Une fois de plus, je n'ai pas vraiment lu le résumé avant de commencer ma lecture. Ou plutôt, je l'ai lu quand l'auteur a eu la gentillesse de m'envoyer son ouvrage, mais des mois et des mois se sont écoulés depuis (je m'en suis d'ailleurs expliqué et excusé ici). du coup, quand j'ai ouvert ce livre, j'ai eu une approche neutre, bienveillante, curieuse surtout, comme à chaque fois qu'en tant que lecteur, je me lance dans l'inconnu.
Ce qui m'a sauté aux yeux presque tout de suite : il ne s'agit pas, ici, d'un roman, mais plutôt d'un récit autobiographique, d'un témoignage (surprise – c'est écrit en gros sur la couverture, comme je me rends compte en écrivant ce retour sur lecture). le texte est donc écrit à la première personne et adressé à un « tu » dont on apprend que c'est Esteban, le compagnon du protagoniste. Ce dernier déroule notamment la rencontre entre eux deux, le parcours de leur relation et leurs nombreux voyages, en livrant également, par fragments savamment dosés, quelques pans de son passé. Puis, vers le milieu du livre, arrive le moment fatal. Un malaise inexpliqué, une grosse fatigue, des examens, encore plus d'examens, et le verdict, sans appel : myélodysplasie. Derrière ce mot savant et technique se cache une maladie de la moelle osseuse (pas un cancer à proprement parler, m'apprend le site cancer.ca) qui s'exprime en la production insuffisante de cellules sanguines matures saines. S'ensuit un véritable parcours du combattant, avec greffe de la moelle osseuse, long séjour en chambre stérile, traitements divers, variés, et très lourds et pour l'organisme et pour le mental… Avec, toujours aux côtés du narrateur, le fidèle Esteban…
C'est un livre d'une grande sincérité, qui retranscrit fidèlement les hauts et les bas par lesquels passe le narrateur (qui est aussi l'auteur, je crois pouvoir présumer sans trop de risque de me tromper). Dans sa dimension de témoignage, ce texte m'a beaucoup touché, surtout qu'aucune mauvaise passe n'est tue, aucun trauma omis, aucune situation apparemment sans issue laissée de côté. J'ai souffert avec l'auteur, que j'ai découvert très humain en ce que nous, les humains, sommes capables de déplacer des montagnes par notre seule volonté et que nous pouvons creuser des abîmes par notre seul désespoir. Pas d'inquiétude à avoir, par ailleurs – le texte n'appelle pas à la pitié, il fait l'impasse sur les larmoyances faciles, et la plume reste fluide, assez terre-à-terre.
Peut-être même un peu trop, hélas. Comme il l'annonce d'emblée, l'auteur a écrit ce livre pour ériger un monument à l'amour incommensurable qu'il porte à son Esteban. Il le dit et le répète plusieurs fois, d'ailleurs. Et c'est probablement là que le bât blesse, à mes yeux. Ces choses-là, entre tant d'autres, sont dites, racontées, et pas montrées. En effet, il m'était difficile de ressentir une quelconque osmose entre ces deux hommes, malgré les protestations de l'auteur du contraire. Bien des passages, par exemple, consistent en dialogues entre l'auteur et son homme. Comme dans beaucoup de couples, ils se chamaillent, ils se chambrent. Mais quand des bribes de conversation au langage familier sont livrés de façon brute, sans contextualisation, sans description annexe, elles sonnent sec et empêchent de sentir l'attachement qu'elles sont censées exprimer. Ainsi, un « t'es con ! » ressemble davantage à une remontrance qu'à une parole tendre. Il aurait suffi de me montrer le clin d'oeil, de me faire entendre le ton affectueux, de me faire voir le geste câlin qui accompagne ces trois mots pour que je puisse percevoir pour de vrai les sentiments qui lient ces deux hommes.
Oui, j'aurais aimé que l'on me montre davantage cette relation au lieu de seulement me la raconter. Je sais, faire la différence entre les deux et manier habilement l'écriture pour montrer les choses, les sentiments, les émotions, ce n'est pas facile. Mais c'est là, dans les choses montrées, que se niche le déclencheur de l'émotion que l'on ressent en tant que lecteur ou lectrice. Et j'avoue que je n'ai pas ressenti beaucoup d'émotion pour les deux hommes en tant que couple. J'en suis resté à l'admiration pour la force et la combativité de l'auteur face à la maladie, mais je trouvais que ses assurances quant à la force de l'amour entre lui et Esteban étaient des mots que je voulais croire volontiers, mais que je ne pouvais saisir sur le plan émotionnel.
Hélas, des fautes se sont aussi glissées dans le texte, qui aurait mérité une relecture plus approfondie. C'est dommage car, dans l'ensemble, il est bien écrit ; c'est peut-être pour cette raison que les verbes qui auraient dû être au pluriel et sont restés au singulier ou les accords manquants après un COD détonnaient d'autant plus. Dernier détail, rédhibitoire pour moi, la nonchalance avec laquelle des expressions telles que « le niakoué » ou « les bridés » sont utilisées. Je ne veux pas faire mon petit caca nerveux du politiquement correct, mais décidément, je ne vais jamais aimer ce genre de terme.
En résumé, j'ai lu avec beaucoup d'empathie ce récit. J'ai aimé son authenticité dans ce qui relevait du face-à-face homme contre maladie. Je ne suis pas sûr, en revanche, d'avoir trouvé les deux protagonistes vraiment sympathiques. Ce n'est pas faute d'avoir essayé, et je ne peux même pas dire que je les ai trouvés antipathiques. Il y avait juste des petits trucs qui m'ont dérangé et qui m'ont empêché de m'attacher pour de vrai à eux. J'en suis désolé.
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