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Citations sur Descends, Moïse (13)

Et, lorsqu’il lui parlait de cet ancien temps et de ces gens, morts et disparus, d’une race différente des deux seules que connaissait l’enfant, peu à peu, pour celui-ci, cet autrefois cessait d’être l’autrefois et faisait partie de son présent à lui, non seulement comme si c’était arrivé hier, mais comme si cela n’avait jamais cessé d’arriver, les hommes qui l’avaient traversé continuaient, en vérité, de marcher, de respirer dans l’air, de projeter un ombre réelle sur la terre qu’ils n’avaient pas quittée.
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« — Les temps ne sont plus les mêmes maintenant, dit un autre. Il y avait ici du gibier dans ce temps-là.
— De plus, dans ce temps-là, on tirait aussi des biches. Comme maintenant, nous n’avons pas qu’un chasseur de biche dans…
— Et les hommes qui la chassaient valaient mieux », fit Edmonds. Il était debout à l’extrémité de la table faite d’une planche brute, en train de manger rapidement et sans s’interrompre, tandis que les autres dînaient. Mais, de nouveau, le vieillard jeta un brusque regard sur le beau visage maussade et pensif qui, en ce moment, à la lueur de la lanterne fumeuse, paraissait encore plus sombre et plus maussade. « Voyons allez-y. Dites-le.
— Je n’ai pas dit ça, répondit le vieillard. Il y a des hommes de valeur partout, à toutes les époques. La plupart le sont, certains ne sont que malchanceux, car la plupart des hommes valent un peu mieux que les circonstances dans lesquelles ils se trouvent ne leur donnent l’occasion d’être. (…)
— Aussi vous avez vécu presque quatre-vingts ans, dit Edmonds. Et c’est ce qui a fini par vous instruire sur les autres animaux parmi lesquels vous vivez. On peut, je crois, vous poser cette question : Où donc avez-vous été tout le temps que vous étiez mort ? »

("Automne dans le delta", p. 287-288)
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Tout d’abord, le garçon n’en crut pas ses oreilles ; il fallut que le major de Spain le lui dît. Alors il monta sur la mule borgne que n’effrayait pas le sang des bêtes sauvages, regardant du haut de sa monture le chien immobile à l’étrier du major, le regardant dans le jour ruisselant et gris, aussi grand qu’un veau, plus grand qu’il ne le croyait en réalité — la tête énorme, la poitrine presque aussi large que la sienne, la peau bleue sous laquelle les muscles demeuraient inflexibles, insensibles à tout contact, puisque le cœur qui leur portait le sang n’aimait rien ni personne — restant immobile comme un cheval reste immobile, et pourtant différent d’un cheval qui ne suggère qu’une idée de poids et de vitesse, tandis que Lion suggérait non seulement celle de courage et de tout ce qui contribue à renforcer la volonté et le désir de poursuivre et de tuer, mais l’endurance, la volonté et le désir de supporter dans sa chair au-delà des limites imaginables dans le but de rejoindre et de massacrer.

("L’Ours", p. 201)
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— (…) Songe à tout ce qui est arrivé ici sur cette terre. Tout le sang chaud et fort pour la vie et pour le plaisir qui est retourné en elle. Pour le chagrin et la douleur aussi, bien sûr, mais en en tirant toujours quelque chose pour tout cela, en en tirant beaucoup, car, après tout, on n’est pas obligé de continuer à supporter ce que l’on croit être de la souffrance : on peut toujours choisir de l’arrêter, d’y mettre fin. Et même le chagrin et la souffrance sont mieux que rien ; il n’y a qu’une seule chose pire que de ne pas être vivant, et c’est la honte. Mais on ne peut pas vivre éternellement et on use toujours la vie avant d’avoir épuisé les possibilités de vivre. Et tout ce qu’il y a peut-être quelque part ; tout ce qui n’a pas été inventé et créé tout bonnement pour ne servir à rien. Et la terre n’est pas bien profonde : il n’y en a pas beaucoup avant d’arriver au roc. Et la terre ne tient pas simplement à garder les choses, à les conserver précieusement ; elle veut s’en resservir. Regarde la graine, les glands, ce qu’il advient même de la charogne quand on essaie de l’enterrer : elle se rebelle, elle aussi, elle grouille, elle lutte elle aussi, jusqu’à ce qu’elle soit de nouveau arrivée à l’air et à la lumière, toujours en quête de soleil.

("Gens de jadis", p. 159)
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Songe à tout ce qui est arrivé ici sur cette terre. Tout le sang chaud et fort pour la vie et pour le plaisir qui est retourné en elle. Pour le chagrin et la douleur aussi, bien sûr, mais en en tirant toujours quelque chose pour tout cela, en en tirant beaucoup, car, après tout, on n’est pas obligé de continuer à supporter ce que l’on croît être de la souffrance : on peut toujours choisir de l’arrêter, d’y mettre fin. Et même le chagrin et la souffrance sont mieux que rien ; il n’y a qu’une seule chose pire que de ne pas être vivant, et c’est la honte.
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Au début du printemps, la jument du major de Spain avait mis bas un poulain mâle. Un soir, alors que Sam ramenait les chevaux et les mulets afin de les mettre à l’écurie pour la nuit, le poulain manquait et tout ce qu’il put faire fut de rentrer dans l’enclos la jument qui était comme folle. Il avait tout d’abord pensé à la laisser le conduire jusqu’à l’endroit où elle avait été séparée de son poulain. Mais ce ne fut pas ce qu’elle fit. Elle ne fit même pas mine de se diriger vers quelque canton particulier des bois ni même d’aller spécialement dans quelque direction. Elle ne fit que galoper à l’aveugle, encore folle de terreur. Elle tournait sur elle-même et revenait tout à coup sur Sam comme pour l’attaquer dans un paroxysme de désespoir, comme si, pour le moment, elle ne pouvait se rendre compte que c’était un homme et qu’elle le connaissait depuis longtemps. (…)
Il se rendit au pavillon prévenir le major de Spain. C’était une bête, naturellement, une grosse bête, et, maintenant, où qu’il fût, le poulain était mort.

("L’Ours", p. 180-181)
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Alors Boon courut. Le garçon entrevit la lueur de la lame qu’il avait à la main, il le vit bondir parmi les chiens, les bousculer, les écarter à coups de pied tout en courant, enfourcher lui-même l’ours comme il avait fait de la mule, ses jambes étreignant le ventre de la bête, son bras gauche sous la gorge de l’animal, à l’endroit où Lion était rivé, puis l’éclat du couteau quand il se leva et retomba.
Il ne retomba qu’une seule fois. Pendant un instant, ils ressemblèrent presque à un groupe sculpté, les chiens qui n’avaient pas lâché prise, l’ours, l’homme à califourchon sur son dos, tournant et retournant la lame profondément enfoncée. Puis ils s’écroulèrent, basculant en arrière par le poids de Boon, Boon en dessous. Ce fut le dos de l’ours qui reparut le premier, mais aussitôt Boon fut de nouveau sur lui à califourchon. Il n’avait pas lâché le couteau et, de nouveau, le gamin perçut le mouvement presque imperceptible de son bras et de son épaule élargissant et fouillant la blessure ; puis l’ours se mit debout, tout droit, soulevant avec lui l’homme et le chien ; il se retourna, fit deux ou trois pas vers le bois, sur ses pieds de derrière, comme un homme en marche, et s’effondra d’un bloc. (…) Il tomba tout d’une pièce comme un arbre, si bien que tous trois, l’homme, le chien et l’ours, eurent l’air de s’abattre à la fois.

("L’Ours", p. 203-204)
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À présent, il connaissait les empreintes du vieil ours mieux que les siennes propres, et pas seulement celles de la patte mutilée. Il était capable d’apercevoir n’importe quelle empreinte des trois pieds valides et de la distinguer immédiatement de n’importe quelle autre, et pas seulement à cause de sa dimension. Il y avait d’autres ours, dans ce rayon de cinquante milles, qui laissaient des empreintes presque aussi grandes, ou du moins si proches de l’être que c’eût été seulement en les mettant les unes à côté des autres que celles du vieil ours eussent paru plus grandes. C’était plus que cela. Si Sam Fathers avait été son mentor, et les lapins et les écureuils de l’arrière-cour son jardin d’enfant, alors la brousse que parcourait le vieil ours était son collège, et le vieil ours mâle lui-même, sans épouse et sans enfants depuis assez longtemps pour être devenu son propre et incréé géniteur, était son "alma mater".

("L’Ours", p. 178-179)
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Il but, s’emplit le gosier pour la troisième fois, et, évitant le troisième jet brillant, intact, il abaissa un instant la cruche, haletant, humant le froid de l’air au point de ne pouvoir respirer. Il reboucha soigneusement la cruche avec l’épi de maïs, puis resta sur place, immobile, les yeux clignotants, tandis que son ombre solitaire s’allongeait, s’étendait obliquement sur la pente de la colline et au-delà, d’un bout à l’autre du labyrinthe sans fin de toute la terre esclave de la nuit.

("Bouffonnerie noire", p. 128)
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Vous ne comprenez pas ? s'écria-t-il. Vous ne comprenez donc pas ? Ce pays tout entier, le Sud tout entier, est maudit, et nous tous qui en sommes issus, nous qu'il a nourris de son suc, Blancs et Noirs, nous sommes victimes de la malédiction. Admettons que ce soient ceux de ma race qui l'aient apportée au pays : peut-être est-ce pour cette raison que seuls leurs descendants peuvent - non pas y résister, non pas la combattre - mais simplement l'endurer et lui survivre jusqu'à ce que la malédiction soit levée. Alors viendra le tour de votre peuple, parce que nous avons dû renoncer au nôtre. Mais pas maintenant. Pas encore. Vous ne comprenez pas ?
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