" Vous aurez des contractions. » Depuis hier j'attends, lovée autour de mon ventre, à guetter les signes. Qu'est-ce que c'est au juste. Je sais seulement que ça meurt petit à petit, ça s' éteint, ça se noie dans les poches gorgées de sang dhumeurs filantes... Et que ça part. C'est tout.
Mon corps jaillit de ses doigts par petits morceaux précis.
Il n'y a peut-être jamais eu d'équilibre entre mes mondes.
Et puis toutes ces remarques, ces ricanements, non, les choses de mon univers n'avaient pas cours à l'école. Ni les retards, ni les envies, ni les mots ordinaires n'étaient permis.
Je peux ouvrir la bouche sans crainte, il n’en sort plus ces bouts de phrases de la maison, ces intonations qui classent… Mieux, j’ai avalé l’argot des potaches…
Ne pas pouvoir aimer ses parents, ne pas savoir pourquoi, c'est intenable.
A l’école, je devais faire comme si c’était vrai et important ce qu’on apprenait, rire quand la maîtresse racontait des amusettes, l’histoire de Poum, de Rémi et Colette, s’exclamer d’horreur devant les bêtises d’un fille, alors que je m’en fichais bien. Ne pas être différente. Pour les baiser toutes.
Denise, on l'entend
pas, elle apprend, elle a toujours bien appris, à
cinq ans elle lisait le dictionnaire ! Tranquilles.
Mais Denise qui court les garçons, Denise libre,
heureuse, et ils deviennent enragés, ils vont me
ramener dans leur auge, me salir pour mieux me
refourrer dans leur morale, leur trouille. Il fallait
que j'aie peur moi aussi, sinon, je n'allais pas
réussir, j'allais me laisser aller…
Une fille de 20 ans qui est allée chez la faiseuse d’anges… Les bouquins sont muets là-dessus.
J'avais rêvé du mou, du fondant, un tendre petit curé aux caresses de roman. C'était un chien qui bataille et barbouille la figure.