Citations sur Les oreilles de Buster (113)
p.250 "Il y a une différence entre le silence qui règne parce qu'on est seul, et celui qui règne parce qu'on est avec quelqu'un qui refuse de parler. Celui-là fait l'effet d'un eczéma, qu'on a un peu honte de gratter parce qu'on devrait se dominer. Alors on le supporte, jusqu'à ce que le barrage cède, et là, on se gratte jusqu'au sang. Il m'est arrivé de m'enfermer dans la salle de bain pour hurler quand Hans n'avait pas prononcé plus de trois phrases de toute la journée. Mais c'est fini. Maintenant, je peux enfin me taire."
J'ai répliqué que si Pétra avait tellement besoin de parler, c'était peut être justement parce qu'elle vivait avec un homme pathologiquement taciturne. Sven a protesté.
- Pas du tout. Les femmes ont une réserve de quatre mille mots à épuiser quotidiennement, je veux dire en moyenne, quatre mille mots par jour, et nous les hommes, nous n'en avons que deux mille. A un moment ou à un autre au cours de la journée, nos mots sont tout simplement épuisés, alors que vous, il vous en reste encore la moitié. Et voilà ce qui arrive. Pas étonnant que tant d'hommes soient fatigués.
J’avais sept ans quand j’ai décidé de tuer ma mère. Et dix-sept ans quand j’ai finalement mis mon projet à exécution.
À travers ce simple constat, je viens de m’exprimer sur cette page avec une sincérité dont je n’ai pas l’habitude. À vrai dire, je n’ai jamais été aussi franche. Cela fait un moment que je n’écris plus de cartes postales, sans parler de lettres, et je n’ai jamais tenu de journal intime. Les mots m’ont toujours narguée, tournoyant sans répit dans ma tête. Des pensées qui me paraissaient révélatrices, originales tant que je les gardais prisonnières, s’effritaient durant leur brève course dans l’atmosphère et mouraient dès qu’elles touchaient le papier. Comme si le simple passage de mon for intérieur au dehors suffisait à les flétrir.
L’écart impitoyable entre inspiration et insignifiance qu’ont cruellement révélé mes rares tentatives d’écriture, m’a incitée à délaisser la plume, hormis pour consigner des faits purs et durs. Beurre, œufs, tomates, radis. Dentiste, ne pas oublier d’appeler. Il peut donc sembler pathétique de se mettre ainsi à rédiger un journal intime à l’âge de cinquante-six ans, mais je m’en arroge le droit. Ce cadeau doit bien avoir un sens, surtout venant d’Anna-Clara. Il implique un engagement de ma part – cela fait si longtemps que je ne me suis pas sentie redevable de quoi que ce soit… Les obligations ont cessé de dicter mon comportement bien avant que je n’arrête d’écrire des lettres. Mais je m’égare.
Ce ne sont pas les grandes fêtes, les nuits moites, ni même les disputes déterminantes qui régissent un couple, mais les propos sur la pluie et le beau temps échangés autour d'une tasse de thé, une solution élaborée à deux pour résoudre un problème commun, une conversation paisible à propos d'un heureux ou d'un triste événement, un silence partagé autour de la flamme d'une bougie.
Mon mari ne dit jamais un mot. Quoi qu'il se passe à la maison, tout ce que j'entends, c'est le foutu bourdonnement du frigo, et tout ce que je vois, c'est un homme qui ne dit rien, jamais rien, jamais un mot. Eh ben, je vais te dire ce que ça fait. On se met à parler pour lutter contre le silence. On parle pour refouler la panique, les idées noires, la déception d'en être arrivé là, l'angoisse d'avoir choisi un homme ou d'avoir été choisie par un homme qui est moins intéressant que la radio ou la télé... Il y a une différence entre le silence qui règne parce qu'on est seul, et celui qui règne parce qu'on est avec quelqu'un qui refuse de parler.
Comment pouvait-on parler d'amour, aimer quelqu'un à la folie, et conserver ce sentiment tout en le transférant sur une autre personne en l'espace de quelques semaines ?
Je suis poursuivie par l'image d'un flacon d'huile et de vinaigre, deux liquides qui se superposent, séparés par leurs densités respectives. Il faut que quelqu'un secoue le flacon pour que les liquides se mélangent et qu'ils prennent une couleur qu'aucun d'eux ne possédait au départ. Eh bien, cela peut aussi arriver avec les bonnes et les mauvaises expériences. Au fond reposent les mauvaises, et si personne ne secoue la bouteille, elles y restent, constituant une sorte de fondation aux bonnes, qui demeurent au-dessus. Le pire et le meilleur coexistent ainsi paisiblement, sans déteindre l'un sur l'autre.
Ce ne sont pas les grandes fêtes, les nuits moites, ni même les disputes déterminantes qui régissent un couple, mais les propos sur la pluie et le beau temps échangés autour d'une tasse de thé, une solution élaborée à deux pour résoudre un problème commun, une conversation paisible à propos d'un heureux ou d'un triste événement,un silence partagé autour de la flamme d'une bougie.
p.369 "C'est bizarre. Les gens font exactement le même mal à leur entourage que ce qu'ils ont eux-mêmes vécu dans le passé. Leur propre destin les révolte et ensuite, ils font pareil aux autres, en s'inventant une excuse pour expliquer à quel point leurs agissements sont différents. J'ai vu ce genre de choses plusieurs fois. Les gens maltraités maltraitent, les gens abandonnés abandonnent, les victimes d'infidélité..."
J’avais sept ans quand j’ai décidé de tuer ma mère. Et dix-sept quand j’ai finalement mis mon projet à exécution.
À travers ce simple constat, je viens de m’exprimer sur cette page avec une sincérité dont je n’ai pas l’habitude. À vrai dire, je n’ai jamais été aussi franche. Cela fait un moment que je n’écris plus de cartes postales, sans parler de lettres, et je n’ai jamais tenu de journal intime. Les mots m’ont toujours narguée, tournoyant sans répit dans ma tête. Des pensées que me paraissaient révélatrices, originales tant que je les gardais prisonnières, s’effritaient durant leur brève course dans l’atmosphère et mouraient dès qu’elles touchaient le papier. Comme si le simple passage de mon for intérieur au dehors suffisait à les flétrir.