Didier Eribon me fait penser à l'enfant qu'auraient eut
Annie Ernaux et
Eric Zemmour. Je m'explique: à la mort de son père, beauf honni,
Didier Eribon retourne à Reims et raconte comment et pourquoi il a quitté son milieu familial (ouvrier) qui lui faisait honte. Comme
Annie Ernaux, Eribon mêle expérience personnelle et sociologie. Il analyse l'inappétence des jeunes des milieux populaires pour l'école, le vote front national, les goûts culturels... Et il est souvent très lucide. Mais il est surtout très méchant. Et c'est en cela qu'il me fait penser à
Eric Zemmour tant on sent chez lui le frustré revanchard. C'est aussi pour cela que j'ai cessé ma lecture à la moitié. Je n'en pouvais plus de son mépris et de son ingratitude. J'ai eu honte pour lui d'avoir à ce point honte de son frère ou de son grand-père. J'ai eu honte pour lui de n'éprouver aucune reconnaissance au fait qu'il ait pu lire Marx et
Lénine vautré dans sa chambre (qu'il n'avait pas à partager parce qu'il faisait des études) pendant que ses parents se tuaient littéralement à l'usine. On dirait la dernière scène de Ressources humaines sauf que la violence du petit con envers son père s'exprime de longue. Deux exemples qui m'ont ulcérée. le premier concerne l'école. Eribon ressasse cette théorie discutable selon laquelle l'école serait une machine à exclure. Il fait remarquer, non sans raison, que ce sont toujours parmi les classes populaires, que les jeunes n'aiment pas l'école. Mais il va plus loin: il prétend que la bourgeoisie agit à dessein, qu'un complot des possédants vise à supprimer toute possibilité, pour les pauvres, de s'élever dans l'échelle sociale. Cependant, une question se pose alors: et lui ? pourquoi et comment a-t-il aimé l'école ? N'est-ce pas par sa propre volonté qu'il a réussi ? N'aurait-il pas pu aider ses frères cadets ? - Ben non, bien sûr. Il avait tellement envie de les fuir qu'il préfère accuser la société. Tellement facile ! Autre malhonnêteté: il explique (très bien, quoi que dans un style ampoulé) que l'élection de
François Mitterrand marque à la fois le sommet des aspirations de la classe ouvrière et le début de l'effondrement de celle-ci. Il explique comment les anciens étudiants bourgeois de mai 68 ont dénaturé les aspirations des ouvriers puis leur ont tourné le dos avant de les réduire au silence par leur mépris glacé. Mais il fait là son propre portrait !!! Celui d'un ex gauchiste bobo qui "ne serre pas la main à quelqu'un qui vote FN". Non, vraiment, je ne peux pas continuer. J'ai envie de le gifler.