En commençant ce roman, j'étais assez dubitative. Présenté comme un thriller, je n'ai pu qu'être déçue de ne pas avoir affaire au genre annoncé. Forcément, lorsque vous vous imaginez manger une forêt-noire et qu'on vous bande les yeux pour vous faire avaler une poire, ça n'a plus rien à voir. Pas que la poire ne soit pas bonne, mais simplement différente ! Puis, finalement j'ai appris à apprécier cette poire. Je l'ai déguster, savourer … Jusqu'à l'aimer autant que j'aurais aimé cette forêt-noire.
J'ai découvert, en ce jeune romancier belge, une plume légère mais incisive. Chaque mot est justement placé dans ses phrases afin de vous faire vous questionner … Vous interloquer … Vous faire réagir … Dans un sens ou dans un autre. Parce que, bien que l'oeuvre soit très basée sur les bons sentiments (dons aux associations, ONG, Médecins sans frontières …), l'auteur n'a pas choisi la facilité contrairement à d'autres. Il a eu le courage d'opposer plusieurs opinions entre elles, sans jamais favoriser l'une d'entre elle dans son intrigue. Non ! Il n'est pas là pour faire des leçons de moral. Il est là pour rappeler à tout un chacun, qu'il est libre de ses opinions et de ses choix. Que le bien et le mal ne sont que des perceptions et non des réalités avérées. Après tout, qui peut dire qu'il n'a fait que de bons choix dans sa vie ? Qui n'a pas, un jour, usé du « mal » pour obtenir le « bien » ? N'est-ce pas pour cela que l'expression « Un mal pour un bien » ne cesse de peupler nos conversations ?
Pour moi, ce roman démontre parfaitement le syndrome des occidentaux face à la déchéance. Il leur est plus difficile de venir un aide à l'un de leur compatriote plutôt qu'à un étranger. Pourquoi ? Parce que le compatriote, lui, renvoie à une éventuelle image de soi. Une image d'échec. Et donc, une image à rejeter. Alors qu'aider un étranger, ne fait qu'accentuer (consciemment ou inconsciemment) le sentiment de supériorité qui l'habite. La question qui se pose est la suivante : Existe-t-il réellement des actes désintéressés ?
Mathias m'est apparût comme un homme las de sa vie. Il aime sa petite-amie et il est heureux auprès d'elle, pourtant il s'ennuie. Il s'ennuie tellement, qu'un jour, il trouve la bonne idée d'aller ennuyer d'autres personnes. Sous quel prétexte ? Sous l'évident prétexte que les gens souffrent dans d'autres pays. Dans ce cas, escroquons des gens ! Soutirons-leur de l'argent (qu'ils ont durement gagner à la sueur de leur front) pour en faire don à des associations ! Un Robin-des-bois des temps modernes, en somme. Avouons-le-nous, cet homme est vraiment perché … Et pas que sur la nacelle qui le sépare de la terre ferme.
Elisa, pour ne pas dénoter avec le côté fictif de l'intrigue, est une jeune femme qui corrobore tous les délires de son cher et tendre. Tu veux escroquer des gens ? Fais-le ! Elle a beau être drôle et pleine d'imagination, elle n'en reste pas moins peu probable. Aimer n'est-il pas de se protéger mutuellement ?
Bien que la conception des personnages laisse parfois quelque incohérence (personne n'a porté plainte pour escroquerie, étrangement …), l'auteur a réussi à ancrer son lecteur dans une sorte de réalité alternative en parsemant son texte de références plus ou moins actuelles (par exemple, le méchant qui caresse son chat à la façon du docteur Gang dans l'Inspecteur Gadget).
En résumé, je trouve que le concept est bien trouvé bien qu'un peu tiré par les cheveux. Je salue le courage et le travail de l'auteur qui a osé ce que d'autres ne feront jamais : opposer des opinions pour convaincre, ou ne serait-ce faire réagir. Moi qui déteste entendre les auteurs me faire des leçons de moral sur le bien et le mal, le moral et l'immoral, l'égoïsme et l'altruisme, j'ai eu peur de devoir sauter de la nacelle pour éviter le naufrage. Mais, loin de là. J'ai découvert un auteur respectueux de chaque point de vue. Un auteur qui prône la tolérance et qui l'applique réellement. Un auteur, donc, intelligent. de ce fait, un auteur à suivre.
En lisant le titre de ce roman, vous lirez : «
Ne sautez pas ! » - Moi, je vous dirais : « Sautez-y à pied-joints ! »