Les oreilles de Buster

" Je me rappelle avoir progressivement compris que ma mère ne se soucierait jamais assez de moi pour m'aimer et que seule l'une d'entre nous deux verrait le bout du tunnel saine et sauve. A sept ans, je décidais que ce serait moi. "

Dans le temps, tout escroc qui se respectait avait une capsule de cyanure cachée dans une dent, et il la croquait si les choses tournaient mal. De nos jours, ils ont la carte de visite d'un ténor du barreau.

Sven. Comment en sommes-nous arrivés là ? Sans doute sa présence m'a-t-elle toujours rassurée. Il m'accepte comme je suis, avec une telle générosité que les années passant, je suis parvenue à m'accepter comme moi-même. Autrefois, je croyais qu'il recelait des secrets, des trésors cachés. Que dans des profondeurs que je devinais à peine, avec un petit effort, je trouverais des joyaux merveilleux. Aujourd'hui, je sais que c'est un être pensant, mais insondable. Jetez-y une pièce, vous la verrez sombrer. Elle se posera sans doute au fond. En tout cas, elle ne refera jamais surface – sauf si Sven en a besoin.

Ainsi notre vie commune se limite à ce que Sven accepte de recracher à la surface, à peu près comme le souffle humide d'une baleine jaillit de ses poumons, à la verticale. Mais notre couple n'est ni meilleur ni pire que bien d'autres. En réalité, nous partageons un quotidien agréable, rempli de vétilles et de banalités. Et nous veillons jalousement sur les secrets que nous sommes seuls à pouvoir connaître.

Le temps d'une halte, il s'était assis au port pour observer la vie sur la terre ferme. " C'est tellement beau, parfois, une ville au réveil. En plein jour, les gens courent dans tous les sens entre des voitures et des autobus qui soulèvent des nuages de saleté. Je ne retrouve jamais cette beauté particulière de l'aube, ce sentiment d'abandon. Malgré l'émotion que j'éprouvais devant le spectacle, j'ai ressenti si fort l'appel de la mer que j'ai à peine pu m'empêcher d'embarquer sur le champ" (p. 430)

Cette nuit, je n'ai pas dormi. J'ai tenu un conciliabule avec les oreilles de Buster, qui m'ont donné leur consentement tacite.

Ce n'est un secret pour personne que je prends volontier un verre de temps en temps - parfois un de trop, sans doute - alors que je devrais plutôt avaler de la nourtiture solide. Mais ici encore, le temps accorde certains privilèges. Mon mode de vie m'a permis d'atteindre 56 ans. J'ai donc vécu plus longtemps que de nombreux fou furieux de la diététique.
Un petit bijou venu de suède, un agreable moment de lecture même si la fin m'a déçue.

Je me suis dit que finalement, il n'est jamais question que de comparaisons, et que les fleurs les plus revêches sont généralement bien plus fiables qu'un être humain, si bon soit-il. Mes roses m'ont toujours récompensé pour mon travail - parfois acharné. Voilà pourquoi il ne me viendrait pas à l'idée de m'en plaindre. Une place au ciel se paie cher ; le billet d'entrée en efer, lui, est gratuit.

Page 225 : J’ai rencontré John au mois de mai, au cours d’un printemps exceptionnellement doux. La chaleur s’insinuait opiniâtrement dans mon corps constellé de cristaux de glace. Je sentais l’eau de la fonte des neiges s’écouler sous ma peau. Elle s’accumulait par endroit, en petites flaques qui quittaient mon être à travers des crises de larmes incontrôlées ou d’abominables menstrues, encore tellement irrégulières que je ne pouvais me confier à aucun calendrier.

"Je me rappelle avoir progressivement compris que ma mère ne se soucierait jamais assez de moi pour m'aimer, et que seule l'une d'entre nous deux verrait le bout du tunnel saine et sauve. A sept ans, je décidais quez ce serait moi." p. 30

Chacun doit affronter seul la vieillesse. Il paraît qu'on garde toujours une part de l'autre au fond de soi, mais plus le temps passe, plus j'ai l'impression du contraire. Nous sommes seuls. Nous venons seuls au monde et nous le quittons seuls, même si nous vivons entourés d'amour, de dévotion et de bienveillance.