâtie à votre intention ? Alors même que ces malheureux étaient jetés hors de leurs foyers, ne leur avez-vous pas donné du courage ? Avez-vous simplement gardé un silence pareil à celui des ténèbres qui m’entourent ? Pourquoi ? Donnez m’en au moins la raison. Nous ne sommes pas des hommes comme Job, mis à l’épreuve par des ulcères. Il y a une limite à notre endurance. Ne nous imposez plus d’autre souffrance.
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Dès son enfance, le visage du Christ avait représenté pour lui l'accomplissement de tout rêve et de tout idéal. Ce visage, lors du Sermon sur la Montagne. Ce visage, lorsque le Christ traversait, à la brune, le lac de Galilée. Ce visage qui n'avait jamais perdu sa beauté dans les pires tortures. Ces yeux doux et limpides, pénétrant jusqu'à la fibre tout être humain, étaient fixés sur lui. Ce visage incapable du mal et de l'insulte. Lorsque cette vision s'imposait à lui, la peur et tremblement disparaissaient, telles les ondulations imperceptibles que boit le sable du rivage." p .159/160,
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Il avait choisi le Japon et pensé mener la même vie que les chrétiens japonais. Il en était bien ainsi ! On lui avait donné le nom d'Okada San'emon, il était devenu japonais. Okada San'emon. Il rit à voix basse en prononçant ces mots. Le sort avait exaucé ses voeux mais de quelle cynique manière !
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Le christianisme que vous avez implanté au Japon s'est dénaturé pour devenir quelque chose d étrange, dit le Seigneur de Chikugo, en soupirant profondément. Le Japon est ainsi fait, on n'y peut rien.
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