Femme au foyer est le premier roman de la poétesse
Jill Alexander Essbaum, une femme qui jusqu'alors m'était totalement inconnue… Ce livre m'a été recommandé par le logiciel automatique du site Babelio, qui selon mes notations précédentes m'oriente dans des lectures qui pourraient me plaire…
L'histoire est de prime abord tout ce qu'il y a de plus banal. Une américaine, Anna, épouse un banquier suisse et s'installe avec lui dans la banlieue de Zurich, où elle y élève leurs trois enfants. Anna est très seule, ayant du mal à maîtriser l'allemand et pire, le suisse-allemand ! Sans travail, avec à peine deux amies qui sont plus des connaissances qu'autre chose, Anna sombre doucement dans la dépression, qu'elle tente d'apaiser par divers adultères qui donnent temporairement l'illusion d'exister… Certaines critiques l'ont comparé à
Madame Bovary ou à Anna Karenine ; il y a effectivement un peu de la détresse de ces deux femmes chez Anna.
Le roman est scindé en petites parties : celles retraçant les discussions d'Anna avec sa psy, et d'autres racontant simplement le quotidien d'Anna. L'écriture est très sèche, très distante, comme un personnage que l'on regarde de loin et qui nous semble affreusement nébuleux tant il n'a pas l'air heureux. J'ai eu du mal à apprécier le style des premières pages avant d'être à fond dedans et de trouver cela triste, mais triste… Combien de fois j'ai envié ces femmes d'expat' qui se la coulent douce avec des bambins dans des maisons dorées… à tort ! Inutilité, rejet, solitude, ennui etc., j'en passe et des meilleures ! Bref, l'écriture est très distanciée, en même temps assez poétique dans le sens d'un réel choix des mots. On ne se prend pas d'affection pour le personnage principal, et rien n'est fait pour. Tout est fait pour se placer d'un point de vue « méta », en surface, un peu comme un suivi sociologique. Etrange donc de voir la déliquescence d'une personne sans compassion, juste par les faits.
Le portait dressé d'Anna sonne très juste et très travaillé. Les choses ne sont pas laissées par hasard et la description de la vie en Suisse est très intéressante, à croire que l'auteure a fait l'expérience de cette vie qu'elle décrit. Rien n'est exceptionnel, rien n'est trop ou pas assez, il y a donc une grande justesse de l'écriture. En revanche, je n'ai pas aimé le personnage de la psy qui m'a semblé – et c'est bien le seul hic du livre – peu crédible.
Je ne peux pas en dire davantage car il ne faut pas gâcher l'intrigue, mais j'ai été affreusement triste aux deux-tiers du livre, réellement. En ce sens, la transmission de cette vie de chagrin est parfaitement réussie, même si cela devient à un moment très raide… le pire étant que n'importe laquelle d'entre nous pourrait potentiellement lentement chavirer vers une zone de non-retour.
Au-delà de l'intrigue à proprement parler, ce livre est aussi un livre sur la condition de femme, d'épouse et de mère. Existe-on pour soi facilement, quand on a également la responsabilité de trois enfants ? Y'a t-il des bonnes mères et des mauvaises ? Est-ce tragique de malgré nous préférer un de nos enfants ? Et qu'est-ce qui fait dire qu'un mariage est réussi : la fidélité, le sexe ou le fait de rire ensemble ? Un livre somme toute assez dur et réussi, du moins pour moi qui aime beaucoup ce genre de sujets.
Je le recommande bien chaleureusement à mes amies lectrices, qui se questionnement ou se passionnent sur leur place dans et en-dehors de leur famille.
Jo la Frite
Lien :
http://coincescheznous.unblo..