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3,55

sur 165 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Que j'aime la plume de Faulkner ! Un vrai régal de se plonger dans chacune de ces 4 nouvelles, qui dès les premières phrases ont su me happer.
Sur les 4 nouvelles, 3 donnent une place importante aux femmes. On y retrouve tout ce qui fait l'univers de Faulkner : la dureté des hommes, le racisme, la souffrance et toujours, une sorte de pessimisme ambiant. La narration quant à elle décrit, mais elle suggère aussi beaucoup, laissant le lecteur imaginer.
J'ai particulièrement aimé la nouvelle qui donne son titre au recueil, Une rose pour Emily, ainsi que la seconde, Chevelure.
Un excellent moment de lecture, et un recueil qui peut je pense être une bonne introduction à ceux qui ne connaissent pas encore l'univers de l'auteur.
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Ce petit recueil regroupe quatre nouvelles qui font partie, selon moi, des plus belles de Faulkner et sont tirées de Treize histoires. le choix des voix narratives donne toujours une ampleur étonnante à des récits d'apparence simple ou inconsistante.
La première, Une Rose pour Emily, à une tonalité gothique assez remarquable. le narrateur est un habitant de Jefferson, qui prend la parole au nom de toute la société de cette petite ville pour entretenir les commérages autour de Miss Grierson, de sa solitude, de ses privilèges, de ses relations et surtout de ses mystères.
Dans Chevelure, on est encore dans le commérage et la médisance. Un commis voyageur colporte et entretien des rumeurs sur un taciturne coiffeur qui s'éprend mystérieusement d'une jeune fille à la chevelure ni brune ni blonde. Narrateur assez drôle, plein de mauvaise foi et à la misogynie ridicule.
Septembre ardent est un terrible récit où, pour une fois, la voix narrative reste impersonnelle pour présenter un pays à l'ambiance étouffante. Pays où les structures sociales héritées de l'époque esclavagiste offrent l'impunité à des hommes blancs et ouvrent les portes d'un déchaînement de violence et de haine.
Violence intolérable et pourtant acceptée comme une évidence et un état "naturel" à travers les regards des enfants Compson (voir le Bruit et la Fureur) sur le destin tragique d'une blanchisseuse noire, Nancy, confrontée à la double cruauté des Blancs et des hommes dans la dernière et crépusculaire nouvelle Soleil couchant.
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On ne va pas reprocher à un poche de ce prix l'absence d'un petit dossier de lecture qui aiderait le novice de Faulkner. Cette remarque en raison de la difficulté immédiatement perceptible de ces textes, toujours déroutants chez l'auteur américain, dont on ne peut apprivoiser certaines finesses que grâce à un bagage suffisant de lectures commentées. J'ai pu lire ici et là quelques critiques affligeantes de personnes qui ont trouvé abscons ces très bons récits.

On trouve néanmoins dans le petit "Folio" deux pages de présentation de l'auteur avec l'avertissement que "l'univers de Faulkner est un univers pessimiste, dont la déchéance, le péché, l'expiation par la souffrance forment la trame dramatique", ce que dénie complètement la couverture à l'eau de rose.


Ces quatre nouvelles diversifiées, écrites en 1930-31, sont tirées de "Treize histoires" (1931). Elles ont chacune pour protagoniste une femme en souffrance [non centrale dans "Chevelure"], et de ce fait possiblement cruelle ou malfaisante.



Le lecteur familier de l'Américain y retrouvera complètement le Faulkner des romans de ces années-là, mais aussi deux surprises: "Une rose pour Emily", nouvelle parmi les plus connues, qui comporte un final digne d'un maître de l'horreur, puis "Chevelure", histoire d'un coiffeur qui... décoiffe dans les deux dernières lignes.



Dans "Soleil couchant", l'on trouve les personnages familiers de la famille Compson ("Le bruit et la fureur"; c'est d'ailleurs une autre nouvelle avec ces gens, "Crépuscule" qui fut le point de départ du fameux roman). Quentin est le narrateur de cet épisode poignant centré sur la servante noire Nancy, terrorisée par son compagnon Jésus. Les dialogues sont difficiles à suivre de manière courante [fluently], il faut savoir qui parle, mais une fois que l'on repère de qui vient la voix, c'est magnifique.



Si l'on a pu déplorer certains propos d'un Faulkner quelque peu gagné par le racisme de son milieu, il reste néanmoins l'auteur des textes les plus clairvoyants et implacables écrits contre le racisme. Ainsi le quatrième du recueil, "Septembre ardent" où tout est dans l'atmosphère, chaleur nocturne insoutenable, lune rousse, violence prête à s'accomplir :

"À l'est, la blême hémorragie de la lune croissait. Elle pesait sur la crête des collines, argentant l'air et la poussière, si bien qu'ils avaient l'air de respirer, de vivre dans une flasque de plomb fondu. Nul bruit, ni d'insecte, ni d'oiseau nocturne ; rien que le souffle de leur respiration et un léger cliquetis de métal contracté, dans les autos. Où leurs corps se touchaient ils semblaient suer à sec, car ils n'étaient même plus en moiteur. «Nom de Dieu, dit une voix, partons d'ici.»"

Toutes les traductions sont de M.-E. Coindreau hormis "Chevelure" qu'on doit à R.-N. Raimbault et Ch.-P. Vorce. La version de "Une rose pour Emily" a été revue en 1996 par Michel Gresset. Faulkner est le seul auteur chez lequel certains passages traduits me poussent à consulter, quand c'est possible, la version originale pour mesurer la tâche ardue, parfois impossible, de rendre sa langue en français.


Lien : https://christianwery.blogsp..
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Etoiles Notabénistes : ******

A Rose For Emily
Traduction : Maurice-Edgar Coindreaub[color=#ff0000]

ISBN : 9782070425495

Si vous passiez devant la statue de Bouddha, le présenteriez-vous à votre entourage ? Non, n'est-ce pas ? Eh bien ! avec William Faulkner, c'est pareil : on ne le présente pas, on s'incline et on s'absorbe dans ses prières aux mânes de celui qui fut et demeure - en tout cas à nos yeux - le plus grand écrivain américain de la première moitié du XXème siècle.

Avant tout connu pour ses innombrables romans, dont "Sanctuaire", qui, bien que de conception somme toute classique, apporta la gloire à un auteur qui, sur le plan de l'écriture, se montra aussi novateur que James Joyce pour l'Irlande, Faulkner n'en dédaigna pas pour autant l'art de la nouvelle. Son "Intégrale" en ce genre est sortie chez Gallimard, à La Pléiade et comporte pas moins de 1800 pages ... Quel rêve pour les Faulkneriens pur-sang que nous sommes ! Un de ces jours, il faudra que nous nous le procurions... Voyons, où donc avons-nous fourré notre liste pour le Père Noël ?

Certains prétendent d'ailleurs que la nouvelle, comique ou tragique, demeure la meilleure façon, pour un néophyte motivé, d'aborder au monde de l'écrivain sudiste. Mieux vaut, c'est sûr, commencer par "Une Rose Pour Emily" que par "Le Bruit et la Fureur". Mais enfin, en ce qui nous concerne, nous avons fait tout le contraire et nous ne en portons pas plus mal pour autant.

Aujourd'hui, cependant, c'est d'une nouvelle quasi emblématique de Faulkner que nous allons parler, celle dont le titre est si poétique et qui évoque les petites filles bien élevées et les parcs profonds des plantations du Sud : "Une Rose Pour Emily." Seulement voilà, nous sommes chez Faulkner. Alors, si nous restons dans le Sud, et le Sud huppé, s'il y a bien des Noirs qui traînent parmi les Blancs et vice versa et si l'auteur ressuscite, comme lui seul était capable de le faire, l'atmosphère de sa région natale, en liant en outre la nouvelle à son oeuvre-phare, qui débute par "Sartoris", ce n'est ni sous l'ombre torride et les ombrelles faites pour protéger les dames de qualité que nous allons nous promener. Pas plus qu'il n'y aura de Noires se traînant sous la chaleur avec des éventails en feuilles de palmier ou "croulant sous la lourde charge" que les esclaves célébraient si bien dans leurs chansons d'où devait naître le blues. Ne comptez pas non plus sur les crinolines à la Scarlett O'Hara car "Une Rose Pour Emily" se situe après la Première guerre mondiale. Bref, ne vous attendez pas au côté "pièce montée" que Noirs comme Blancs, pourvu qu'ils fussent nés dans le Sud, ont contribué, dans leurs relations amour-haine, à conférer à la réputation de leur pays.

A la place, attendez-vous à du bien tordu, à du bien noir, à du "fin de race" mais le tout saupoudré d'une distinction jamais égalée et ponctué de rituels, blancs ou noirs, ici, cela n'a pas d'importance, que tous respectent parce que, tous tant qu'ils sont, ceux qui les pratiquent appartiennent à jamais au Sud. L'héroïne qui a la grâce de prêter son prénom distingué au titre de la nouvelle, Miss Emily Grierson, descend d'une illustre famille de notables à qui le Colonel Sartoris en personne - l'illustre Colonel Sartoris, ni plus ni moins - du temps qu'il était maire, a exemptée à vie du paiement de tout impôt. C'est vous dire tout ce que représente, dans l'imaginaire de la ville de Jefferson, le nom des Grierson. Quand elle était jeune, on voyait toujours la petite Miss Emily, planète observatrice et sage dans l'orbite paternelle. Après la mort de son père, comme elle était majeure et comme l'époque le permettait, elle vécut seule dans la vaste maison reçue en héritage, avec, à son service, un Noir qui passait, selon les circonstance, du rôle de cuisinier à celui de jardinier. A l'exemple de sa maîtresse, l'homme, même au temps de sa jeunesse, était plutôt du genre taciturne et, malgré les efforts des commères (de toutes les couleurs) du coin, il ne s'exprimait jamais sur l'existence menée par Miss Emily.

Elevée dans la parfaite tradition des jeunes filles sudistes de bonne famille, Miss Emily semblait figée dans l'époque où elle était née. Et, comme tant d'autres, qui avaient connu la Guerre de Sécession ou la vivaient encore dans leur coeur par l'intermédiaire des récits que leur en avaient rapportés les vétérans qui y avaient participé, tout, pour elle, s'était arrêté le jour où Robert E. Lee se vit contraint de capituler devant l'Union. Ainsi, l'exonération d'impôts accordée par le Colonel Sartoris aux Grierson datait de 1894 mais quand, les années ayant amené au pouvoir une génération nouvelle, celle-ci mit toutes les formes possibles et imaginables pour faire comprendre à Miss Emily qu'il serait peut-être temps pour elle de se montrer bonne et civile contribuable, elle renvoya leur ambassadeur en lui ordonnant sèchement de voir avec le Colonel Sartoris - lequel avait rejoint ses ancêtres depuis près de dix ans.

Et plus jamais on ne parla, à Jefferson ou ailleurs, des "impôts" que devait, conformément à la Loi, payer à l'Etat Miss Emily Grierson.

A l'époque où les nouvelles autorités locales se risquèrent à déposer leur supplique aux pieds de Miss Emily, leurs représentants se trouvèrent face à une demoiselle d'un âge certain, obèse et toute vêtue de noir, portant pour seul bijou une longue chaîne d'or qui retombait jusque sur le haut de sa jupe. Dans son visage, désormais bouffi, ses yeux noirs et hautains ressemblaient à deux petits morceaux de charbon. Mais elle conservait cette dignité qui était l'apanage de la famille à laquelle elle appartenait autant que de l'éducation à l'ancienne qu'elle y avait reçue.

Miss Emily, bien sûr, n'avait pas toujours ressemblé à cette personne aux cheveux relativement courts et d'un gris d'acier. Quoique toujours de petite taille, elle avait été mince dans sa jeunesse et assez accorte. Suffisamment, surtout avec sa dot, pour avoir quelques prétendants. Mais elle les refusait, un à un. Les jugeait-elle indignes d'elle ? Ou, comme certains plaisantins de très mauvais goût n'hésitaient pas à l'affirmer, n'étaient-ce pas plutôt ces messieurs qui préféraient la fuir dès qu'ils avaient eu le temps de l'approcher en suffisance pour réaliser son caractère et ses goûts ? Toujours est-il que les années s'écoulaient et que Miss Emily, toujours mince il est vrai, toujours aussi hautaine, demeurait célibataire.

Un jour, la municipalité décida d'entreprendre la rénovation intégrale des rues et des trottoirs de Jefferson. Débarquèrent alors plusieurs équipes de Noirs que menait, en sacrant horriblement (car les Yankees, contrairement aux Sudistes de naissance, avaient le plus grand mal à se faire à la nonchalance des gens de couleur), un certain Homer Barron. Né dans l'Est, du côté de New-York, Barron appartenait donc à la race des Oppresseurs honnis mais enfin, répétons-le, les années s'étant égrenées et encore égrenées au cadran de la Grande Horloge depuis la gloire et l'affreuse défaite de Dixie, tout cela commençait à remonter assez loin. Barron - comme il aimait à le proclamer après quelques verres à l'Elk's Club - n'était peut-être pas homme à se marier mais, de toute évidence, il appréciait les promenades aux côtés de Miss Emily, l'élégance et le charme du Sud incarnés. Tant et si bien que les femmes honorables s'inquiétèrent, s'en allèrent faire scandale chez le pasteur baptiste pour qu'il agît comme il le fallait envers sa brebis égarée et, l'entretien dudit pasteur avec Miss Emily ayant plutôt mal tourné et l'homme de Dieu se refusant formellement à tenter une nouvelle expérience, sa femme s'arma d'une bonne plume et de tout son courage pour appeler au secours les cousines de Miss Emily, qui vivaient en Alabama.

Les deux cousines arrivèrent immédiatement. Ouf ! Miss Emily avaient enfin des chaperons : c'était un premier point d'acquis. Tout Jefferson se remit donc à espérer - et à observer derrière les jalousies baissées des fenêtres de ses maisons. Combien de temps Homer Barron tiendrait-il face à une paire de Grierson qui étaient, de l'avis général, encore plus Grierson que Miss Emily elle-même ? Si Faulkner reste assez vague à ce sujet, il nous apprend par contre assez vite que, les travaux de réfection étant terminés, Barron et ses ouvriers quittèrent la ville. Mais comme, entretemps, Miss Emily avait commandé un nécessaire de toilette gravé aux initiales "H. B." et, en outre, un trousseau entier pour homme (dont une chemise de nuit, mais oui, ma chère ! ), la conclusion s'imposa d'elle-même : le mariage était proche, si ce n'est accompli. D'ailleurs, les deux cousines avaient réintégré leurs pénates en Alabama et un soir, au crépuscule, trois jours après leur départ, on vit Homer Barron introduit dans la maison des Griersons par le domestique noir de Miss Emily.

On ne peut pas dire que le jeune couple mena une vie mondaine endiablée. A vrai dire, les gens heureux n'ayant pas d'histoire, ils semblaient avoir opté pour un bonheur discret et ne sortaient plus - en tout cas pas à Jefferson. Il y eut bien, à un certain moment, une histoire de plainte que voulait déposer une voisine, probablement jalouse de ce bonheur tout neuf, à propos d'une certaine odeur très désagréable qui semblait planer sur la propriété des Grierson. Mais, après une visite diurne - et ô combien embarrassée - des élus locaux à celle qui restait quand même pour eux "Miss Emily" puisqu'elle ne faisait pas mine de prendre le nom auquel elle aurait eu droit devant la loi, et durant laquelle ils tentèrent de lui expliquer les griefs de la voisine ; après également une visite nocturne, et beaucoup plus silencieuse, des mêmes élus par toute la propriété où ils ne découvrirent aucun foyer d'odeur suspecte mais jetèrent de la chaux et de la mort-aux-rats un peu partout, tout revint à la normale.

Et les années passèrent ... et la vie continua ... et celle qui devait rester à jamais "Miss Emily" mourut à son tour. Et alors ...

Tout est dit et pourtant, rien n'est affirmé sur l'affaire. Des motivations de Miss Emily Grierson, nous entendons par là, de l'intégralité de ce qui la poussait dans l'existence, et ce depuis l'âge de raison, nous ne savons que deux choses : c'était une jeune fille bien élevée du Sud, qui avait grandi dans la certitude que rien ni personne n'égalait le nom qu'elle portait ainsi que dans l'idée que, à quiconque portait ce nom si grand, tout était permis.

Voici tout ce que nous en dit Faulkner, nous laissant à la fin sur une énigme qui n'en est pas une : un cheveu gris acier et court, découvert là où l'on n'aurait jamais cru capable Miss Emily d'oublier ne fût-ce qu'un seul grain de poussière ...

C'est grand, c'est simple, c'est amusé, c'est nostalgique, c'est tendre et en même tant terriblement inquiétant et ça vous laisse rêveur. Une infinie et inquiétante douceur, voilà ce qui définit le mieux - en tout cas selon notre nous - cette unique "Rose pour Emily." Penserez-vous de même ? ... ;o)
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Quatre petites nouvelles comme autant de gourmandises qui m'ont aidé à me rabibocher avec Faulkner. Etant entrée dans son oeuvre avec "Tandis que j'agonise", j'ai trouvé ce roman trop robuste comme première lecture. Mais ce recueil, qui se lit plus vite que ne se fume une cigarette, est un régal pour l'imagination. Coup de coeur pour "Une rose pour Emily" !!
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C'est fantastique de force Littéraire, de puissance narrative et émotionnelle mais également stylistique, une écriture charnelle, physique, du sud des États Unis mis également d'une beauté à couper le souffle. Ces 4 nouvelles sont époustouflantes et pour m part surtout la dernière . Chapeau bas
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