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Dans la vaste littérature de pirates, Tortuga se distingue par la volonté de déboulonner le mythe romantique hollywoodien et de rendre toute la noirceur de cet univers, en le remettant dans le contexte historique qui lui a donné naissance. A la barbarie hypocrite des européens avides de guerres et de richesses, qui justifient leurs tueries et la pratique de l'esclavagisme par les arguments bien commodes de la religion, répond la sauvagerie décomplexée des pirates, qui pillent et massacrent pour le plaisir, en une vie cyniquement dédiée à la satisfaction de l'instinct mais non dénuée d'un certain sens de l'honneur et de quelques lois étonnament démocratiques. Beaucoup sont de simples brutes mais quelques uns sont bien plus ambigus, tout particulièrement les quelques personnages arrachés à L Histoire : Raveneau de Lussan et Exquemelin, les deux médecins de bord, Laurens de Graaf et Michel de Grammont, les deux capitaines. Et, bien entendu, Rogério. Rogério qui n'a rien d'un personnage sympathique : sournois, cruel, hypocrite, à la rigueur pathétique mais au fond surtout médiocre, doté des défauts majeurs de son époque mais ne les relevant d'aucune prestance particulière.

Un personnage principal antipathique, c'est un peu à double tranchant. C'est intéressant, en soi comme dans la logique même de l'histoire, cela contribue à le rendre particulièrement humain et ambigu, mais en même temps, on peine un peu à accrocher à ce qui lui arrive, surtout lorsque sa mise en scène, comme ici, ne va pas assez loin, manque un peu de profondeur et de recherche. Et c'est là l'un des deux défauts majeurs que je trouve à ce roman : les éléments intéressants qu'il met en scène, personnages mais aussi discussions philosophiques esquissées avec de Lussan et Exquemelin, ne vont jamais assez loin et restent du coup un brin simplistes, frustrantes par le potentiel non pleinement exploité qu'elles recèlent, alors que les descriptions, elles, finissent par se faire un brin redondantes.
Autre défaut à mon goût : le style. Non que M. Evangelisti écrive mal, mais son écriture manque pour moi de relief, de verdeur, de vigueur, vu le sujet abordé. On a des descriptions assez efficaces, des termes d'époque et de marine bien choisis... mais où est le langage des pirates ? Où sont ces jurons, ces blasphèmes qu'on nous présente comme abominables mais qu'on n'entend jamais ? Malgré les viols, les tortures, les flots de sang et de tripes, le langage reste trop lisse pour vraiment nous plonger dans l'ambiance. Et le fait que le personnage principal soit un ancien jésuite, réfractaire à certaines errances de langage, n'excuse rien : ce qui l'effraie tant, on peut bien l'entendre, nous ! Ou serait-ce que l'auteur manque un peu d'imagination ?

Du coup, j'ai suivi la majeure partie de ce roman avec un intérêt certain - dû surtout à la matière historique que l'auteur utilise et détourne - mais sans grand enthousiasme. Jusqu'aux cent dernières pages. Dernières pages qui, elles, sont dignes d'un très bon roman d'aventure, avec une belle ampleur laissée à de Grammont, ce personnage luciférien de loin le plus fascinant de tous et pour le coup assez romantique, que j'ai adoré. Quant au sort final réservé à Rogério et à la belle esclave noire, je ne vous en dirai rien, mais il est extrêmement bien tourné !
Malgré toutes les critiques que j'ai pu formuler, ce final m'a laissé du livre une impression très positive qui m'entraînerait à en conseiller, malgré tout, la lecture...
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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« Tuez-les ! Tuez-les tous ! » rugit le chevalier de Grammont, dernier grand capitaine de la Flibuste, sur la colline dominant Campeche au Mexique, quelques semaines avant de trouver la mort dans un combat naval épique aux abords de l'Isla de la Vaca. Nous sommes en 1685 et la dernière heure de la piraterie française est sur le point de sonner : Louis XIV et sa Cour se sont lassés des exploits sanglants de la Flibuste et ont décidé d'y mettre définitivement terme. Ce sont les dernières convulsions de ce petit peuple barbare que nous invite à découvrir « Tortuga » par les yeux du portugais Rogério de Campos, enrôlé de force sur le navire pirate « le Neptune » commandé par le capitaine Lorencillo. Il passera ensuite sous les ordres du diabolique chevalier de Grammont et apprendra sous sa férule les terribles lois du monde de la Flibuste, ses souffrances et ses joies sanguinaires. Témoin fasciné et révulsé, il assistera aux dernières aventures des Frères de la Côte et à leur ultime grande entreprise, la prise de Campeche, avant de tout perdre pour l'amour d'une belle esclave noire.

Du sang, des tripes, des viols, des membres amputés, des yeux crevés, d'abominables tortures… Charmant programme, n'est-ce-pas ? Mais nous sommes chez les pirates, pas chez les bisounours comme ne manque pas de nous le rappeler abondamment Valerio Evangelisti. Oubliés le bel Errol Flynn se balançant élégamment de cordage en cordage dans « L'aigle des mers » ou le cocasse Jack Sparrow de « Pirates des Caraïbes » ! Place aux trognes écarlates d'ivrognes, aux brutes vociférantes, au sadisme décomplexé, bref, au flibustier sous son jour le plus noir et le plus sauvage. On ne peut qu'applaudir l'enthousiasme avec lequel Evangelisti rentre dans le lard de l'imaginaire romantique, pulvérisant cliché après cliché avec l'ardeur d'un psychotique armé d'un sabre d'abordage.

Mais bon… le sang et les tripes, c'est très chouette mais ça ne suffit pas à faire un bon roman. Premier point faible de « Tortuga » et non dénué d'importance puisqu'il m'a empêchée de m'immerger complétement dans le récit : un style pas vraiment à la hauteur des ambitions de l'auteur. Non qu'il soit mauvais, mais il manque de relief et de crudité, notamment au niveau des dialogues, presque compassés. Toutes ces brutes sanguinaires parlent comme des livres, sans jamais un écart de langage, ce qui donne parfois au roman un aspect surréaliste, voire involontairement comique. C'est quand même pas la mer à boire d'attendre d'un pirate qu'il sache dire « Merde » de temps en temps !

Autre point faible : l'ami Rogério est un peu chiant. le problème n'est pas tant le manque de sympathie qu'il inspire au lecteur que son manque criant de présence. D'un caractère plutôt sournois et dissimulateur, il lui manque les vices triomphants qui rendent les canailles charismatiques. On se fiche un peu de savoir s'il va survivre ou pas, et encore plus de ses histoires de coeur – assez malsaines en demeurant. Quelques personnages secondaires ont du potentiel, notamment le chevalier de Grammont, mais ne sont assez développés pour pallier à la platitude du héros. Le tout donne un roman d'aventure assez divertissant avec un point de vue original sur l'univers de la piraterie, mais desservi par une plume peu inspirée. Pour les amateurs de la Flibuste à la recherche de plus de profondeur et d'ambition, je conseillerais plutôt l'excellent « Long John Silver » de Bjorn Larsson (je sais, je radote un peu, mais je ne peux pas m'en empêcher…)
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Tortuga est le premier livre de « vraie piraterie » que j'ai eu l'occasion de lire et je dois bien avouer que j'y ai pris un véritable plaisir. Une mise en abîme bien loin du mythe du pirate hollywoodien (nous y reviendrons plus tard) et des films de J. Deep qui ont trop tendance à présenter cette figure haute en couleurs comme le héros romantique libre et coquin des temps modernes.

Ici il est plus souvent question d'assauts sanguinaires, de gorges tranchées et l'odeur du sang est presque perceptible dès la première page du maître italien du roman moderne : Valério Evangelisti :

« Rogério de Campos crut sa dernière heure arrivée. le pont du Rey de Reyes ressemblait au sol d'un abattoir. du sang le maculait et ruisselait de toutes parts, au milieu des mats abattus, des amas de voiles et des enchevêtrements de haubans fracturés. »

L'histoire débute très brutalement en narrant l'ultime aventure des « frères de la Côte » : la principale confrérie de flibustiers des Caraïbes. le frère jésuite Rogiero, suite à l'assaut des pirates, est capturé et va voir son destin changé au milieu de sa « nouvelle famille ».

Intégré de force grâce à sa qualité de maître d'équipage, notre héros va devoir littéralement réapprendre à vivre et fournir un réel effort d'adaptation pour survivre (donc se faire accepter) dans son nouvel environnement en 1685 : année charnière de la flibuste caraïbaine.

Vous allez découvrir que la vie des pirates est très structurée et organisée telle une microsociété : nous sommes bien loin de l'anarchie souvent présumée, les rôles sont bien déterminés, le capitaine est élu parmi ses pairs et peut être destitué suite à un nouveau vote, la vie sur le bateau est extrêmement rude et les haltes sur la terre ferme excessives. Bref personne ne rigole.

Les flibustiers n'ont qu'un seul but : l'or, soit l'enrichissement personnel : » tout ce que nous voulons c'est de l'argent et nous faisons fi de toute règle. Nous nous emparons de tout et vendons de tout, y compris des hommes. Nous sommes le futur et personne ne nous arrêtera « .

Evangelisti, historien de profession utilise de véritables faits et introduit un grand nombre de personnages qui ont bel et bien existé : comme de Cussy, de Graaf et surtout de Grammont ainsi que de Lussan, un des seul pirate écrivain dont les récits représentent la référence historique de cette période.

Amateurs de rhum, de sang, de vocabulaire et tactique maritimes, jetez vous sur ce roman qui mixe habilement fiction et réalité (le contexte diplomatique entre la France et l'Espagne est passionnant).

TLB
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Tortuga... Ou le bouquin "je vous mets deux kilos de tripes ? " ... "ah y en a plus je vous le laisse? "

Pitch:
Le Neptune est en vu, le navire du terrible capitaine Lorencillo, l'abordage est proche, la fin est proche pour le galion espagnol le Rey !
Rogério de Campos jésuite survivant à cet abordage sanglant, se voit enrôler de force par les Frères de la côte .... et heu... bin va falloir survivre...

Ici nous somme dans un roman historique, le roman d'aventure... Mais à la Evangelisti...
Vous avez envie de vous faire un coup de romantisme pirate choubidou ? Passez votre chemin...
vous avez envie de lire un coup de pirate des caraïbes ? Passez votre chemin, même si ça se passe dans les caraïbes...
Evangelisti tord le cou à toute l'iconographie pirate qu'on nous sert depuis des lustres... Et il le fait bien.
Parce qu'ici le pirate est veule, le pirate est violent, le pirate ne s'embarrasse pas de considérations éthique... le pirate est monstrueux, le pirate est glauque... oui.

Evangelisti se sert du contexte historique (les dernières heures de la piraterie du XVIIe siècle), géographique, politique, des noms de pirates qu'on connaît tous, des véritables noms de bateaux (c'est très très documenté comme roman) pour nous écrire une histoire hautement aventuresque, mais hautement sombre, doté d'un fort taux de violence à tous les niveaux.. on a le droit à toutes, du meurtre ( normal) en passant par le viol et la torture ( franchement celle-là, je sais pas si elle a existé un jour, ou si elle sort du cerveau de l'auteur.. mais Tain... elle est encore dans ma tête...).
Oui pas un bouquin pour les cœurs tendres... y a des moments où faut s'accrocher.

D'habitude, enfin souvent, on peut avoir identification avec un des héros, des protagonistes.. là clairement non, ou alors vous avez de sérieux problème mental... ^^
Et ce n'est pas pour ça que le livre n'est pas bon.. oh non...
Ce livre secoue, autant par la question qu'il soulève, comment faire pour survivre, et jusqu'où peut-on aller ? ( notre Rogério il va aller pas mal loin...)

Et la métaphore est magistrale, si énorme, si visible, ces pirates qui ne sont plus que des être à la poursuite de leur moindres désirs, qui ont laissé toute humanité sur le bord de la grève et ce pour une seule raison, l'or... l'enrichissement personnel...
Dites, là, le Evangelisti il parlerait pas d'autre chose que de pirates ?
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Après l'abordage de son galion espagnol, Rogério de Campos, jésuite portugais au passé trouble, est enrôlé de force à bord du bateau de Lorencillo comme maître d'équipage en vue d'être cédé au terrible capitaine de Grammont. D'abord épouvanté par les moeurs des pirates, il va progressivement adopter leur attitude sauvage et se dépouiller de son vernis civilisé...

L'auteur dresse ici un portrait démythifié du pirate, loin de la représentation complaisante de l'âge d'or hollywoodien. Il nous dépeint une espèce d'hommes cyniquement désenchantés, vivant au jour le jour, dans les excès et la démesure, dans une espèce de folle course en avant dont l'issue ne peut qu'être fatale. Attachés à la vie (et à l'or), ils savent la leur de courte durée et défient la mort à chaque bataille, à chaque abordage dans une frénésie sanglante. Ce sont des hommes cruels et féroces, s'adonnant au viol et à la torture sans aucun état d'âme. Mais paradoxalement, ce sont les seuls hommes véritablement libres de leur époque, cette époque si tyrannique aux faibles et dont les gouvernements peuvent se montrer finalement aussi inhumains envers leurs sujets que les pirates qu'ils condamnent. Les pirates ont en effet créé une société dont le fonctionnement est profondément démocratique : le butin est équitablement partagé entre eux, selon un système de compensation en rapport avec les blessures reçues au combat, et obéissent à un code d'honneur.

Evangelisti décrit à merveille la dure vie à bord, la condition intenable des pauvres mousses qui servent de femmes aux pirates, les lois égalitaires qui régissent les rapports entre les Frères de la Côte (un capitaine est élu démocratiquement à la tête du bateau... tout comme il peut en être démis s'il ne donne pas satisfaction), bref, l'auteur s'est documenté, et cela ce sent, jusque dans les moindres détails très évocateurs et immersifs ! Il s'arrange bien quelque fois avec L Histoire, et surtout celle du capitaine de Grammont auquel il invente une fin épique (dans la réalité, de Grammont a brutalement disparu en mer) et un statut plus marginal qu'il ne l'était (De Grammont, au vu de ses exploits, fut nommé lieutenant de la partie sud de l'île de Saint-Domingue par le roi de France).

J'ai beaucoup aimé les dialogues entre les protagonistes qui exposent leur philosophie de vie avec un cynisme et une cruauté décomplexée. Parfois même, leurs paroles étaient si outrées qu'elles en prenaient une tournure comique... J'ai regretté d'ailleurs qu'elles ne soient pas émaillées de ces fameux blasphèmes soit-disant affreux mais que l'auteur esquive malheureusement... Tant qu'à faire, autant aller jusqu'au bout de ce travail de démythification, non ?

En outre, je ne me suis pas du tout attachée au personnage principal, que j'ai trouvé sans relief. Les révélations sur son passé font un peu l'effet d'un pétard mouillé. de plus, je n'ai jamais été convaincue par l'histoire d'amour qui le lie à l'esclave noire, même si je comprends la fascination obsessionnelle que la jeune femme exerce sur son esprit... Mais l'histoire n'a pas été assez fouillée de ce côté pour me paraître crédible !

Pour conclure, une plongée fascinante dans le monde féroce des pirates qui sont montrés sous leur véritable jour, avec leurs bons et leurs pires côtés ! La plume et les descriptions de l'auteur sont véritablement immersives et retracent à merveille cette ambiance de violence et de fureur guerrière... Nous avons le plaisir de croiser les figures historiques des deux capitaines flibustiers Laurent de Graff dit Lorencillo et Michel de Grammont ainsi que celle d'Oexemelin, le chirurgien pirate et Raveneau de Lussan qui ont laissé des écrits sur la vie des flibustiers à la fin du XVIIè siècle (je compte bien les lire un jour d'ailleurs !). Malheureusement, j'ai trouvé l'intrigue sur Rogério de Campos assez faible et mal exploitée pour que je me sente complètement emportée...

Lien : http://parthenia01.eklablog...
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Livre formidable. Même si certains passages sont choquants, on se laisse vraiment embarquer avec les personnages. Ce livre de piraterie est d'une justesse qui tient le lecteur en haleine tout le long du roman. Aucun temps mort, aucun ennui.
Par ailleurs, la construction très carrée du livre met en évidence le côté très désorganisé des pirates. Pas de fausse note, un livre à lire.
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Un nouveau cycle d'Evangelisti chez les pirates des Caraïbes à la fin du XVIIème siècle...

Ce roman d'Evangelisti démarrait en 2008, parallèlement à celui de l'inquisiteur Eymerich, un nouveau « mini-cycle » (un autre roman à ce jour) : en 1685, sur l'île de la Tortue, les pirates semblent voir leurs jours comptés, depuis que les évolutions des alliances européennes vont bientôt les empêcher de chasser les galions espagnols sous le couvert de la France ou de l'Angleterre... Univers baroque, cruel, hait en couleurs, dans lequel de subtiles intrigues prennent néanmoins place, qui n'empêchent pas l'irruption de la concupiscence, de l'amour ou de la folie...

« Rogério ressentit un léger sentiment de pitié pour ces malheureux Noirs, enfermés dans un débarras minuscule, enchaînés les uns aux autres, morts d'asphyxie comme des rats. Un siècle plus tôt, l'Église frappait encore d'excommunication ceux qui pratiquaient l'esclavage, si bien que les Indiens du Nouveau Monde étaient asservis à travers des formes contractuelles de façade, sur le modèle de ce système qu'on appelait l'encomienda, pour ne pas encourir le risque d'un péché mortel. Mais les temps avaient changé , et Séville était devenue le plus grand marché de chair humaine de toute l'Europe. Chez un ex-jésuite comme Rogério, pourtant, quelques remords persistaient. »

« [Ces seigneurs pirates formaient] une aristocratie de second ordre, très semblable à la bourgeoisie marchande. Aucun noble d'Europe n'aurait accueilli de pareilles canailles dans son salon. Mais ceux à qui ils ressemblaient le plus étaient indéniablement les Espagnols de deuxième ou troisième génération, arrivés aux Indes-Occidentales à la suite des conquistadores . Une petite noblesse, embourgeoisée, faite d'hommes voraces et cupides qui avaient déferlé en masse sur le Nouveau Continent afin de se remplir les poches en aussi peu de temps que possible, en se prévalant de cette institution nommée encomiada qui permettait de réduire les indigènes au rang d'esclaves sans que cela relève officiellement de l'esclavage. »

Comme souvent avec Evangelisti, sous une narration échevelée et cruelle, une critique politique et sociale acerbe pointe avec violence et malignité, et les jeux doubles ou triples sont fréquents. Toutefois nettement moins réussi, et moins ample, à ce stade, que le cycle « Métal Hurlant ».
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Il y avait un moment que je n'avais pas passé autant de tant sur si peu de pages ! Mais je n'avais pas envie d'avaler cette histoire, j'ai pris mon temps. J'avais très envie de savoir la suite mais je ne voulais pas tout lire en une fois. J'ai tout bonnement adoré cette lecture à la fois romancé et basé sur des faits historiques l'auteur étant professeur d'histoire, il en va de soi. On y découvre une confrérie de pirate celle des Frères de la Côte avec à leur tête deux pirates de renommée (qui ont vraiment existé) : Laurent de Graff et Michel de Grammont. On suit cette aventure au côté de Rogério, portugais et ancien jésuite, cet homme semble avoir la chance avec lui mais son passé, qu'il cherche à caché serait-il si terrible que ça ? Cet homme nous décrit avec les yeux d'un néophyte en matière de piraterie tout ce que ses compagnons de fortune vont vivre. On voit l'évolution de ce personnage, croyant, qui a travaillé pour la couronne d'Espagne et qui se retrouve prisonnier des pirates, se retrouvant avec un poste à responsabilité sur un galion qu'il avait vu comme ennemi. Son salut, il le doit à sa maîtrise de la mer comme maître d'équipage. de là il va tenter de comprendre les motivations des hommes dans les conquêtes, les batailles, la boisson et l'amour. C'est finalement ni plus ni moins qu'une quête initiatique au coeur de la flibuste.

J'ai vraiment apprécié la plongée dans ce monde grâce à tous les termes techniques que l'on découvre, qui sont expliqués car Rogério ne connait pas tout et à travers sa méconnaissance du « travail » de pirate c'est le lecteur qui en apprend davantage. En plus de la technique c'est tout l'ordre des pirates, le fonctionnement et les codes qui régissent ici la confrérie de Frères de la Côté mais il est aisé d'imaginer que les autres pirates ne sont pas fortement éloignés de ce système de pensée.

Mais attention qui dit pirates dit beaucoup de morts, du sang, des pillages, des viols et beaucoup d'alcool. Bref tout ce que la nature humaine a de plus animal, on a les bas-instincts qui entrent totalement en contradiction avec la beauté des paysages, le ciel la nuit sur ce magnifique trois mats, la beauté de cette femme de couleurs qui est en cale …

Voilà, on embarque quand sur un galion en direction des Caraïbes ?
Lien : http://chickon.fr/2015/05/07..
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TUEZ-LES TOUS !

28% de sang,

22% de tripes et boyaux,

34% d'embruns

16% de soleil,

sur fond sonore fait de hurlements, de jurons, de blasphèmes, du fracas des coups de canons et de la mitraille, et j'en oublie. Des amateurs ?

Tortuga c'est un peu comme si CormacMcCarthy s'intéressait au frères de la Flibuste à la place des coboys, sauf que pas tellement. Parce que, sans vouloir en remettre une couche, c'est quand même beaucoup moins bien écrit. Mais vraiment beaucoup.

Alors l'idée de dynamiter (comme dit l'éditeur inspiré) l'image hollywoodienne du Johnny pirate des Caraïbes Depp est très très séduisante, mais vouloir montrer un monde brutal, cruel, sanguinaire, sadique, qui n'a rien de fraternel, tout en n'osant pas appeler un chat un chat, par égard sans doute pour les chastes yeux du lecteur, je trouve ça bizarre, voire suspect. L”auteur use de périphrases pudiques (pour ne pas dire pudibondes), pour décrire des actes d'une barbarie achevée, et tenez-vous bien, il n'ose même pas citer les blasphèmes du plus effrayant des pirates, le Duc de Grammont, disant seulement qu'il “jure effroyablement”. Ca casse complètement l'ambiance si vous voulez mon avis. Qui est vraiment dégueulasse et sanguinolente la plupart du temps, je vous l'accorde, mais pourquoi cette retenue par moments ? Comme si l'auteur regardait ce spectacle et en était lui même outré et effrayé.

Alors l'histoire est pas mal, hein, on va d'abordage en pillage de comptoir, bon, en suivant un ancien jésuite enrôlé de force sur un navire pirate, et qui vit ce qui sera la dernière grande aventure de la piraterie sous Louis XIV, on en apprend un peu sur le fonctionnement de cette société (mais je trouve que c'est amené de manière assez maladroite et didactique), et le jésuite, il tombe amoureux au premier regard d'une esclave trop trop belle, ce qui le mènera aux pires extrémités, et à sa perte, parce que la femme est perfide. Voilà. Question récit, l'auteur mène bien sa barque (bon, elle était facile, mais j'avais envie de la faire, merci), il utilise abondamment, et très correctement, il faut le reconnaître, la construction sujet-verbe-complément, du coup c'est un peu plat. Je n'ai pas eu l'impression d'être prise par le suspense ou emportée par un vrai souffle romanesque (et là je pense à l'Ile au trésor, franchement y a des moments faut vraiment se replonger dans les classiques). Pas de coups de théâtre, rien qui fasse sursauter, pour un récit de pirate, franchement, ça craint, et des personnages que j'ai trouvés esquissés à grands traits (peut être pour montrer le côté primitif du pirate ? Mouais)

Dommage, je trouve la couverture vraiment splendide.
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Ce dernier m'a été recommandé par nouvelle amie Lizzie avec qui je passe des heures. Heureusement j'avais déjà le livre qui traînait en haut d'une pile. de toute évidence même si on se ne connaît pas depuis longtemps, tu sais les littératures dont j'ai besoin. Mais waouh ! Quelle claque que ce roman ! J'ai vraiment dévoré ce livre sans me focaliser sur les derniers événements de ma vie.

Si vous vous attendez à un roman sur les pirates comme on en voit souvent au cinéma style l'île aux pirates ou pirates de caraïbes : passez votre chemin. Ici on n'est pas dans le stéréotype des pirates et des flibustiers, ici on est dans un vrai roman historique, j'ai pu vérifier les événements tout du long de la lecture avec un second ouvrage : Dictionnaire des pirates et corsaires. Et on doit bien reconnaître que l'auteur a le souci du détail. Il sait rendre authentique son histoire d'un bout à l'autre. Vraiment un beau travail de fond.

L'auteur à une belle plume et les chapitres s'enchaînent assez rapidement. Alors comme je vous l'ai dit si vous vous attendez à un roman avec le jargon pirate que vous voyez dans les nombreux romans, films et séries, vous allez fatalement être déçu. de plus ici fini les gentils pirates, l'auteur nous montre clairement l'envers du décor historique. Donc des pirates sanguinaires, violeurs et esclavagistes. Car il ne faut pas se leurrer à cette époque c'était un monde de violence, mais à notre époque aussi, j'en sais quelque chose et il n'y a pas que moi.

Lors de cette lecture, j'ai résisté à l'appel des Sirènes qui ont essayé de me faire retomber dans leurs filets. Heureusement j'avais remis les différentes clés de mon royaume à mon amie de toujours qui m'aide tous les jours à me reconnecter avec mon moi intérieur. Elle m'a juste dit : Evite ! Laisse tomber !

Ici dans ce roman pas de sirènes, justes une violence exacerbée. Et au milieu de cela un personnage effacé, sans consistance et manipulable qui se retrouve mêler à toute cette violence malgré lui. Je me suis senti proche de ce personnage naïf qui évolue dans un monde sans pitié auquel il ne comprend rien. Jamais il ne se sentira à la place dans ce monde sans pitié, je connais bien ce sentiment de se sentir comme un étranger, une sorte de loup solitaire.

Hélas Rogério se trompe d'un bout à l'autre et arrive ce qu'il doit arriver, il tombe amoureux d'une esclave qu'il veut affranchir pour se marier avec elle. Comme beaucoup d'histoire d'amour à notre époque, c'est une histoire d'amour à sens unique, mais cela, Rogério l'ignore. Il va jusqu'à se faire couper un bras pour être avec sa belle. Mais au final cette dernière ne l'aime pas et ça sera sa propre fin. Des fois il est dur de voir la réalité en face, c'est cela qui sera fatal à Rogério qui à son âme complètement engluée par de fausses idées. Pour ma part j'ai souvent encore l'impression d'être toujours dans un tel état, mais mon amie est toujours là pour me rappeler que tout n'est pas clair dans la vie et qu'on peut vite confondre amour et amitié lorsque le lien est très fort.

S'il y avait une morale à cette histoire, c'est qu'il n'y a pas de place pour l'amour dans le coeur d'un pirate au risque que cela le conduise à sa propre perte.

Au final ce roman est une petite pépite, aux cotés des frères de la côte (flibustiers et non pirates) tel que de Grammont et de de Graffe nous vivons une aventure épique sans retenue. Les scènes de batailles sont décrites avec un tel réalisme que l'on y est plongé d'un bout à l'autre. L'auteur sait vendre son roman à la perfection. Sorti en 2011 alors que mon cancer débutait j'étais passé complètement à côté. La scène de bataille finale était tout simplement à couper le souffle et ça fait raccord avec la partie historique, ce qui rend vraiment ce roman exceptionnel tant le souci du détail est poussé à l'extrême.

Pour la prochaine lecture, je change de registre avec Psychose : plongée dans les abysses du mal absolu qui est au fond de chaque être humain…
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